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Commerce, un secteur noyé dans ses calculs

par Abdelkrim Zerzouri

Qu'est-ce qu'on n'a pas fait pour protéger la production nationale, sans pour autant arriver à couvrir les besoins locaux ? Dans ses pérégrinations réglementaires, allant de l'interdiction, carrément, d'importation de près d'un millier de produits, à l'instauration de licences d'importation, en passant par les avantages fiscaux accordés aux producteurs locaux, et arrivant à cette récente proposition qui sera introduite dans la loi de finances complémentaire 2018, l'institution d'un droit additionnel provisoire de sauvegarde, applicable aux marchandises importées et destinées à la consommation, à un taux variant entre 30 et 200%, le secteur du commerce n'est jamais sorti de l'auberge.

Obéissant à des critères et des considérations marquées par une absence de vision savamment étudiée, doublée d'une instabilité chronique, sur le plan de la réglementation notamment, puisque chaque ministre qui arrive à la tête de ce département lance sa feuille de route qui dévoile en filigrane ses priorités, le ministère du Commerce reste encore ce département qui se noie dans ses propres calculs. Des calculs qui commencent et se figent au stade de l'expérimentation. Sans parler des décisions qui reposent sur l'esprit de tâtonnement, à l'enseigne de ce droit additionnel de sauvegarde, accolé de la mention «provisoire», ainsi que la mention qui précise que la liste des marchandises soumises à ce droit et les taux y correspondants (entre 30 et 200%) sont fixés périodiquement par voie réglementaire. Qui dit mieux en matière de manque de transparence et d'instabilité ?

Avec le nouveau ministre, l'adaptation «évolutive» de la réglementation est privilégiée. C'est selon le résultat donné par telle ou telle mesure qu'on improvisera de nouvelles solutions, à l'enseigne de la modification de la liste des produits interdits à l'importation, en plus de ce droit additionnel de sauvegarde. Et, le ministre du Commerce tient à rappeler qu'il n'a rien inventé, du tout, puisque ces règles sont puisées de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui permet aux pays concernés de prendre des mesures de défense de leur production nationale contre les importations qui portent préjudice à leurs économies.

Très juste, seulement il faudra adhérer à l'OMC, être membre de l'Organisation, pour plaider sa philosophie, s'inspirer de sa politique ou puiser dans ses textes réglementaires et organisationnels. Pour rappel, l'Algérie n'a pas encore adhéré à l'OMC. Bien sûr, cet argument donné par le ministre du Commerce est destiné aux pays étrangers, dont l'UE, qui ont ouvertement critiqué les décisions protectionnistes du gouvernement algérien en faisant fi des accords qui le lient à l'UE, pour leur dire qu'on ne fait pas plus que ce qui est largement admis au sein de l'OMC et des pays qui y adhèrent. Tout ce qu'on fait sur le plan du commerce extérieur est légitimé par la baisse de la facture d'importation et le soutien à la production nationale.

Vue sous cet angle, cette petite révolution qu'on mène dans le domaine commercial est à applaudir. Mais, le revers de la médaille pousse à l'inquiétude et à la consternation de la population. On craint qu'on soit «select» en matière de protection de la production nationale, qui conduirait à des décisions particulières pour soutenir en particulier un secteur précis, voire un producteur précis, sans considération d'aucune protection à penser et à initier dans d'autres secteurs de production. On craint également qu'on favorise à travers ces mesures la création de monopoles locaux dans des domaines précis. On craint beaucoup de choses qui ne seraient pas en harmonie avec le discours développé, à l'image de certains produits fabriqués localement, naguère très mal vendus, qui se sont retrouvés sans concurrence sur un marché hermétiquement fermé à l'importation, et qui ont de ce fait imprimé une hausse de prix considérable à leurs marchandises. Voilà pourquoi la transparence est exigée comme garant de la probité, un argument qui rassure qu'on ne plaide que pour l'intérêt de l'Algérie et non de parties occultes.