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Il était une fois la Coupe du monde: Angleterre 1966 : le football revient à la maison

par Adjal Lahouari

Ayant mis fin à sa bouderie, l'Angleterre a été chargée d'organiser la Coupe du monde 1966. Après tout, il est logique que cette édition se déroule dans le pays qui a inventé le football, surtout après des conditions éprouvées au Chili quatre ans auparavant et qui ont soulevé des critiques et ce, en dépit de toute la bonne volonté des organisateurs chiliens.

Pour les éliminatoires, le comité de la FIFA a commis une injustice historique en n'accordant qu'un seul ticket pour trois continents, l'Afrique, l'Asie et l'Océanie ! Outrés, les 15 pays africains ont préféré déclarer forfait et ne pas contraindre un seul représentant à prendre le meilleur, d'abord sur les 14 autres africains, avant d'écarter de la course ceux d'Asie et d'Océanie. Après concertation, ce forfait a été unanimement décidé par les pays africains, car la FIFA ne s'est nullement gênée d'en accorder 10 pour l'Europe et 4 pour l'Amérique du Sud. Quant au procédé des têtes de séries, il a pénalisé la France, la Suède et la Belgique, du fait de leur absence quatre ans auparavant du Chili. Ce système a accouché de groupes démesurés et discutables. Au moins, le retrait des pays africains a fait un heureux, le team de la Corée du Nord qui n'a eu qu'à écarter de sa route un seul rival, l'Australie, ce qui fut fait dans les règles de l'art. Les avis émis par les observateurs intègres n'ont pas changé d'un iota.

Une finale programmée

Tout a été fait pour que l'Angleterre remporte la Coupe du monde sur son sol. D'ailleurs, depuis ce succès savamment programmé qui a soulevé moult interrogations, le onze de la Rose n'a plus rien gagné sur le plan international. Et pourtant, son championnat, la Premier League, était déjà une référence à l'époque et elle est considérée actuellement comme la compétition la plus relevée et la plus attractive du monde. Plus d'un demi-siècle sépare ces deux évènements, mais tout de même. Certains experts iront même plus loin, affirmant que cette année-là, il y a eu une possible collusion entre l'Angleterre et l'Allemagne pour qu'elles se retrouvent en finale. Et le fait que ce souhait se soit réalisé a amené de l'eau au moulin de ces observateurs qui ont basé leur jugement sur plusieurs paramètres troublants. Entre autres, le fait que l'Angleterre dispute tous ses matches à Wembley, ce qui était contraire à la règlementation.

Il y a aussi l'arbitrage dont l'influence s'est avérée prépondérante, avec du laxisme en faveur des Anglais et des Allemands, alors que les nations sud-américaines ont été victimes de la partialité des arbitres, soigneusement choisis. Une autre décision a fini par convaincre les observateurs, celle prise par les organisateurs anglais qui refusèrent une séance d'entraînement aux Argentins sur la pelouse de Wembley, alors que c'était parfaitement légal. Toujours à propos de l'Angleterre, il faut savoir que tous les Anglais n'étaient pas sur la même longueur d'onde. En effet, à cette époque précisément, les clubs de Londres n'étaient pas performants. Ce qui a poussé les sportifs de la ville de Liverpool à contester le choix de la capitale. Ils avaient, il faut le dire, de sérieux arguments, le champion étant Liverpool tandis qu'Everton avait enlevé la coupe. Et puis, de nombreux matches ont été marqués par la violence et des fautes criardes non sanctionnées par les arbitres, le plus souvent dépassés. En outre, l'entraîneur anglais Alf Ramsey a même failli provoquer un incident diplomatique après avoir traité les joueurs argentins « d'animaux ».

Enfin, personne n'oubliera ce qui est considéré comme la plus grande controverse de tous les temps en matière d'arbitrage, avec ce but accordé aux Anglais, alors que pour tout le monde, y compris les 100 photographes présents sur le terrain, ont affirmé mordicus que le ballon n'a pas franchi entièrement la ligne après avoir rebondi sur la transversale, déjà ronde en Angleterre avant tous les autres pays.

