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Aïn Temouchent: Opération «3D»

par Saïd Mouas

  Il ne s'agit ni d'une découverte en mathématique, ni d'un nouveau procédé technologique, encore moins d'une variante de la célèbre application numérique à trois dimensions. Le titre du présent article parait de prime abord énigmatique. En fait, il pourrait servir d'indicatif à un plan de bataille ou de code confidentiel à un commando de choc en mission contre un ennemi puissamment armé et dans ce cas de figure, on n'est pas loin de la signification recherchée, parce que l'objet ciblé n'est autre qu'un épiphénomène lié au confort de l'individu et à sa santé. Il est aussi nuisible que redoutable. L'opération ?'3D'' conçue dans le laboratoire secret de l'APC du chef-lieu de wilaya vise tout simplement à éliminer ou du moins à atténuer l'impact de trois vecteurs ravageurs à savoir : la saleté, les moustiques et les rats réunis sous le sigle ?' 3D'', comprendre : Désinfection, Démoustication et Dératisation. Avouez que nos élus ne manquent pas d'imagination. Le jeûne réputé peu propice à la réflexion a aussi cette surprenante particularité d'inspirer parfois les esprits habituellement en veilleuse. Tant mieux, ça fait du bien de voir de temps à autre des conseillers municipaux se triturer les méninges ! Depuis le début du mois de Ramadhan, près de 150 tonnes de déchets ont été ramassées dans différents quartiers de la ville.

 C'est énorme et inquiétant à la fois si l'on considère que ce volume de détritus est loin de refléter la réalité vu que l'opération en est à sa phase initiale et qu'il subsiste encore beaucoup de poches qui n'ont pas été nettoyées. Un constat qui nous autorise aujourd'hui à dire que cette incroyable accumulation de déchets hétéroclites n'est pas tombée du ciel et qu'elle est le résultat d'une gestion chaotique de l'environnement dont les citoyens n'ont eu de cesse de se plaindre notamment durant les deux mandats précédents entre 2007 et 2017. Soit une décennie de villégiature rétribuée où les bonnes affaires ont fleuri. Comprenne qui voudra. Il faut croire qu'avec un héritage de cette nature ? 150 T d'ordures laissées en jachère et vraisemblablement plus, la collecte à l'issue de l'année en cours nous renseignerait davantage - la nouvelle équipe d'élus de l'APC, ils sont vingt-trois, a du pain sur la planche et probablement d'autres choses moins propres à débarrasser. Paradoxalement, la plupart des acteurs à l'origine de ce sinistre bilan ont rempilé et certains ont même pris du grade en allant siéger au sein de l'APW ou l'APN. Alors qu'est-ce qui a changé et produit ce déclic salutaire ? D'abord, l'arrivée à la tête de l'exécutif du nouveau wali, Mme Ouinez Labiba, qui a vite mesuré l'ampleur des dégâts occasionnés à l'environnement et a agi en conséquence. Ensuite, l'élection d'un maire plutôt à l'aise sur le terrain que dans son bureau et désireux de bousculer l'ordre établi. M. Didi Abdelghani est animé de bonnes intentions mais faut-il encore qu'il ait les moyens de sa politique et qu'il parvienne à discipliner son staff qui a du mal à soutenir la cadence. Enfin, il y a la présence du chef de daïra, M. Metalssi Mohamed, qui tente, lui, de créer une synergie d'efforts entre l'administration, les élus et le mouvement associatif. Une rupture dans la façon de gérer l'espace vital et pour user d'une métaphore assez éclairante, disons que l'avion-APC avait besoin à l'époque d'un pilote et d'une tour de contrôle, en l'occurrence la wilaya et la daïra, pour contenir les dérives. La politique de l'autruche a malheureusement prévalu en ces temps providentiels. C'est cette visibilité maintenant recouvrée quant aux responsabilités dévolues à chacun qui a permis de relancer la machine en l'espace de neuf mois et ce, en attendant la libération de l'ensemble des autorisations de programmes au titre de l'exercice 2018. Pour l'instant le recours aux palliatifs est de mise.

 Le P/APC a battu le rappel de quelques retraités communaux pour contribuer au grand ménage. Censés maitriser le fonctionnement du service de la voirie, ces agents ont déjà servi sous l'ère des précédents maires avec les résultats que l'on connait. On pouvait raisonnablement s'en passer et donner leur chance aux nouveaux. Après tout, un éboueur n'est pas obligé de sortir de l'USTO. Il est un fait indéniable, le chef-lieu de wilaya retrouve progressivement son lustre d'antan et ce, à la faveur des multiples actions initiées, soit dans un cadre officiel par des services de l'administration locale, soit dans le cadre du volontariat. Les améliorations apportées au cadre urbain témoignent de ce regain de dynamisme. A l'exemple des carrefours de la daïra, de la route de Chaabat Leham dont l'aménagement et la mise aux normes techniques se poursuit, du rond-point de l'hôtel Bel Air, du jet d'eau proche du siège de la protection civile réhabilité et désormais fonctionnel à la grande satisfaction des habitants. Une mue qui s'opère à vue d'œil et qui préfigure de grands changements. Le tissu urbain longtemps malmené nécessite encore des adaptations voire des mesures courageuses pour effacer les outrages commis dans un passé pas très lointain au nom d'un développement qui a profité plus à une faune d'opportunistes qu'à la collectivité.