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Il était une fois la Coupe du monde: USA 1994 : une première pour le pays du football américain

par Adjal Lahouari

Pour la première fois, la Coupe du monde se joue aux Etats-Unis, c'est-à-dire dans un pays où l'on adore d'autres disciplines, malgré toutes les tentatives pour incruster le football dans les mœurs américains. Et pourtant, c'est aux USA que le tournoi a connu un grand succès populaire, en grande partie grâce aux supporters des équipes d'Amérique du Sud et des héritiers des émigrés européens et italiens en particulier. Avec des stades vastes et confortables, la Coupe du monde a trouvé un cadre idéal pour son déroulement. Une flopée de stars était au rendez-vous américain, ce qui explique en grande partie ce succès populaire. En effet, près 3 millions 600.000 personnes ont rempli les stades, un nouveau record. Le Brésil en profite pour accrocher sa quatrième étoile. Une équipe mise sur pied par Carlos Alberto Pareira qui a le « mérite » de ne pas jouer l'hypocrite. C'est l'ancien préparateur physique de Zagalo et il a présenté une formation à son image, austère, physique et bien regroupée au milieu et derrière sous le capitanat de Dunga, la sentinelle par excellence sur lesquelles se sont brisées moult attaques adverses, et notamment celles de Russie, du Cameroun, des Etats-Unis, de Suède en demi-finale et d'Italie. Seules les divisions offensives de Suisse, de Suède (1er tour) et des Pays-Bas avaient réussi à visiter les filets du gardien Taffarel. Pour tenter de se dédouaner, le coach de la Seleçao a prétendu la difficile qualification dans le groupe Amsud, son équipe passant de justesse. En réalité, c'est l'une des raisons, car son penchant pour la défense et les contres était connu depuis belle lurette. Un exemple ? Le meneur de jeu Raï, tout juste couronné champion de France avec le Paris SG et portant le numéro 10 mystique, est mis sur le banc. On aura compris que l'équipe du Brésil n'était pas venue pour faire le spectacle comme tout le monde s'y attendait. Place donc aux Mauro Silva, Mazhino, Zinho, des exécutants appliquant fidèlement les consignes de leur coach. La chance du coach, c'était d'avoir sous la main un duo extraordinaire avec Romario et Bebeto, qui ont donné tort aux techniciens privilégiant le gabarit. Tous deux petits de taille, ces merveilleux joueurs ont donné une preuve irréfutable, à savoir que celui qui maîtrise le mieux le ballon l'emporte le plus souvent. Ce qui était aussi rassurant, ce sont les latéraux Cafu et Branco par leurs montées dans leurs couloirs respectifs, atténuant en quelque sorte le schéma tactique serré prôné par leur entraîneur.



Al-Owairan comme Maradona



Trois autres faits majeurs ont marqué cette édition. Elle a été la triste fin d'un des meilleurs footballeurs de tous les temps, Maradona. C'était sa quatrième participation et le but magique inscrit contre la Grèce avait ravi tous les puristes, heureux de revoir ce génie du football. Contrôlé positif à l'éphédrine, Diego est renvoyé de la Coupe du monde. Il jure ne pas avoir triché mais la contre-expertise débouche sur le même verdict. Il écope d'une lourde suspension de 16 mois qui met fin à sa carrière internationale, et devient consultant pour une chaîne de télévision. La sélection d'Argentine ne se remet pas de l'absence de son capitaine et s'incline contre la Roumanie. Une triste fin pour un phénomène qui a marqué l'histoire du football. L'autre fait important n'est autre que le but fantastique du N°10 saoudien Saïd Al-Owairan. A la cinquième minute du match face à la Belgique, il s'empare du ballon dans son camp et exécute une chevauchée de 60 mètres. En dépit de la multitude d'adversaires, il passe en dribles jusqu'au gardien des « Diables Rouges » Preud'homme qu'il bat sans rémission. De l'avis de tous les experts, c'est le même but que celui qui a fait la renommée de Maradona, face aux Anglais, en 1986. Une comparaison justifiée, le joueur saoudien ayant touché à treize reprises le ballon.

Enfin, il serait injuste de passer sous silence le parcours du Nigéria. Champion d'Afrique 1994, les Nigérians avec leur avant-centre Yekini ont terminé en tête de leur groupe et se sont qualifiés pour le second tour. En huitièmes face aux futurs finalistes italiens, les Nigérians se sont inclinés de justesse après prolongations. L'Afrique était fière de son représentant.



