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Un marché désorganisé et livré au diktat des gros éleveurs: Le poulet à 550 dinars le kilo !

par Abdelkrim Zerzouri

Le poulet a été cédé, hier, sur les marchés de la wilaya de Mila, à la coquette somme de 550 dinars/ kilo. «Du jamais vu », «inconcevable», selon les avis largement partagés par la population locale, rappelant sur un air ironique que la wilaya de Mila, avec Sétif, figurent pourtant parmi les régions qui enregistrent des records de production en poulet. Les consommateurs, choqués par cette hausse vertigineuse du prix du poulet, ont préféré investir leur argent dans d'autres produits alimentaires plus importants. Cela a pris des proportions d'un boycott collectif du poulet, tellement les clients se faisaient rares chez les vendeurs. Mais, détaillants et grossistes ne comptent pas sur les ménagères pour écouler leur marchandise, une autre clientèle plus intéressante rafle tout ce qui se trouve sur le marché, sans trop regarder au prix, et même si on y regarde de près on n'a pas d'autre choix que d'acheter et se taire. Il s'agit des fêtes de mariages, où le poulet est indispensable dans la préparation des mets. C'est l'une des causes qui ont poussé à l'envolée des prix du poulet. Certes, on s'attendait un peu à cette augmentation, habituelle, toujours enregistrée en pareille période à cause des fêtes de mariages, mais personne ne s'attendait à une telle envolée qui a atteint les 550 dinars le kilo ! Certains détaillants mettent en cause les éleveurs «qui écoulent le poulet vivant à 300 dinars, et il faut compter 110 dinars par poulet pour les abattoirs», disent-ils. D'autres explications sont avancées par les professionnels au sujet de cette flambée sur le marché des viandes blanches.

A Mila, par exemple, les hangars des éleveurs étaient presque vides ces derniers jours, en raison d'une très faible reproduction accompagnant généralement la période des chaleurs, chose qui a réduit considérablement l'offre sur le marché, provoquant inéluctablement une envolée des prix. Pourquoi les hangars des éleveurs sont-ils vides ? Voilà une question dont la réponse devrait donner des explications les unes plus inquiétantes que les autres, car ne poussant guère à l'optimisme, comme l'a relevé M. Cherif Boukherissa, président de l'association des éleveurs de poulets de la wilaya de Constantine. Car, cette démobilisation des éleveurs est due à une déception engendrée par des facteurs anti-concurrentiels. Les gros producteurs étouffent les petits éleveurs par différents moyens, nous a confié M. Cherif Boukherissa. «Rien qu'en faisant augmenter le prix du poussin jusqu'à 130 dinars, alors que son prix réel ne dépasserait pas 45 dinars, les gros éleveurs ont dissuadé les petits d'investir dans le créneau». Notre interlocuteur précise dans ce sillage qu'il y a mainmise des gros éleveurs sur le marché du poulet. Ils imposent leur diktat aux consommateurs et aux petits éleveurs. «Figurez-vous qu'on nous vend des médicaments, des vaccins et des vitamines sans vignettes.

Et pour l'alimentation, on achète le quintal à 5.600 dinars. Laquelle alimentation est diminuée dans sa composante en soja, chose qui ne permet pas au poulet de grandir dans des conditions normales !», s'est exclamé notre interlocuteur. Tous les moyens sont bons pour asphyxier les petits éleveurs, qui peuvent apporter un plus sur le marché des viandes blanches, en équilibrant l'offre et la demande, si on les laissait travailler. «Hélas, il y a mauvaise volonté de la part des gros éleveurs, qui ont verrouillé tous les espaces devant eux, y compris sur le plan de la représentativité au sein du Conseil national interprofessionnel, placé sous leur contrôle exclusif», soutient encore M. Cherif Boukherissa.

Alors même, ajoute-t-il, que ces gros éleveurs ne devraient pas dépendre du secteur de l'agriculture mais du secteur industriel, puisqu'ils font dans l'élevage industriel. Chose qui n'augure pas de résultats qui peuvent donner satisfaction, en faisant baisser les prix du poulet, après ces rencontres organisées par le ministère de tutelle avec les membres du Conseil national interprofessionnel de la filière aviculture, visant normalement une meilleure organisation du secteur. Clairement, les gros éleveurs maîtrisent leur sujet, ils jouent avec les prix du poulet selon leurs désirs et souhaits. Autant dire qu'une mafia a pris ancrage dans ce milieu professionnel. Certains affirment même que la filière, qui brasse des centaines de milliards, est devenue un terrain propice pour le blanchiment de l'argent sale. Enfin, aussi haut qu'il aura grimpé, le poulet devrait descendre des cimes dans les prochains jours. Les fêtes ne seront plus aussi nombreuses et, surtout, il y a le mouton de l'aïd qui arrive, et qui va faire changer les habitudes alimentaires des Algériens, dont les mets seront composés exclusivement de viande rouge. D'ailleurs, ceux qui sont derrière cette flambée savent pertinemment que c'est le moment propice pour tirer tout leur profit.