La fiche

Pays participants : 16

Finale : Angleterre 4 Allemagne 2 (AP)

Attaque : Portugal (17 buts)

Défense : Angleterre (3 buts)

Buteur : Eusebio (Portugal) 9 buts



Echos



Direct



C'est la première Coupe du monde qui fut retransmise en direct un peu partout. Des téléspectateurs algériens ont pu accéder à ce privilège avec l'antique antenne « râteau » par voie hertzienne. Une nouvelle ère s'ouvrait pour le football et la télévision. Dans ce domaine, l'Angleterre était en avance.



Lévriers



Les rencontres du onze anglais se sont déroulées à Wembley, sauf une qui a eu lieu au stade de White City. La raison ? Ce jour- là, était programmée une course de lévriers. La preuve, qu'en Angleterre, on ne badine pas avec la tradition.



Bouchers



Profitant du laxisme et de la faiblesse des arbitres, certains joueurs ont donné libre cours à leurs instincts de violence. Les plus en vue furent l'Anglais Noby Stilles, le Bulgare Jetchev et le Portugais Morais.

Ce sont d'ailleurs ces deux derniers qui ont massacré Pelé. La presse sud-américaine les a traités de bouchers.



Rediffusion



Tout le monde était d'accord pour dire que le match Brésil - Hongrie fut le match le plus attrayant de cette édition. D'ailleurs, les responsables de la BBC, convaincus eux aussi, l'ont rediffusé à quatre reprises.



Unanimité



Trois grands journaux londoniens ont été unanimes, reconnaissant que la finale Angleterre - Allemagne n'a pas répondu à l'attente en matière de niveau. Seuls les formulations ont différé. L'un a écrit que ce ne fut pas un classique, le second a affirmé que ce n'était pas une finale artistique, tandis que le troisième a mis l'accent sur le suspense.



Rêve



Jeune mariée, Elisabeth Charlton, mère de Bobby et Jackie, a toujours rêvé d'avoir un enfant footballeur professionnel. Or, ses espérances sont allées bien au-delà puisque ses deux fils sont devenus champions du monde avec l'Angleterre.



Records



Il fallait s'y attendre. En Angleterre, deux records ont été battus. Celui de l'assistance, 1.463.035 spectateurs pour 821.363 en Suède à titre d'exemple. Quant à la finale diffusée en direct, elle a été vue par 400 millions de personnes.



Coïncidence



Une étonnante coïncidence a été relevée au cours de cette Coupe du monde où le Portugal a été boosté par son attaquant originaire du Mosambique, l'inoubliable Eusebio.

En effet, les Portugais ont toujours inscrits des buts dans les dix dernières minutes au cours de leurs six rencontres.



Vieux



Lors de cette Coupe du monde ratée pour de nombreux motifs, dont le traitement qu'a subi son meilleur élément Pelé, le Brésil a aligné le plus vieux joueur, le latéral droit Djalma Santos et le plus vieux buteur, Garrincha.



Pères et fils



A l'occasion de France - Uruguay, Jean Djorkaeff et Pablo Forlan se sont affrontés pour le compte du premier tour. Trente-six ans plus tard, en 2002, leurs fils Youri et Diego en firent de même. C'était en Corée du Sud.



Drapeau



Depuis la fin de la guerre de Corée, l'Angleterre n'avait pas reconnu la légitimité du gouvernement de Pyong Yang. Pas question donc de faire flotter le drapeau. Mais, finalement la diplomatie sauvera les apparences et le drapeau de la Corée du Nord fut hissé aux côtés des 15 autres. Cette fois, encore, c'est une prouesse à l'actif du football, opium des hommes.



Confusion



Lors de cette finale et le but litigieux qui a fait couler beaucoup d'encre, le quatrième but anglais signé Hurst n'était pas valable, puisque plusieurs supporters anglais avaient déjà envahi la pelouse. Il sera pourtant accordé, ajoutant à la confusion générale.



Tomates



Piteusement éliminés par les Coréens du Nord, les joueurs, le staff technique et les dirigeants italiens ont reçu un accueil spécial à leur retour au pays. Bien qu'ayant pris le soin d'atterrir sur un petit et discret aéroport, ce fut à coups de tomates qu'un groupe de tifosis, au parfum quant au lieu d'arrivée, a exprimé sa colère.



Inusable



Les anciens se souviennent toujours du gardien mexicain Antonio Carbajal, qui était du genre plutôt endurant. En effet, il a disputé cinq phases finales de Coupe du monde, de 1950 à 1966, achevant sa carrière à 37 ans. Doit-on dire chapeau ou sombréro ?