Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Il était une fois la Coupe du monde- France 1998 : et un, et deux, et trois zéro

par Adjal Lahouari

Depuis 1986, l'équipe de France a enchaîné les échecs, ne parvenant pas à se qualifier pour les Coupes du monde 1990 et 1994. Les Français ont attendu 60 ans pour accueillir ce tournoi mondial. Or, et comme vient de le confirmer tout récemment Michel Platini, les organisateurs, c'est-à-dire lui-même et Fernand Sastre, n'ont pas hésité à tricher sur le programme général de façon à éviter le Brésil, qui était craint avec tous ses cracks. Les Bleus ne pouvaient avoir en finale que les Brésiliens, et c'est ce qui est arrivé. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les responsables du football de l'Hexagone ont su saisir leur chance de ravir le trophée pour la première fois de leur histoire. Cependant, pour important qu'il soit, ce paramètre n'explique pas tout seul cet exploit. Car il faut dire que Zidane, au sommet de son art, s'est avéré prépondérant et fut fort bien secondé par les excellents Thuram, Blanc, Dessailly, Deschamps, Viera, Henry et Trezeguet, efficaces tout au long du tournoi. Aimé Jacquet a mis sur pied une équipe extrêmement solide en défense, ce secteur n'ayant encaissé que deux buts tout au long du tournoi, à l'inverse du malheureux Brésil, qui a cédé à huit reprises dont trois fois en finale. C'est donc une équipe de France à l'italienne (15 buts inscrits) qui a conquis le trophée tant recherché et qui manquait terriblement au palmarès du football français. On retiendra le bon comportement du Nigeria qui a terminé en tête de son groupe après avoir battu l'Espagne, la Bulgarie et le Paraguay. Cependant, et contrairement aux prévisions les mieux établies, les Nigérians sont tombés lourdement face au Danemark. Au sein des équipes du continent africain, les problèmes de primes ont toujours constitué un frein pour les équipes en réussite en Coupe du monde. Les exemples à ce sujet foisonnent. L'autre formation qui s'est illustrée n'est autre que la Croatie, un petit pays de grands footballeurs qui est arrivé jusqu'en demi-finale, éliminé difficilement par le futur lauréat, la France. Les puristes auront fort bien apprécié le jeu des artistes croates emmenés par leur avant-centre Davor Suker, qui sera le « Soulier d'or » de ce tournoi. Modeste, il a reconnu que, sans l'aide de ses équipiers, il ne serait pas parvenu à ce résultat. On précisera que Suker a effectué une belle carrière au Real Madrid, étant pour beaucoup dans les succès de la « Maison blanche ». Dans un tournoi à plusieurs matches qui se sont terminés par les tirs au but et un « but en or », on n'oubliera jamais l'un des plus beaux exploits techniques dont l'auteur n'est autre que Dennis Bergkamp, l'attaquant hollandais. C'était à Marseille lors du quart de finale Pays-Bas-Argentine qui fut une rencontre de très haut niveau. Alerté en profondeur par Frank de Boer, Bergkamp est parvenu à contrôler le ballon du pied droit, en enchaînant toujours une frappe de l'extérieur, le ballon allant se loger dans le petit filet opposé du gardien argentin, qui ne s'attendait pas à une telle série de gestes techniques. Bergkamp était considéré comme le prototype de l'attaquant moderne. Et c'était amplement justifié.



La fiche



Finale : France 3 Brésil 0

Attaque : France 15 buts

Défense : France 2 buts

Buteur : Davon Suker (Croatie) 6 buts



Echos



Douze



Douze ans après avoir inscrit son premier but en phase finale, le Danois Michael Laudrup a trouvé le chemin des filets pour la seconde et dernière fois, lors de la défaite du Danemark face à la France.



Situation



Dès son installation, Aimé Jacquet a été critiqué pour son penchant pour la défense et le jeu physique. En outre, les choix n'ont pas été appréciés. Il a osé écarter Cantona et Papin et maintenir Duggary. Le journal spécialisé «L'Equipe» a même estimé «que, décidément, Jacquet n'est pas l'homme de la situation». La suite allait donner raison au sélectionneur.



Ossature



Le quart de finale France-Italie avait des allures d'un match de Série A. En effet, beaucoup de Français évoluaient dans les clubs italiens, à savoir Zidane, Deschamps, Thuram (Juventus), Djorkaeff (Inter Milan), Dessailly (AC Milan) et connaissaient donc fort bien leurs adversaires du jour. En outre, il y a les expérimentés Lizarazu (Bayern) et Petit (Arsenal), en fait une forte ossature.



