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Aïn El-Turck: A la recherche d'une vocation perdue

par Rachid Boutlélis

La région côtière d'Aïn El-Turck n'est pas, uniquement, un lieu de villégiature, sa vocation initiale, mais le lieu de résidence permanent pour un grand nombre de familles, originaires de différentes régions du pays. Elle a été, comme de nombreuses régions du pays, également le point de chute, au milieu des années 1990, d'un mouvement d'exode qui a été à l'origine de l'apparition de bidonvilles, une plaie hideuse défigurant, aujourd'hui, ses prestigieux paysages.

Issue d'un découpage administratif, initié en 1975 avant d'être modifié en 1989, la daïra côtière d'Aïn El-Turck, qui s'étend sur une superficie de 19.410 ha pour une population estimée à 82.105 habitants, selon le dernier recensement et ce, sans compter les occupants des bidonvilles, ne constitue uniquement, plus le lieu de vacances, pour des estivants en quête d'une bouffée d'air iodé. En effet, la tendance aujourd'hui, dans cette contrée n'est, désormais, plus en faveur de la location pour un bref séjour en bord de mer, mais pour s'y installer définitivement.

Au cours de ces vingt dernières années, juste après la ?décennie noire', un grand nombre de ces familles a, effectivement, élu domicile dans cette daïra, où jadis sa population était réduite, en dehors de la saison estivale. Dans la foulée, les fameux cabanons, biens communaux, qui étaient cédés à la location pour la période estivale par les services de la commune de Mers El-Kébir, au cours de la période, allant de 1962 à 1976, ont cédé la place à des habitations. Au début des années 80, ils ont été transférés aux services des logements de la wilaya d'Oran, SLWO, avant d'être proposés à la vente au début de l'année 1980, dans le cadre de la cession des biens de l'Etat et ce, conformément à la loi 81/01.

Ces anciennes résidences d'agrément, qui ont été réaménagées en de véritables villas, ont été, finalement cédées, entre 500 et 1.000 DA le m². C'est vers la fin des années 90 que l'immobilier, en termes d'achat et de location, a atteint allègrement les cimes les plus culminantes avant d'exploser carrément au milieu des années 2.000. Selon les statistiques fournies par des professionnels du secteur, le mètre carré pour une parcelle de terrain nu, se négocie, actuellement, entre 7 et 9 millions de centimes et son prix augmente indubitablement en fonction de la zone. Le bâti est cédé entre 11 et 15 millions le mètre carré, dans la plupart des endroits de cette daïra et à partir de 20 millions de centimes pour la même superficie dans certains quartiers réputés huppés. Même constat pour la location de l'immobilier, qui a connu une hausse considérable, et est à l'origine d'une situation incontrôlable ayant accouché du phénomène de l'informel. Dans ce cas de figure, ce sont les services des Impôts en premier lieu, qui accusent un cinglant déficit budgétaire, en partant du fait que la grande majorité de la location de l'immobilier est conclue en violation de la réglementation en vigueur. Aucune déclaration n'est établie au préalable en termes de contrat et ce, dans le but évident d'échapper au fisc. Certains particuliers, qui proposent des appartements et/ou des habitations à la location ne disposent même pas d'acte de propriété et donc ne sont pas en mesure d'établir un contrat notarié, conformément à la législation en vigueur. L'indifférence des uns, conjuguée à un certain laxisme des autres, a poussé nombre de propriétaires à procéder à des aménagements dans leurs habitations pour réaliser un espace destiné à la location, généralement sans aucune autorisation des services compétents. Durant la saison estivale, plus particulièrement, le moindre petit espace et même les garages à bateau et ceux des voitures sont exploités pour être proposés à la location. Du coup ce sont aussi les bénéficiaires de logements sociaux, dans les quatre communes que compte cette daïra, qui entrent dans la danse en procédant à la sous-location des biens de l'OPGI. Ce triste constat n'est pas, soulignons-le, uniquement spécifique à cette daïra car il est également relevé dans les différentes communes d'Oran. Toujours est-il que cette transgression est devenue monnaie courante, au fil des années, dans cette partie de la wilaya d'Oran, à tel point que, de nos jours, nul ne semble s'en offusquer. Selon une source bien au fait du dossier, il existe plus de 300 habitations, des R+2 et des R+3 équipées, dans le seul chef lieu, qui proposent des nuitées, été comme hiver, à partir de 5.000 DA. Certains ont haussé la barre jusqu'à 10.000 DA, pour une nuit, durant la saison estivale et continuent, toujours, de la maintenir, en hiver, en raison de la forte demande, qui se manifeste, notamment, au cours des week-ends. La location mensuelle, en période hivernale, est proposée à partir de 20.000 DA et le double, voire plus pour seulement 2 semaines, en été. Ces habitations imposent une rude concurrence aux 63 établissements hôteliers, essaimés à travers le territoire de la daïra d'Aïn El-Turck, dans la grande majorité est localisée, dans le chef lieu. Toujours est-il que ce phénomène a commencé à prendre des proportions démesurées avec l'apparition, dans le paysage de cette région côtière, au milieu des années 2000, de résidences constituées d'appartements meublés, qui proposent des tarifs de location à donner le tournis, aux plus imperturbables. Depuis, ces résidences ont poussé comme des champignons, en s'accaparant la moindre parcelle et en allant même jusqu'à empiéter et/ou envahir des superficies de terres agricoles.