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Il était une fois la Coupe du monde - Italie 1990 : La Saga Africa du Cameroun

par Adjal Lahouari

Les observateurs y ont vu tout un symbole. Le tournoi se déroulant en Italie, ils ont trouvé que la plupart des rencontres ont été pauvres en buts, l'enjeu primant sur le jeu. Il n'était pas question d'y aller la fleur au fusil. Aussi, cette édition est considérée comme l'une, sinon la plus ennuyeuse de l'histoire, illuminée cependant par la formidable performance du Cameroun, emmenée par le vétéran Roger Milla, vétéran pour l'état civil seulement car, sur le terrain, le vieux Lion a rugi plusieurs fois, avec ses démarrages, laissant sur place des adversaires pourtant beaucoup plus jeunes que lui. Et, d'ailleurs, le Cameroun a terminé en tête de son groupe, après avoir terrassé, tenez-vous bien, le champion du monde en titre, l'Argentine de Maradona. Pour un coup de tonnerre dans le monde du football, c'en était un, si l'on précise que le onze camerounais a terminé le match à neuf après deux expulsions. Mais, Maradona esseulé, n'a rien pu faire pour éviter ce camouflet historique et qui, au fil de la compétition, retrouvera des couleurs et ira jusqu'en finale, s'inclinant face à la RFA, la seule équipe exempte de reproches par son réalisme, son organisation et sa volonté d'aller jusqu'au bout. Après une seconde victoire face à la Roumanie, les coéquipiers de Roger Milla ont terminé en tête de ce groupe malgré leur défaite contre l'URSS. En huitièmes de finale, les « Lions indomptables » écartent la Colombie de leur chemin et ratent de peu la demi-finale en s'inclinant face à l'Angleterre après prolongations. Le Cameroun avait bien représenté le continent, poussant Roger Milla à déplorer la tiédeur des journalistes européens après ces exploits. « S'il s'agissait de Brésiliens ou Européens, ils auraient écrit des tonnes d'articles » a-t-il récemment déploré. Qu'a-t-il manqué à cette équipe du Cameroun ? Sans doute, une plus grande rigueur en défense, ce que ne savent faire que rarement les équipes du continent africain, attirés par le jeu et la joie de jouer. En tout cas, ça restera une saga ?Africa' dont on se souviendra longtemps.



RFA : La passe de trois



En remportant sa troisième Coupe du monde, l'Allemagne rejoint le Brésil et l'Italie, dans le cercle restreint des triples champions, laissant l'Argentine à deux trophées, qui a payé cher les absences de Caniggia et Olarticoachea, deux pions essentiels du onze argentin, suspendus pour la finale. Certes, Maradona en joueur d'exception, s'est démené, mais la preuve a été faite qu'un bloc équipe est finalement plus fort qu'un individu, fut-il génial.

Ce sacre fut celui également du coach Frantz Beckenbauer qui a imité donc Zagallo, champion du monde, en tant que joueur et en tant qu'entraîneur. Pour le reste, on n'oubliera pas la révélation de Savaltor Schillaci, devenu super Toto après ses exploits lors de cette édition. Joueur inconnu et peinant à trouver ses marques à la Juventus où il venait de signer, Schillaci sera le meilleur buteur de cette édition, permettant à la Squaddra Azzura d'aller en demi-finale où elle ne s'inclinera qu'aux tirs au but, face aux Argentins. Par ailleurs, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, l'Eire et, évidemment, le Cameroun peuvent s'estimer satisfaits de leur parcours d'une Coupe du monde fermée et d'un niveau à oublier.



La fiche

Finale :     RFA 1 Argentine 0

Attaque : RFA (15 buts)

Défense : Italie (2 buts)

Buteur :    Schillaci (Italie) 6 buts



Echos



Groupe



Le Cameroun devient la première équipe à remporter son groupe malgré une différence de buts négative. Explication : les coéquipiers de Roger Milla, après avoir battu l'Argentine et l'URSS et la Roumanie, ont encaissé quatre buts par la suite.



Danse



Après avoir quitté Montpellier, Roger Milla, à 38 ans, signe une licence à la Jeunesse sportive Saint-Pierroise, en division d'honneur sur l'île de la Réunion. Remplaçant, il entre à l'heure de jeu face à la Roumanie, et marque deux buts. C'est face à la Colombie de Valderama qu'il fait la décision et le spectacle, en ridiculisant l'étonnant gardien Higuita et va?danser après du poteau de corner.



