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Paranoïa

par Mahdi Boukhalfa

La paranoïa des Etats-Unis vis-à-vis des autres Etats nucléaires, autrement dit la Russie et la Chine, ou accessoirement l'Iran qui a nié en vain posséder cette redoutable arme de destruction massive, n'a plus de limites. Comme le locataire de la Maison Blanche, fantasque et absolument imprévisible dans ses positions politiques comme dans ses postures diplomatiques, pousse ses alliés traditionnels, dont l'Union européenne, à la défensive, les rapports de force dans le monde sont en train de s'inverser, sinon à produire de nouvelles zones de tensions, de conflits. Pas seulement militaires, stratégiques.

Après avoir usé et abusé de menaces de toutes sortes, autant militaires qu'économiques et financières, Washington a dépassé un nouveau seuil dans sa paranoïa guerrière et un palier dangereux dans sa façon de traiter les nations qu'elle a toujours considérées, en dépit du bon sens et de la bienséance diplomatique, avec ce rapport désastreux et belliqueux sur une incroyable volonté de Pékin d'attaquer des cibles américaines ou celles de ses alliés. Dans son ?'Rapport annuel sur les développements militaires et sécuritaires impliquant la République populaire de Chine'', le Pentagone établit de fait que la Chine forme ses ?'forces armées à attaquer les Etats-Unis et leurs alliés''. Une affirmation qui s'ajoute aux nombreuses attaques directes des Etats-Unis, avec l'arrivée de Trump, contre certains Etats dont la Russie, l'Iran, la Turquie et surtout des menaces de sanctions économiques, y compris l'UE, contre tous ceux qui ne respecteraient pas cette dangereuse politique diplomatique et militaire de Washington, qui est en train de rompre un fragile équilibre des forces construit et consolidé depuis Clinton et Gorbatchev entre l'Est et l'Ouest. Jusqu'à fédérer actuellement autant les pays de l'UE, dont la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, qui ne veulent pas céder à la politique du chantage économique et de la menace militaire, avec la Turquie, la Russie et l'Iran.

Un conglomérat de nations que rien ne rassemble, si ce n'est leur ras-le-bol et leur refus d'abdiquer à la politique d'extermination massive des Etats et nations, déclarés dangereux pour les intérêts américains, sous des prétextes fallacieux, inspirés, emballés et envoyés par les services spéciaux sionistes. Croire ou faire croire que la Chine, devenue première économie mondiale, en passe de devenir une vraie puissance militaire, disposant d'un arsenal moderne, est une menace pour la sécurité des Etats-Unis, n'est pas nouveau. Mais la désigner comme un danger pour la sécurité de ses alliés, qui sont réduits à la portion congrue par une incongrue diplomatie, est diabolique. Comme l'est cette nouvelle configuration de la vision US des rapports de force dans le monde, qui est en train de détruire, pierre par pierre, aussi efficacement qu'un bombardement ciblé aux neutrons, une si fragile paix mondiale.

Le prochain sommet quadripartite d'Istanbul sur la Syrie, prévu avec la participation de la France, l'Allemagne, la Turquie et la Russie, dont s'est exclue de fait Washington, est une sorte de réplique qui se décline plutôt comme une fraîche indépendance politique et diplomatique de ses alliés de l'OTAN que comme une tentative des Français et Allemands de faire cavalier seul dans le règlement de la crise syrienne. Car même si la participation de l'Allemagne à ce sommet n'est pas encore acquise, il n'en demeure pas moins que les sanctions économiques américaines contre l'Iran n'ont pas été digérées par la chancelière allemande ni par l'Elysée, encore moins par la Grande-Bretagne, à un moment où les affaires avaient repris avec Téhéran. En peu de temps, Trump a fait braquer le monde contre lui.