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Tensions au sein de l’Opep

par Akram Belkaïd, Paris

Les marchés, on le répète souvent, n’aiment ni les incertitudes ni les imprécisions. Cela vaut pour le pétrole qui, une fois encore, fait l’actualité en prenant un sens descendant pour ce qui est de ses prix. Ce n’est certes pas la plongée mais le baril de Brent se rapproche des 72 dollars ce qui, selon les spécialistes des analyses graphiques, les fameux « chartistes», est un seuil technique qui peut provoquer plusieurs ventes et donc amplifier la baisse actuelle.

Une augmentation, oui, mais de combien ?

Commençons par les imprécisions. Elles concernent le volume exact de brut supplémentaire qui pourrait arriver sur le marché. On sait que les pays membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et la Russie discutent actuellement d’une augmentation de la production. Les motivations à ce sujet sont nombreuses. D’abord, le besoin de revenus supplémentaires et donc la nécessité de profiter de cours qui restent tout de même élevés (Arabie saoudite, Russie). Ensuite, la volonté de ne pas « tuer » la reprise de l’économie mondiale en lui infligeant des prix de l’énergie trop élevés. Cet « esprit de responsabilité » se retrouve chez les Saoudiens lesquels sont aussi très soucieux de ne pas trop indisposer leur parrain américain. Le président Donald Trump trouve, en effet, que les prix à la pompe sont trop élevés et exige donc de l’Opep une augmentation de sa production. Dans le contexte géopolitique du Golfe, on imagine mal Riyad ou d’autres pétromonarchies tenir tête au locataire de la Maison Blanche…

Reste que si l’on sait de combien la production pourrait augmenter en théorie (deux à trois de millions de barils par jour, grâce notamment à l’Arabie saoudite et à la Russie), on ignore quelle sera l’augmentation réelle. Des sources affirment qu’il s’agira de 300 000 barils par jour (bj). D’autres avancent le chiffre de 600 000 bj. De nombreux services de recherche de courtiers ou de grandes banques tablent sur 500 000 bj. La presse spécialisée américaine avance quant à elle l’objectif de 1,5 million de barils par jour (mbj). On passe donc du simple au double ce qui n’est pas neutre.

L’incertitude accompagne, quant à elle, l’imprécision. On sait que le niveau actuel de production est censé être maintenu jusqu’à la fin de l’année en cours. Mais on sait aussi que l’Arabie saoudite et, à un degré moindre, la Russie veulent revoir très vite cette limitation. Si Moscou peut faire cavalier seul, Riyad doit passer par l’Opep. Et le cartel est divisé sur cette question. Certains producteurs comme l’Iran ou le Venezuela voire même l’Irak ne veulent pas entendre parler d’une augmentation des pompages et cela pour deux raisons. La première est qu’ils n’ont pas les moyens de produire plus. La seconde, encore plus importante, est qu’ils voient d’un mauvais œil la perspective d’une baisse des prix. C’est surtout le cas de Téhéran qui doit faire face au durcissement des sanctions américaines.

Le facteur Trump

L’autre facteur d’incertitude concerne les relations sino-américaines. La rencontre entre le président américain et son homologue nord-coréen semblait ouvrir la voie à une amélioration des relations entre Washington et Pékin. Mais Donald Trump persiste et signe : il taxera plusieurs centaines de produits chinois. La Chine n’entend pas se laisser faire et appliquera la réciprocité notamment en taxant le… pétrole américain dont elle acquiert des quantités de plus en plus importantes. Tout cela entretient une forme d’instabilité que les marchés détestent et aiment à la fois. Dans le premier cas, l’instabilité est source d’inquiétude quant à l’évolution des cours. Dans le second cas, elle oblige à penser des stratégies d’investissement qui peuvent s’avérer très rentables…