Additionnel



Pendant la demi-finale Italie-Argentine, l'arbitre français Michel Vautrot a ajouté huit minutes de temps additionnel à la fin de la première prolongation. Il avait tout simplement oublié de regarder sa montre ! Encore heureux qu'il était protégé par la loi V, qui fait de l'arbitre le seul chronométreur du match.



Record



C'est le genre de record courant en Italie, terre de grands gardiens de buts et de défenseurs intransigeants et réalistes. Après son collègue Zoff en 1982, Walter Zenga est resté invaincu 517 minutes durant lesquelles il a su préserver sa cage. Ce record a pris fin en demi-finale Italie-Argentine lorsque Caniggia a réussi à trouver la faille.



Gaucher



C'est sur pénalty que l'Allemagne a conquis sa troisième Coupe du monde. Ce qui est insolite, c'est que le tireur qui a transformé le pénalty, Brehme, était un vrai gaucher. Or, il a tiré du pied droit ! Une preuve supplémentaire de la confiance qui habitait les protégés de Beckenbauer.



Chiffres



Quelques chiffres qui attestent la médiocrité de cette édition. Seize rencontres se sont terminées par le score de 1 à 0. Il a eu 6 matches à 1 à 1 et 5 sans aucun but. La moyenne, 1,77, est la plus faible de toutes les éditions, un constat qui prouve que l'enjeu a tué le jeu, chaque équipe ne pensant qu'à ne pas perdre. Avec 5 victoires et 2 nuls, la RFA s'est emparée du trophée.



Dernière



Cette édition a vu la dernière apparition de pays comme la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie et l'URSS pour des raisons géopolitiques profondes. La Yougoslavie de Tito a été morcelée, la Slovaquie s'est séparée, tandis que l'empire russe a été réduit, beaucoup de pays ayant accédé à leurs indépendances.



Aveu



En 2005, donc bien plus tard, Maradona a confirmé qu'un dirigeant argentin avait offert une bouteille d'eau contenant du somnifère au joueur brésilien Branco, à la mi-temps du match Brésil-Argentine.



Protège-tibias



C'est à partir de cette édition que les responsables de la FIFA, alertés par les blessures récurrentes des joueurs, ont rendu obligatoire le port des protéges tibias. Car auparavant, c'était facultatif.



Couleurs



Outre l'obligation des protèges-tibias, la FIFA a décidé de lâcher du lest en ce qui concerne les couleurs des tenues d'arbitres. Jusqu'en 1990, c'étaient les « hommes en noir ». A partir de 1994, les couleurs diverses sont apparues et se détachent nettement par rapport à celles des équipes.



Contrôles



Au cours de cette édition, tous les responsables de l'organisation se sont dépensés, dans le domaine du contrôle de dopage : 238 ont été effectués et aucun ne s'est avéré positif. Comme dirait un humoriste, « être positif, c'est négatif ».



Numéro



Autre changement qui est apparu lors de l'Euro 1992. Les numéros des maillots des joueurs étaient imprimés sur la face avant pour faciliter le travail des arbitres. Car, auparavant, des joueurs récalcitrants rechignaient à faire voir leur numéro qui figurait sur leur dos.



Marketing



Tout évolue. Le marketing des produits dérivés prend de l'importance avec la mascotte de cette édition, sous forme de nombreux spots publicitaires, à la télévision. Il est vrai que l'Italie est le pays de Silvio Berlusconi, le magnat de la TV commerciale. Une véritable aubaine pour cette « industrie » focalisée sur les performances d'audiences.



Obligation



Il y a eu tellement de pertes de temps que la FIFA et le Board ont réagi. A partir de cette épreuve, il a été fait obligation aux gardiens de but de ne plus se saisir du ballon avec les mains suite à une passe d'un coéquipier, ce qui eut pour effet d'accélérer le jeu. Après les cinq pas, les observateurs ont estimé que ces remaniements se font trop sur le dos des gardiens, oubliant les hauts faits du gardien italien Zoff en 1982, en Espagne.



Insolite



On a assisté à des situations pour le moins insolites. C'est l'Irlande du Nord qui se qualifie aux quarts de finale avec un goal-average négatif. La seule victoire a été acquise en poule aux tirs au but, face à la Roumanie. Quant à l'équipe d'Uruguay, elle est passée en quarts à titre de meilleure troisième.