Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Il était une fois la Coupe du monde - Allemagne 2006 : le sacre du béton

par Adjal Lahouari

  Encore une fois, le football nous a réservé des paradoxes. C'est le principal enseignement de cette Coupe du monde où l'on ne s'est pas ennuyé loin de là, même si le vainqueur n'a pas fait l'unanimité. Certes, les Italiens ont été de tout temps des compétiteurs, mais que l'équipe matinale soit sacrée alors qu'il y avait des adversaires mieux outillés, il y avait un pas que les pronostiqueurs n'avaient pas franchi avant le coup d'envoi.

En effet, le football italien traversait l'une des plus graves crises de son histoire avec le scandale de la Juventus qui a fourni son ossature à la Squadra Azura. Le coup gagnant des responsables italiens, c'est d'avoir donné la barre technique à Marcello Lippi qui, après avoir gagné avec la Juve, a mis en œuvre sa conception axée sur la complémentarité et les valeurs du collectif. Alors, fatalement, on tourne le regard vers la défense, spécialité au label italien garanti. Une véritable forteresse.

Qu'on en juge : 2 buts encaissés seulement, le penalty de Zidane en finale et un but contre son camp ! Jamais une équipe n'avait encaissé si peu de buts en Coupe du monde, ce record ne sera égalé que par l'Espagne en 2010. Les autres favoris ? Ils ont tout essayé et, tour à tour, furent éliminés. Les Allemands ont inscrit le plus grand nombre de buts, avec Klose comme meilleur artilleur. Les Argentins ont brillé aussi, mais se sont arrêtés en quarts face aux Allemands.

Une consolation pourtant : un chef-d'œuvre collectif argentin : 25 passes à une touche de balle, 58 secondes, 9 joueurs en action, et la touche finale pour Esteban Cambiasso. Un but d'école. Le Brésil ? Limité en dépit des exploits de Ronaldo. L'Angleterre ? Sortie par le Portugal. L'Espagne ? Victime de son excès de confiance. La Coupe du monde donne rendez-vous à ses prétendants en Afrique du Sud. Pour d'autres exploits et d'autres émotions.



La der de Zidane



C'est une édition dont tous les spectateurs et téléspectateurs se souviendront pour plusieurs raisons. Il y a eu du jeu, celui que tout le monde aime, des gestes techniques hors normes, des buts et la « der » de Zidane, l'un des plus brillants footballeurs que le monde ait connu, celui dont Pelé lui-même dira : « Zidane fait partie des cinq meilleurs de tous les temps », c'est-à-dire avec lui, Maradona et les autres. Au cours de cette Coupe du monde en Allemagne, Zidane est devenu brésilien par ses roulettes, passements de jambes, sombrero et panenka sur penalty face à Buffon qui le connaît pourtant bien. Zidane a réglé ses comptes. D'abord aux Espagnols qui avaient prétendu « l'envoyer en retraite ». Puis aux Brésiliens surpris, eux qui croyaient que l'imagination et la maîtrise du ballon étaient leur chasse gardée. Ensuite, aux Portugais, cousins germains des Brésiliens. Hélas, tout ce festival a été vu et disséqué par les Italiens, champions du réalisme de tout temps. Alors, ils ont délégué l'un des leurs, l'affreux Materazzi pour faire sortir Zidane du match. Ce qui se fut fait dans les règles de l'art. Des insultes et des grossièretés inimaginables ont fini par faire leur effet. Zidane, ulcéré par tant de bassesses, se retourne et donne un coup de boule à l'Italien qui n'en demandait pas tant. Carton rouge, Zidane sort du terrain. Il venait de toucher son dernier ballon, un ballon qu'il a bien apprivoisé tout au long de sa carrière. Le réalisme sordide venait d'achever son œuvre, après les opérations « commando » de Materazzi, Zombretta et le capitaine Connavaro, celui qui sera le « Ballon d'or » le plus controversé de l'histoire. A 1 à 1, les tirs au but sont nécessaires, mais Zidane était déjà aux vestiaires, peut-être dans un état second, après 110 minutes très éprouvantes sur le terrain face aux champions du réalisme brutal. Trezeguet écrase son penalty sur la transversale de Buffon. C'est fini. Une page de l'histoire du football venait de se tourner. Les puristes pleurent, les réalistes jubilent. Chacun son tour. C'est le football?