La fiche

Finale : Italie 0 Brésil 0 (Brésil aux TAB 3-2)

Attaque : Suède (15 buts)

Défense : Brésil (3 buts)

Buteur : Hristo Stoichkov (Bulgarie) 6 buts



Echos



Frères



Le capitaine brésilien Socrates, footballeur mais aussi docteur, a marqué contre l'URSS. Douze ans plus tard, son jeune frère Rai l'a imité lors d'une victoire (2-0) aux dépens de la Russie.



Crime



La victoire des USA face à la Colombie a débouché sur un drame. En effet, mis à l'index pour avoir (involontairement) marqué contre son camp, le défenseur colombien Escobar sera abattu dix jours plus tard par un assaillant à la solde du cartel de la drogue. Les donneurs d'ordre ont voulu se venger, car ce but a eu un effet ruineux sur les paris clandestins des barons de la drogue.



Cinq



Un joueur marquant cinq buts dans un match de Coupe du monde c'est du jamais vu. C'est l'exploit à l'actif du joueur russe Salenko face au Cameroun et devient meilleur buteur malgré le fait qu'il n'ait disputé que trois rencontres, la Russie étant éliminée dès le premier tour après une victoire et deux défaites.



Réussite



Dans un pays où le football n'occupe pas la première place, c'est une surprise de taille et une grande satisfaction pour les responsables de la FIFA qui hésitaient à accorder cette édition aux USA. Finalement, les records d'audience et de recettes ont été battus. Officiellement, il y a eu 3.587.538 spectateurs. Une grande réussite pour la FIFA.



Rancœur



Jusqu'à l'heure actuelle, et en dépit des nombreuses années, Houiller n'a jamais pardonné au joueur Ginola « coupable d'un crime contre l'équipe », selon le coach de l'équipe de France. Ledit crime n'est autre qu'un centre en retrait récupéré par la défense bulgare suivi par la contre-attaque et le but de Kostadinov.



Glas



La France n'avait pas réussi à se qualifier, laissant passer ses chances dans un groupe éliminatoire à sa portée. La défaite la plus amère restera celle subie face à la Bulgarie par un but inscrit sur un contre par Kostadinov. Cet échec sonnera le glas pour le sélectionneur Gérard Houiller. Un mois plus tard, il sera débarqué et remplacé par Aimé Jacquet.



Fin



La dernière image de Maradona qui restera gravée dans les mémoires est celle du joueur faisant face à la caméra, les yeux exorbités à la suite du but inscrit face au Nigéria. Après le contrôle d'un deuxième échantillon, le Pibe a été renvoyé chez lui avec une dure suspension à la clé. Après une carrière de 17 ans et 91 matches, c'était la fin pour lui.



Serment



Maradona a bel et bien pris de l'éphédrine, figurant dans la liste des produits interdits. Jamais à court d'idée, Maradona s'est lamenté sur une chaîne de télévision : « Je veux qu'une chose soit claire pour les Argentins, je ne me suis pas drogué, je n'ai pas couru grâce à la drogue, j'ai couru pour l'amour du maillot ». Cette explication a donné lieu à une réplique cinglante : serment d'hypocrite.



Tirs



La finale Brésil-Italie a eu la particularité de désigner le vainqueur aux tirs au but, une séance qui s'est avérée plus tendue que le match. Comme c'est parfois le cas dans ce genre d'exercice, c'est le joueur qui rate son tir qui restera dans l'histoire. Ce fut Baggio, pourtant un des meilleurs techniciens que l'Italie ait connus.



Réussite



La phase finale de la Coupe du monde 1994 aura été une grande réussite sur le plan financier. Les craintes initiales des organisateurs concernant la faiblesse des ventes de billets se sont avérées infondées puisqu'il y a eu une moyenne d'affluence record de 69.000 spectateurs et une assistance de 3,6 millions, la plus élevée de l'histoire du Mondial.



Toit



Pour la première fois, dans l'histoire de la Coupe du monde, un match s'est déroulé sous le toit du «Silverdome», soit complètement couvert. C'est à Détroit qu'a eu lieu le match USA-Suisse sanctionné par un nul (1-1). Toutes les autres rencontres se sont jouées dans le cadre traditionnel.