Sauveur



Lors du choc France-Croatie, et pour la première fois, les Bleus étaient menés à la marque, but de Suker à la 46e minute. Cette fois, l'attaque tricolore piétinait face à une défense croate bien en place. Le sauveur sera Thuram, un défenseur qui, en état de grâce, à inscrit les deux buts de la qualification. Sa posture après la seconde réalisation est restée célèbre. Il semblait s'interroger lui-même sur la réalité de cet authentique exploit. Précision, il ne marquera plus jamais en équipe de France.



Choc



Après deux défaites d'affilée, la Tunisie, l'Arabie Saoudite et la Corée ont limogé leurs entraîneurs avant le troisième match de poule. Etrange coïncidence, ils obtiennent toutes les trois le nul, les Saoudiens face à l'Afrique du Sud (2-2), la Tunisie face à la Roumanie (1-1) et la Corée contre la Belgique. Choc psychologique.



Or



Les huitièmes de finale ont, pour la première fois, donné lieu à l'application de la règle du «but en or» dénommé à ses origines comme «la mort subite» ? Une mesure qui était censée encourager les équipes à se montrer plus offensives.



But



Jusqu'à l'heure actuelle, il figure en tête des «10 plus beaux buts de l'équipe d'Angleterre». C'est le but du jeune Owen qui a inscrit un but de légende qui restera dans les annales au bout d'une chevauchée fantastique malgré les défenseurs argentins parmi les meilleurs spécialistes en Europe, comme Chamot et Ayala. Owen devient star et l'Angleterre se réjouit malgré sa défaite aux tab (4-3).



Points



Des trente-deux équipes de cette édition de la Coupe du monde, quatre équipes sont parvenues à grappiller un seul point. Il s'agit de l'Arabie Saoudite, la Belgique, l'Ecosse et la Bulgarie. Dans ce domaine de la contre-performance, les Etats-Unis et le Japon ont fait pire, zéro point.



Expulsion



Encore une coïncidence : c'est à la 74e minute de sa 74e sélection que Laurent Blanc a été expulsé injustement, suite à une honteuse simulation du joueur croate Bilic, actuellement entraîneur en Premier League. Première expulsion en équipe de France qui sera privé de finale et remplacé par Leboeuf. Un journal spécialisé a sorti un fort joli jeu de mots : «La France fera sans Blanc».



Malaise



Bien des choses ont été dites à propos du malaise de Ronaldo avant la finale France-Brésil. Victime de convulsions, l'attaquant auriverde a été évacué à l'hôpital où les analyses n'ont rien décelé. Après avoir désigné Edmundo, le coach Zagallo, sur insistance de Ronaldo, a titularisé ce dernier. Diverses hypothèses ont été évoquées, de la déception sentimentale à la pression de l'équipementier Nike, qui tenait à ce que Ronaldo joue la finale. Les affaires sont les affaires.



Discours



Vingt ans après le triomphe de la France, un journaliste a révélé le discours musclé tenu par Aimé Jacquet à ses joueurs. Morceaux choisis à la mi-temps contre la Croatie : «Y a pas trente-six solutions, ou on remonte tous, ou on recule tous. Quand on a le ballon, on remonte à deux à l'heure, aucune chance, mais aucune chance, les gars ! On est dix à être amorphes. Vous avez peur de quoi ? Vous allez perdre les gars, je vous le dis». Thuram aura été le sauveur avec ses deux buts.



Complémentaires



Jamais égoïste, Aimé Jacquet à reconnu le précieux concours de ses adjoints qui n'étaient pas n'importe qui. Qu'on en juge : Bergeroo, Henry Emile et Roger Lemerre, qui a obtenu de bons résultats avec le CS Constantine il n'y a pas si longtemps. Chacun avait sa mission. Lorsqu'il n'était pas d'accord avec Jacquet (rarement), Lemerre disait à ce dernier : «Tais-toi, je suis ton major !», faisant allusion au stage passé ensemble, ce dernier ayant été le major du stage. Les deux hommes, issus de la même génération, étaient très complémentaires.



Zidane président



Lors de cette édition, la France avait un groupe complémentaire, avec en sus un stratège hors normes et buteur décisif lors de la finale, à savoir Zinedine Zidane (26 ans). Le N° 10 des Bleus est devenu l'idole d'une foule en liesse sur les Champs-Élysées. Au point même de voir son visage orner l'Arc de Triomphe avec la mention «Zizou président». Il a réussi, vingt ans plus tard, à devenir un incroyable entraîneur à succès. Décidément, c'était la naissance d'une légende.