La fiche



Finale : France 1 Italie 1 (Italie 5-3 aux TAB)

Attaque : Allemagne 14 buts

Défense : Italie et Brésil 2 buts

Buteur : Klose (Allemagne) 5 buts



Echos



Habitudes



Pour assister aux rencontres de la Coupe du monde et en raison du décalage horaire entre l'Europe et le continent américain, les amateurs de football ont dû adapter leurs habitudes. Au Costa Rica, pour le match d'ouverture, les écoles ont donné congé à leurs élèves. Pour les matches de l'équipe nationale programmés à 7h et 8h du matin, des téléviseurs ont été installés dans les classes. En Amérique latine, les usines ont prévu des écrans pour combattre l'absentéisme. Enfin, en Allemagne, le secrétariat du Congrès a décidé de fermer l'hémicycle les jours des matches.



Materazzi



Plusieurs années après le coup de boule que lui a infligé Zidane, Materazzi a fait les révélations suivantes : « Zidane s'est excusé auprès des enfants mais moi, je n'y ai pas eu droit du tout. Pour les insultes, je vous jure que je ne savais même pas qu'il avait une sœur. Pour cause de retraite, Zidane a eu droit à trois jours de travaux d'utilité publique. J'aurais fait trois mois pour être pardonné. Mais moi, je compte sûrement moins que Zidane ».



Infarctus



Ce sont des chiffres officiels fournis par des organismes spécialisés. En Allemagne, le nombre d'infarctus s'est avéré deux fois plus important au cours des journées où l'équipe nationale est programmée. La preuve que la passion n'est pas l'apanage de certains pays.



Instabilité



L'équipe nationale d'Arabie Saoudite détient sans doute le record dans les changements d'entraîneurs. Depuis 1994, pas moins de quinze sélectionneurs se sont succédé à ce poste. Le célèbre goal brésilien, Carlos Albertro, a même été remercié en pleine Coupe du monde 1998. En outre, au mois de décembre 2005 et après la qualification en Coupe du monde, Gabriel Calderon a dû aussi partir et auquel a succédé le Brésilien Marcos Paqueta.



Influence



On aura remarqué l'influence de la Juventus sur les sélections italienne et française avant et après la Coupe du monde. En effet, six Français ont évolué au sein de la Juve : Zidane, Henry, Trezeguet, Boumsong, Thuram et Deschamps.



Performance



L'attaquant Sami Al Jaber est le seul joueur saoudien à avoir évolué en Europe, à Wolverhampton. Bien qu'âgé de 34 ans, Al Jaber ait ainsi participé à sa quatrième Coupe du monde consécutive, une fort belle performance en vérité.



Participations



Sous la houlette du Français Roger Lemerre, et sur les cinq participants à cette Coupe du monde 2006, la Tunisie était le seul pays à avoir participé auparavant à cette compétition, c'est-à-dire en 1978, en 1998 et en 2002. On rappellera que le 2 juin 1978, à Rosario en Argentine, la Tunisie est devenue la première équipe africaine à remporter un match de Coupe du monde contre le Mexique par 3 à 1.



Vétérans



Le gardien tunisien Ali Boumendjel, qui a joué huit des dix matches de qualification, a fait partie des joueurs les plus âgés ayant participé à la Coupe du monde, aux côtés des Roger Milla (Cameroun), Pat Jennings (Irlande du Nord) Peter Schilton (Angleterre) et Dino Zoft (Italie). Hormis Milla, tous étaient des gardiens de but.



Champions



En 2006, l'Allemagne a disputé sa sixième Coupe du monde consécutive sous l'égide d'un entraîneur, ex-champion du monde. En 1986 et en 1990, c'était Frantz Beckenbauer qui était aux commandes. Il sera suivi par Rudi Voller en 2002 et Klinsmann en 2006. En phase finale, l'Allemagne a perdu deux fois seulement le premier match. C'était le 16 juin 1982 face à l'Algérie et le 17 juin 2018 face au Mexique.



Formateur



Le sélectionneur José Pekerman avait aligné 17 joueurs lors des éliminatoires de la Coupe du monde 2006 qui sont devenus champions du monde juniors sous sa direction. D'ailleurs, cet entraîneur, avec trois titres de champions du monde junior, était considéré comme un formateur avisé de jeunes. En Russie 2018, il était à la tête de la Colombie.



Record



Le joueur argentin qui a disputé le plus grand nombre de matches de qualification était Roberto Ayala. Avec 40 matches au compteur, ce défenseur a largement pulvérisé le précédent record, détenu par Diego Simeone, l'actuel entraîneur de l'Atletico Madrid.



Buts



Avant le match Angola-Iran, l'attaquant iranien Ali Dae avait marqué 109 buts internationaux, soit 40 de plus que tous les joueurs Angolais. Pourtant, ces derniers avaient réussi à contenir leurs adversaires (1-1), les deux équipes passant à la trappe, devancées par le Portugal et le Mexique. Les Iraniens n'avaient scoré qu'à deux reprises, pour une seule fois du côté angolais.