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Production céréalière et ou sécurité alimentaire en Algérie

par Sirat Noureddine

Bien que cette année nos agriculteurs semblent très optimistes surtout après les dernières pluies de mars et avril qui ont parfaitement coïncidé avec le stade de montaison des graminées, la production céréalière reste toujours loin de l'autosuffisance et demeure encore au rang des fictions.

D'une importance capitale en Algérie, les céréales sont stratégiques et constituent la base de l'alimentation de la population et la première source (60%) de l'apport calorifique. Jusqu'à 80% de l'apport protéique de notre ration alimentaire.

A cet effet, on estime pour chaque individu une consommation annuelle moyenne qui oscille entre 200 à 207 kg de blé sous diverses formes, à savoir le pain, le couscous et ses dérivés ou bien les pattes. Par ailleurs, malgré les politiques d'encouragement par le biais de la mise en œuvre du programme d'intensification des céréales et les objectifs du renouveau agricole et rural, les produits céréaliers continuent à représenter plus de 40% de la valeur des importations des produits alimentaires. Cette situation alarmante place l'Algérie à la 8e place des pays les plus importateurs, près de 9 millions de tonnes.

En matière agronomique, cette culture annuelle considérée stratégique, reflète une grande importance en raison qu'elle apporte sous un petit volume une matière riche en calories, qui se transporte facilement et se conserve. Elle se concentre essentiellement selon ses exigences climatiques et géographiques dans les régions comprises entre l'isohyète 600mm au nord et 300mm au sud. En effet, il s'agit respectivement des plaines littorales, vallées du Centre et de l'Est dont la pluviométrie est de moins de 500 mm avec des rendements moyens de 20q/ha. Puis une zone intermédiaire et sujette à des variabilités climatiques élevées dont les rendements peuvent osciller entre 5 à 15q/ha (coteaux de Tlemcen, vallées du Chélif, massif de Médéa...) et, en dernier lieu, la zone à faible rendement du sud et des hauts plateaux de l'Est et de l'Ouest dont les rendements en grains sont le plus souvent inférieurs à 8q/ha. Cette dernière zone, la SAU (surface agricole utile) atteint 4,5 millions d'hectares mais près de la moitié (50%) est emblavée chaque année en céréales. Selon les données du ministère de l'Agriculture du Développement rural et de la Pêche (MADRP), la superficie totale emblavée au titre de la dernière campagne est de 3.507.150 ha dont le blé dur occupe la part la plus élevée, soit 45% suivi de l'orge avec 37%, du blé tendre avec 15% et enfin l'avoine avec 03%.

Cette multitude et variation en matière de production céréalière est marquée par une forte diversification des facteurs agro-pédo-climatiques qui rendent du point de vue technique, la mise au point des itinéraires techniques performants très difficiles et parfois inadaptables. En outre, les variations de la pluviométrie montrent aussi qu'elles contribuent jusqu'à 50% à la différence des rendements d'une année à l'autre, et où la céréaliculture est difficilement substituable.

A ce volet, les experts estiment théoriquement que pour produire 01kg de matière sèche, il faut 500 à 550 kg d'eau, mais qui doit apporter en deux périodes : l'automne pour le semis et la levée, et le printemps pour la montaison et l'épiaison. Malgré l'accroissement de la superficie emblavée des céréales, qui dépasse ces dernières années les trois millions d'hectares soit près du tiers de la SAU nationale, les rendements obtenus connaissent des fluctuations et des irrégularités. A titre indicatif, la production était de 20 millions de quintaux en 1980, puis elle baise à 8,6 millions en 1996 qui passe à 30 millions de quintaux en 1997, et enfin 34,7 millions de quintaux en 2016/2017 en hausse de 1,4% par rapport à la campagne écoulée avec un rendement moyen de 15q/ha, contre 16q en 2015/2016. Cette situation reste toujours non satisfaisante et n'évolue pas proportionnellement à la croissance démographique malgré les efforts consentis ainsi que les divers programmes de subventions de l'Etat et les crédits bonifiés (ETTAHADI).

Cette production qui reste selon l'esprit des agriculteurs tributaire uniquement des précipitations (stress hydriques) et de leurs répartitions, est touchée aussi, à notre avis, par de multitudes problèmes fonciers, morcellement des parcelles, tailles réduites suite à l'héritage ne permettant ni revenu conséquent, ni investissement. De ce fait, il est recommandé pour résoudre ces entraves de créer des exploitations de grande superficie après avoir assuré que la nature des sols est très apte à une céréaliculture en mode intensif et mécanisé dans le programme de mise en valeur par la concession qui doit s'appuyer sur les techniques adéquates à adopter pour assurer des niveaux de production justifiant les investissements réalisés et les objectifs fixés. En zones arides et en conduite en irrigué, les céréales nécessitent des fertilisants bien spécifiques et des semences adaptées aux conditions du milieu.

Par ailleurs, dans les hautes plaines steppiques, recommandé et obligé de ne pas dévier la vocation naturelle de ces zones fragiles en matière d'écosystème, en se limitant au développement des cultures fourragères (ex : vesce, avoine) et l'orge dans les zones d'épandages et les dépressions ou les dayas. Il est important de réduire la superficie de la jachère et améliorer le niveau de la mécanisation, particulièrement les équipements de récolte dans ces zones.

Sur un autre volet assurer en priorité la formation des cadres agronomes exécuteurs et meneurs de projets associés à la formation des agriculteurs et le développement des services de la vulgarisation aux nouvelles techniques. Le respect strict et rigoureux des itinéraires techniques des cultures céréalières doit être bien mené et surtout à caractère spécifique, voire bien adapté à chaque zone agro-pedo-climatique.

En parallèle, l'irrigation des céréales nécessite une réflexion pour la mise en place d'une politique de gestion durable de la ressource en eau, facteur de production, de qualité et de préservation de l'environnement, et celui par la recherche de nouvelles techniques avec l'étroite collaboration des services de l'hydraulique, les instituts techniques, les chercheurs universitaires en volet irrigation et drainage pour bien déterminer avec exactitude les besoins en eau réels des céréales et non théoriques, besoins déterminés sur un formalisme pratique et expérimental.

De plus, recensés par les experts une faible utilisation des engrais et des traitements, particulièrement le désherbage par les agriculteurs des céréales, ainsi une lenteur du progrès technique et de la recherche agronomique, sachant que la FAO a déjà classé l'Algérie parmi les pays du bassin méditerranéen qui utilisent la plus faible quantité d'engrais et produit phytosanitaires.

Malgré que les importations en céréales au cours de la campagne 2016/2017 ont connu une baisse en quantité et en valeur par rapport à la campagne 2015/2016, l'Algérie reste parmi les onze pays qui importent plus de 46% de leurs besoins en céréales dans le monde, ceci se répercute sur l'économie nationale et oblige l'Etat algérien toujours à débourser des sommes pour combler l'écart entre l'offre et la demande afin de réaliser sa sécurité alimentaire.