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Partenariat Sonatrach-Entreprises nationales: 15 à 20 milliards de dollars pour produire des équipements

par Ghania Oukazi

Ce sont 15 à 20 milliards de dollars que le groupe pétrolier Sonatrach pense réorienter vers les entreprises nationales publiques et privées pour lui produire «des petits» équipements.

Les 15 ou 20 milliards de dollars, c'est en gros, selon Abdelmoumène Ould Kaddour, ce que dépense Sonatrach pour financer la sous-traitance par des sociétés étrangères. Aujourd'hui, le groupe pétrolier inscrit dans sa stratégie nationale «le contenu local» et compte orienter ces montants vers des partenariats avec des entreprises nationales capables de se substituer au label étranger. Elle leur en a fait la proposition, hier, lors de la première journée d'information qu'elle anime au Centre international des Conférences, ?Abdelatif Rahal', de Club des Pins autour du thème «les opportunités pour les entreprises algériennes. »

Son P-DG avait annoncé, en mai dernier, la tenue de ces journées d'informations, au profit des entreprises nationales en vue, avait-il dit « de savoir ce que Sonatrach compte faire sur les 10 prochaines années et ce qu'elles pourront faire avec elle. » Ceci en estimant que « si Sonatrach ne tire pas l'économie nationale vers le développement, je ne vois pas qui pourrait le faire.» Le ministre de l'Energie a fait savoir, à cet effet, que « nous voulons que Sonatrach, dans l'exécution de son plan de développement, notamment en matière de grands projets d'investissements, œuvre mieux à la maximisation du contenu local, et ce, en incitant et stimulant les entreprises locales (?). » Ce qui signifie, selon lui, « la mise en place des voies et moyens à même de réunir les conditions critiques pour l'expression et le déploiement du génie local. »

Les entreprises locales doivent « pour qu'elles puissent participer au plan d'investissement de Sonatrach », se moderniser et se hisser au niveau des performances attendues.» Elles doivent, ainsi, confirmer leur compétitivité « en matière de coût, de délai et de qualité, » dit Mustapha Guitouni. Il estime, cependant, que « cette expertise ne peut être acquise et développée que par un fort investissement dans la formation et quand cela est judicieux, par des partenariats et des alliances avec d'autres compagnies ayant déjà des références. »

«Les limites» des entreprises publiques

Sonatrach œuvre, selon lui, «pour que les PME-PMI algériennes, activant dans notre secteur, activent dans des domaines d'expertise.» Parce qu'il pense qu' «il est inadmissible qu'aujourd'hui, encore, la participation des entreprises locales se limite aux travaux de gardiennage, catering, maintenance et entretien, transport du personnel.»

Il rappelle que «notre secteur avait déjà entrepris cette politique d'intégration nationale en octroyant des projets d'envergure à des sociétés nationales, notamment celles filiales de Sonatrach et Sonelgaz. » Le ministre de l'Energie veut alors que «cette intégration nationale privilégie la fabrication, par des sociétés algériennes, des équipements industriels des plus simples aux plus complexes qui sont aujourd'hui importés (?). » Il reste, dit-il, à mettre tout en œuvre pour engager ces entreprises sur les volets qualité et délais, domaine où nous accusons une certaine faiblesse.» Guitouni évoquera pour la circonstance le nouveau modèle de croissance (adopté en juillet 2016 par le Conseil des ministres) qui s'appuie, entre autres, sur « le perspective de diversification et de transformation de l'Economie, à l'horizon 2030, » et le PPP (Partenariat Public-Privé) dont la charte a été signée par le gouvernement, l'UGTA et le FCE, au nom des patrons privés, le 23 décembre 2017 et par laquelle il était attendu «l'éclosion d'une dynamique d'investisseurs innovateurs et porteurs de projets, facilitant l'activation de l'industrialisation de l'Algérie.» Depuis, les trois signataires ont été rappelés à l'ordre, par une « missive » du président de la République leur interdisant de décider de toute opération de partenariat et de l'éligibilité d'une quelconque entreprise, sans son accord. Le PPP est alors gelé. Jusqu'à ce que le ministre de l'Energie l'a rappelé, hier, aux esprits?

Le P-DG de Sonatrach ne semble pas connaître grand-chose de ces deux projets. «Ce ne sont pas des projets, ce sont des initiatives (?).» L'essentiel pour Ould Kadour est que les produits de Sonatrach sont sous-traités avec les étrangers, donc, il y a beaucoup d'espace pour les entreprises locales, il faut des mécanismes d'incitation pour assurer un contenu local. »

«Pas d'intégration nationale sans compétitivité»

Les conditions de sélection? « On a des objectifs clairs et nets, notre rôle de locomotive de développement, de tirer les entreprises avec nous, ce n'est pas notre rôle premier, mais on voudrait les pousser pour qu'elles puissent produire des petits équipements, 30 à 40% d'intégration, pour un début afin d'arriver à 55%, en 2030, » répond-il. Il pense qu'« il est préférable d'avoir une entreprise locale même si le produit n'est pas conforme.» Mais il prévient, quand même, qu'«il n'y aura pas d'intégration nationale, sans compétitivité. » Sonatrach a approuvé, pour cela, une nouvelle procédure de passation de marché « plus efficace et plus simplifiée avec les fournisseurs », avec un allégement des conditions d'accès (?), pour remplacer une procédure d'appels d'offres jugée compliquée. « Si on ne réussit pas l'intégration nationale, c'est toute l'économie qui ne va pas, le plan de développement de Sonatrach se fera, avec vous ou sans vous, mais il est préférable qu'il se fasse avec vous, les opportunités sont là, il faut qu'on réalise nos projets,» dit le P-DG. Il évoquera, pour cela « l'ambitieux plan de formation que Sonatrach a élaboré. » Il affirme, au passage, que « le problème du recrutement au Sud est sérieux parce que la majorité des jeunes n'ont pas de qualification. » Des centres de formation ont été lancés, à cet effet.

Ould Kaddour n'a pas de gêne à rappeler qu' «en1994, on a produit le même schéma (journées d'informations avec les entreprises locales) mais il n'y a pas eu de suite. » Il fait savoir que pour cette fois, «nous allons créer un bureau, une direction au niveau de Sonatrach qui va suivre toutes les discussions avec les entreprises locales et savoir quels sont leurs problèmes et difficultés.» L'intégration nationale signifie pour lui « des opportunités pour les entreprises locales pour produire plus, mieux, réduire les coûts de production et les délais, c'est moins de devises à exporter, on a intérêt à intégrer le maximum possible de locaux. » Interrogé sur l'engineering, il avouera que « c'est l'un des créneaux le plus difficile à développer, il nous prend 12 à 14% du coût global d'un marché. » Des cadres se sont, alors, tout de suite rappelé les services qu'assuraient BRC avant qu'elle ne soit carrément dissoute sur décision des plus hautes instances du pays. L'on susurre d'ailleurs que certains responsables pensent à la faire renaître de ses cendres?