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Le choléra avant le déluge

par Ali Djaaboub

Le choléra, cette épidémie ou maladie infectieuse liée à une bactérie appelée vibrion cholérique qui a fait tant de ravages au Moyen-Age est circonscrite de nos jours dans les pays développés, sinon dans pratiquement le monde entier.

L'image de cette infection bactérienne, qui provoque une diarrhée aiguë et une déshydratation intense capable de tuer sa victime en un temps record, reste ancrée dans les esprits de par sa nocivité, à telle enseigne qu'elle revient dans les citations dans tous les pays du monde. « Entre la peste et le choléra il n'y a pas à choisir». Chez nous on dit à quelqu'un à qui l'on souhaite du mal : «Que ton ventre soit atteint d'indigestion !». Cette pestilence est tellement crainte qu'elle fait paniquer les riches comme les pauvres, les développés comme les sous-développés. Et chaque fois qu'elle refait son apparition dans un pays donné, les autres, aussi lointains soient-ils, sont atteints d'une peur panique indescriptible. Pour s'en prémunir alors, ils s'isolent et interdisent l'accès de leurs territoires à ces pestiférés.

Cette année 2018, en ce mois d'août, elle s'est invitée chez nous en Algérie. Cette Algérie rebelle, fière et arrogante est mise à genoux par cette bactérie malgré sa taille insignifiante. Et comment non lorsque son fief, son PC, sa capitale et son environnement immédiat sont terrassés !

Le branle-bas de combat est à son comble, les états-majors sont en alerte maximum, les citoyens paniquent et ne savent plus vers quel saint se tourner, les hôpitaux sont assaillis. Les pouvoirs publics incapables de déterminer la source de ce mal et ne pouvant donner de réponses convaincantes à leurs concitoyens, se perdent en déclarations contradictoires d'un secteur à un autre. L'eau de source, vers laquelle les petites gens se tournent pour économiser le peu de pécule en leur possession qu'ils réservent à d'autres choses aussi vitales, est mise à l'index pour les uns, alors que pour d'autres ce sont les fruits et légumes irrigués avec une eau usée insalubre par des agriculteurs peu scrupuleux qui est à l'origine de l'épidémie assassine, pendant que d'autres pointent du doigt l'insalubrité des villes qui succombent sous le poids des ordures ménagères qui ne sont pas collectées parce que ceux qui ont en la charge s'en foutent. Bref, il ne reste à ces messieurs les responsables qu'à décréter que nos pauvres citoyens portent dans leurs gènes ce germe et qu'une force inconnue fait qu'il se manifeste de temps à autre pour emmerder nos pauvres responsables et leur gâcher leurs vacances.

La rentrée scolaire est à nos portes et bien que la ministre de l'Education annonce la date du 05 septembre pour l'ouverture des portes de l'école, les pauvres parents ne se résignent pas à y envoyer leur progéniture et restent dans l'expectative avec la peur au ventre.

La panique de la population, livrée à elle-même et en manque d'informations de la part des autorités se propage aussi vite que la propagation de l'épidémie. Des experts n'hésitent pas à dire que cette calamité était prévisible au vu des nombreuses négligences des institutions, que sont la commune, les services techniques spécialisés ou encore ceux de l'agriculture ou de l'environnement. Le laisser-aller a atteint un tel degré de non retour au point où l'on a abandonné jusqu'au moindre réflexe de prévention au niveau local. Les autorités ont failli à leurs obligations dans le domaine sanitaire à l'égard des populations délaissées ou ignorées, écrit la presse.

Que ce soit l'eau des oueds et autres cours d'eau d'irrigation polluées par les rejets industriels ou ménagers utilisées dans l'agriculture le recours aux eaux usées par des agriculteurs peu scrupuleux ou ignorants les dangers auxquels ils exposent la population qui consomme des fruits et légumes, qui soient à l'origine de cette catastrophe, il n'en reste pas moins que ceux à qui le contrôle incombe restent aussi coupables, sinon plus coupables que les fauteurs eux-mêmes.

Le manque d'hygiène et de salubrité publique dans les communes et les daïras de la part d'autorités dont les préoccupations sont autres que l'amélioration du cadre de vie de leurs administrés est l'une des défaillances à ajouter à tant d'autres à l'image du laisser-aller en la matière qui sont la cause du malheur de la population, proclament certains. Les négligences et les lacunes des institutions nationales comme des collectivités locales, incapables d'honorer leurs obligations envers les citoyens, de prévoir de tels dangers ou de les prévenir, ajoutées au manque de civisme de beaucoup de nos concitoyens qui ont aussi leur part de responsabilité, ont amené à cette situation à risque élevé, estiment d'autres.

La confiance, ce socle qui unit gouvernants et gouvernés, administrateurs et administrés n'étant plus de mise depuis belle lurette, on peut toujours prêcher dans le désert, il n'y poussera rien du tout. On est alors face à un dialogue de sourds et ceux qui vivent sur cette terre sont chacun sur son nuage et ne veut à aucun prix en descendre. Cette fissure dans la maison Algérie qui ne cesse de s'élargir interpelle tout un chacun et au premier titre ceux qui ont en charge le pays afin de remédier a cet état de fait.

Cette réalité amère, nous l'avons vue à Hamr El Ain, quand des citoyens ont défié l'avis des autorités qui ont décrété les eaux de la source de Bel Lekbir porteuses de la bactérie appelée vibrion cholérique à l'origine de l'épidémie. Les citoyens ont bu de son eau en direct comme rapporté par les différentes chaînes de télévision. Un défi qui, hélas, en dit long et même trop. Et il s'est avéré que cette eau était saine et que le gène suspecté n'était pas la cause de la maladie.

Il est à craindre, dès lors, que la population, devant toutes les anomalies que nous vivons, soit, un jour, atteinte d'une maladie plus dangereuse que le choléra ou même la peste, ce qui risque d'exposer notre patrie à un déluge dévastateur. Que Dieu nous en préserve !