Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Tricher au lieu de trimer: où est la crédibilité tant espérée ?

par M. Amezrar Redha*

Il est vrai que depuis l'avènement de l'actuelle ministre de l'Education nationale, des mesures fortes et audacieuses ont été prises permettant de mettre fin, par exemple, à l'hérésie du seuil des cours (nous étions la risée du monde) pour les élèves de la terminale qui, comble de l'ironie, ne franchissent le seuil des classes que rarement (ou presque)! La suppression de la 2èmesession de rattrapage pour les élèves de la 5ème. Ou encore l'obligation, pour ces derniers, de passer le test de fin d'année au sein de leurs établissements respectifs afin de créer les conditions des plus propices en épargnant aux candidats le surplus de stress engendré par ce genre d'examen.

Mais ce tableau est loin d'être idyllique car, hélas, des zones d'ombre subsistent, à l'image de ce classement aberrant des wilayas décidé selon les résultats obtenus dans les divers examens de fin d'année. Certes, le ministère a jugé bon d'instaurer ce classement dans le but de créer une émulation et par là même une compétition franche et honnête.

Si l'intention est de prime abord louable, la décision s'avère contre-productive, nuisible et même dangereuse, car elle porte un coup dur à la crédibilité des examens. Jugez-en : être sous les feux de la rampe en se hissant en haut du classement, pousse, quoi qu'il en coûte, les D.E. à tolérer la triche d'une manière officielle ou officieuse, de la faciliter, en fermant les yeux sur les fraudes massives dans les centres d'examen. De donner également des instructions verbales (les paroles s'envolent?) aux correcteurs de lever la main lors des corrections? Bref, la fin justifie les moyens les plus sordides.

Le plus effroyable dans cette histoire immonde, pour éviter de s'attirer les foudres de leurs responsables hiérarchiques à cause des piètres résultats, de pseudo-directeurs et directrices (Parité oblige dans l'heur et le malheur), tout en usant de subterfuges tacites et autres concours scandaleux avec la complicité turpide de vils surveillants, bourrent les copies des candidats jusqu'à porter intégralement les réponses au tableau avec les marqueurs et la craie, naguère outils de savoir et de connaissances, se muant en instruments fatals de scènes de crime inqualifiables !!! (Les mots ne sont pas assez forts? J'en rage). Au lieu d'assurer, en aval, les meilleures conditions pour tous les candidats au nom de l'égalité des chances, d'inculquer aux élèves, en amont, les valeurs du travail en leur montrant les chemins de la réussite par le sérieux et le mérite et non par la triche : «Celui qui triche n'est pas des nôtres (man ghachana falayssa mina)», de les accompagner dignement durant leur cursus scolaire pour qu'ils réalisent les meilleurs résultats, ces irresponsables nuisent, à travers des comportements et des agissements préjudiciables, au corps enseignant et par ricochet aux apprenants.

A la lumière de cet argumentaire, il aurait été judicieux de hiérarchiser les wilayas selon les moyens didactiques et pédagogiques dont elles disposent afin d'y combler les déficiences. De la qualité de l'encadrement notamment le degré des compétences et des aptitudes requises chez les profs afin de dispenser un enseignement de qualité du moment où les enseignants sont recrutés dans la hâte, ne bénéficiant que d'une formation étriquée et bâclée. Pour mettre le holà à cette gabegie sans nom, on lance un appel solennel à la tutelle pour la réhabilitation des Instituts de Technologie de l'Education (ITE) et les Ecoles Normales Supérieures (ENS) où les nouvelles recrues reçoivent une formation solide, une théorique et autre pratique, encadrées par des enseignants chevronnés et praticiens expérimentés.

Pour revenir à ce fléau abject de la triche, qui tend à devenir le sport national par excellence, j'ai été témoin en tant que surveillant, impuissant en dépit de mes multiples interventions qui sont restées hélas vaines, à de scènes des plus humiliantes. Subissant un examen de recrutement et de promotion, des enseignants, des directeurs et mêmes des inspecteurs se sont offert un spectacle tragi-comique: des antisèches par milliers, des manuels déchiquetés, des téléphones qui n'arrêtent pas de sonner, des allers-retours incessants?Tout ce brouhaha indescriptible et cette course effrénée c'est pour parvenir aux réponses et rien que les réponses? brrr, des scènes cocasses, risibles et indignes. Résultat des courses: des enseignants inaptes, des directeurs écervelés et des inspecteurs (Ils n'en ont malheureusement que le nom) incapables (C'est un euphémisme) de lire correctement un simple exposé projeté par data show? Terrible (J'en rage encore).

Pour mieux illustrer le degré du bricolage opéré jusqu'au sommet de l'Etat, cette décision absurde prise l'année passée d'organiser une 2ème session du bac au nez et à (la barbe) de la ministre elle-même. Comble de l'injustice, les candidats retardataires ont été privilégiés et même récompensés au détriment des élèves sérieux et assidus !

Décidément, l'organisation des examens de fin d'année est devenue une hantise pour tous les acteurs de l'Education nationale. Du choix des sujets, jusqu'au déroulement des épreuves, émaillé le plus souvent d'incidents où les surveillants sont menacés physiquement et sommés de fermer les yeux sur les tentatives frauduleuses, en passant par la manipulation des nouvelles technologies qui a permis une longueur d'avance grâce (à cause) de la miniaturisation en favorisant et amplifiant la triche par l'usage ahurissant de procédés et techniques inimaginables de «copiage», tout cela donne du fil à retordre à la tutelle et l'incite à repenser entièrement les modalités d'organisation des examens de fin d'année. Une nouvelle approche moderne réfléchie et avisée doit être envisagée dans la concertation, au profit des apprenants, afin de redorer le blason de notre système éducatif, de lui regagner ses lettres de noblesse à même de supplanter les fauteurs de troubles et autres démagos.

Pour conclure, le constat est alarmant mais la situation n'est pas pour autant désespérante à condition d'y remédier urgemment. Et comme dit le sage adage : «Un pessimiste est un optimiste averti».

*Instituteur. Bougaâ - Sétif