Le moins qu'on puisse dire est
que les dernières déclarations du ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de
la Ville, M. Abdelwahid Temmar,
sur les malfaçons constatées dans les logements réceptionnés ont eu le don
d'exaspérer beaucoup des gens parmi la corporation des ingénieurs en génie
civil. Ces derniers ont saisi l'opportunité pour relancer la revendication pour
l'instauration d'un ordre national des ingénieurs en génie civil qui, à
l'instar des architectes, constituerait le cadre réglementaire pour défendre
leurs droits et revendiquer un statut conforme à leur spécialité. "Enfin,
les pouvoirs publics commencent à reconnaître, ne serait-ce que de façon
implicite, les limites de l'architecte dans la conduite des projets de
construction et, par ricochet, le rôle primordial de l'ingénieur dans la
réalisation et le contrôle dans la qualité du bâti et des
infrastructures", nous ont déclaré hier les membres d'un groupe
d'ingénieurs qui nous ont contactés. Elevant de vives protestations contre leur
marginalisation, ces derniers contestent toujours le fait que la maîtrise
d'œuvre continue à être confiée aux bureaux d'étude en architecture.
"C'est rageant, se sont exclamé nos interlocuteurs avec dépit, que les
défauts vénaux qu'on vient de constater dans les constructions n'empêchent pas
que l'ingénieur continue à travailler sous la coupe de l'architecte. Mais soyez
certains, promettent-ils, que nous ne cesserons jamais de répéter que
l'architecte ne connaît rien dans le suivi d'un chantier, en matière de qualité
du bâti, de la sécurité des constructions? car cela relève de la compétence de
l'ingénieur en génie civil".
D'autres émettent de vives
critiques contre leur syndicat national lui reprochant une certaine
"tiédeur" dans l'action de revendication vis-à-vis de la tutelle.
"Les membres de notre syndicat ne font rien pour faire avancer le dossier
d'agrément de l'ordre des ingénieurs, disent-ils. Il y en a qui font preuve de
réticence, d'autres de timidité, voire de crainte, etc.". Enfin, les
ingénieurs pointent du doigt les architectes signalant que ces derniers sont
"tapis dans les structures du ministère et font tout pour mettre des
bâtons dans les roues de leur jeune organisation syndicale afin de l'empêcher,
pensent-ils, de concrétiser le projet d'autonomie de la corporation qui menace
leur rôle de leader dans les projets de construction lancés par l'Etat. Et par
là, leurs intérêts matériels". Informé de l'état d'esprit des gens de sa
corporation à la base, et interrogé sur les mesures éventuelles que son
syndicat compterait entreprendre pour calmer sa base, M. Soualmia,
vice-président du syndicat des ingénieurs en génie civil, nous a confirmé qu'il
y a effectivement un marasme parmi les ingénieurs. "Ces derniers, dit-il,
ne cessent d'exercer des pressions sur le syndicat pour le pousser à activer le
dossier de demande d'agrément déposé au ministère de tutelle et aller vers
l'autonomie de la corporation". "Je dois dire que, plus d'une fois,
M. le Ministre s'est déclaré favorable à la création de notre ordre. Mais
malheureusement, au niveau de la tutelle, nous sentons qu'il y a beaucoup de
réticences, voire d'hostilité à cette idée de création d'un ordre des
ingénieurs à côté de celui des architectes. Il semble évident qu'il y a un
blocage", a déclaré M. Soualmia. Pendant ce
temps, ajoute-t-il, "la colère des ingénieurs monte au niveau de plusieurs
régions du pays et nous craignons une action de ces derniers au cours de cette
rentrée sociale, une action du genre de celle du mouvement des médecins
résidents. Les adhérents du syndicat des ingénieurs sont capables de sortir
dans la rue dans le but de réclamer l'instauration d'un ordre national des
ingénieurs en génie civil", nous confiera-t-il.