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Subvention: Les précisions du ministère des Finances

par Yazid Alilat

Le gouvernement, pris à la gorge par une baisse des ressources financières et la hausse de la facture de la demande sociale, veut accélérer le démantèlement du système de subventions. Un chantier, en fait, promis par le Premier ministre Ahmed Ouyahia, déjà en septembre 2016, en tant que chef de file du RND.

Après les déclarations, la semaine dernière, du ministre des Finances Abderahmane Raouya, sur l'abandon prochain de cette formule de soutien aux ménages vulnérables, le même ministère est revenu à la charge, hier dimanche, pour confirmer que le gouvernement compte, effectivement, aller vers un système de subventions «plus ciblées», et qui ne profitera que pour les couches sociales défavorisées. «S'il y a nécessité de revoir les dispositifs de soutien actuels, la révision de la subvention ne sera pas précipitée et ne sera pas appliquée de manière systématique et indiscriminée», indique-t-on de sources proches du ministère des Finances. Entre 2012 et 2016, le soutien de l'Etat aux ménages et à l'économie a représenté 27% du PIB, en moyenne.

«L'analyse de la structure des subventions, à partir des résultats de l'enquête-consommation effectuée, a montré que les subventions profitent plus aux catégories les plus nanties qu'aux catégories de bas revenus», explique le ministère, selon lequel «ce mécanisme généralisé de subventions, outre son coût excessif pour la collectivité, ne répond plus aux objectifs de réduction des inégalités et de protection des populations les plus vulnérables». Le même ministère estime ainsi que «le besoin de réformer le système de soutien des prix s'impose comme un impératif économique». Pour ne pas provoquer une panique au sein des couches sociales les plus touchées, le département de M. Raouya prend, en effet, la peine de préciser qu' «aucune mesure ne sera mise en oeuvre sans une étude préalable et sans une large concertation», car «l'objectif demeure la protection des catégories sociales les plus nécessiteuses, en explorant toutes les options qui permettent d'opérer des transferts ciblés, au profit des ménages les plus vulnérables». La semaine dernière, le ministre des Finances avait, dans une intervention à la radio Chaîne 3, indiqué que le projet d'une réforme du système des subventions, aux couches sociales défavorisées est d'actualité, estimant que «cela ne peut pas continuer comme ça pour une simple équité sociale: il n'est pas normal qu'un simple citoyen ne puisse pas profiter, parfois, de la subvention par rapport à quelqu'un qui perçoit un salaire plus important.»

M. Raouya a souligné qu'une Commission du ministère des Finances travaille sur ce dossier, en concertation avec la Banque mondiale. «En tout état de cause, rien ne sera fait tant qu'on ne disposera pas de l'ensemble des paramètres pour la mise en place d'un nouveau système», a-t-il dit, précisant que «nous ne toucherons pas à la politique de subvention tant qu'on n'aura pas réglé, définitivement, l'identification des ménages, le montant et comment procéder». Il a, également, laissé entendre que l'application de cette réforme des subventions pourrait intervenir, après un large débat national. «J'espère à partir de 2019», a-t-il indiqué, estimant que le début de la levée de la subvention, devrait porter sur l'Energie». Avant lui, l'ex-ministre du Commerce Mohamed Benmeradi avait, déjà, évoqué au début de l'année le projet d'une réforme de l'actuel système des subventions qui ne profitent pas, exclusivement, aux couches sociales défavorisées ou aux bas salaires. «Nous sommes en train de travailler pour voir, concrètement, comment basculer d'un système de subventions généralisé vers un système ciblé, qui nous permettra de mettre fin à cette incohérence qui contribue aux dérèglements observés, dans le Commerce extérieur», a-t-il dit, estimant que l'actuel système des subventions «n'est pas très juste», et que «cela profite, beaucoup plus, à ceux qui en ont le moins besoin». Il avait, également, annoncé que le gouvernement avait déjà installé un comité chargé de ce dossier et dont les travaux sont supervisés, directement, par le Premier ministre.

Ce comité ne devrait pas achever ses travaux avant fin de 2018. Pour autant, la réforme du système des subventions, telle que proposée par le gouvernement, est cependant, battue en brèche par certains experts, qui estiment que cette subvention est déjà «ciblée». Un ex-cadre de l'UGTA, Nouredine Bouderba, estime que «toutes les expériences internationales ont montré qu'il est impossible d'identifier les gens auxquels les subventions ciblées sont censées être destinées. De plus, le ciblage ne résout pas le problème des inégalités sociales et dans beaucoup de cas, il les aggrave».

Et puis, précise t-il, «les subventions ciblées existent, déjà, dans le système algérien puisque 71% des subventions ,dites explicites, sont déjà ciblées», et qui sont «celles décidées dans le cadre du budget de l'Etat et qui englobent l'aide à la famille, l'aide à l'habitat, les pensions des retraités et des moudjahidine, entre autres», et ces «catégories de bénéficiaires sont, bel et bien, ciblées par les subventions.» Les transferts sociaux ont atteint 1.625 milliards de DA, en 2017, contre 1.239 milliards de DA en 2010. En 2018, l'ardoise est plus importante et a culminé à 1.760 milliards de DA, en hausse de près de 8%, par rapport à 2017.

Par rapport au budget général de l'Etat, les transferts sociaux avaient représenté 22,8%, sur la période 2000-2004, puis 24,5% sur la période 2005-2009, 25% du budget de l'Etat en 2010-2015, puis une baisse à 23%, entre 2016 et 2017, dans le sillage de la chute des prix de pétrole.