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Ralentissement en Allemagne

par Akram Belkaïd, Paris

Verre à moitié plein ou verre à moitié vide ?

C’est un sentiment mitigé que provoquent les récentes statistiques de l’économie allemande. Selon le rapport mensuel publié en début de semaine par le ministère allemand de l’Economie, le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 0,3% durant le premier trimestre, soit un taux inférieur de moitié par rapport aux trois derniers mois de 2017 ( 0,6% contre, respectivement, 0,9%, 0,6% et 0,7% pour les trois premiers trimestres de la même année).

Ce net ralentissement (les économistes tablaient sur une hausse de 0,4%) traduit-il une tendance de fond ? Ou n’est-il dû, comme l’affirment les autorités de Berlin, qu’à des facteurs temporaires comme une épidémie de grippe, des grèves dans le secteur industriel et, pour finir, un plus grand nombre de jours fériés durant la période considérée ?

Vigueur persistante

Sans pouvoir encore trancher, de nombreux observateurs rappellent d’abord que cela fait quinze trimestres d’affilée que le PIB allemand progresse. Jamais, depuis 1991, l’économie allemande n’avait connu une telle phase d’expansion même si les performances peuvent être en dents de scie d’un quart d’année à l’autre. Selon l’institut Destatis, il faut néanmoins relever que le commerce extérieur a perdu de sa vigueur. Certes, l’Allemagne demeure dans le peloton de tête des exportateurs mondiaux, mais les ventes à l’étranger du «made in Germany» se sont tassées entre janvier et mars 2018.

L’Institut relève aussi que l’Etat allemand a moins dépensé, ce qui a eu un effet négatif sur la croissance. On rappellera que les institutions financières internationales, comme le Fonds monétaire international (FMI), ne cessent d’appeler Berlin à plus de dépenses publiques pour soutenir l’économie et mieux valoriser les excédents budgétaires. «Les conditions macroéconomiques, qui demeurent favorables, et les indicateurs économiques actuels suggèrent une poursuite de la reprise économique», réplique pour sa part le ministère allemand de l’Economie qui insiste sur le haut niveau des commandes à l’industrie et sur le fait que la croissance mondiale demeure forte, un gage de sécurité pour le dynamisme des exportations. Au total, Berlin table sur une croissance de 2,3% pour l’année 2018. Une performance plus qu’appréciable.

A condition qu’elle se réalise, notent encore les pessimistes. Outre le ralentissement du premier trimestre, ces voix s’inquiètent des tensions commerciales annoncées entre les Etats-Unis et l’Europe sur deux dossiers majeurs. Le premier concerne la volonté de Washington de taxer l’acier et l’aluminium étrangers. Le second, plus récent, est lié à la décision américaine de dénoncer l’accord sur le nucléaire iranien et d’appliquer des sanctions aux entreprises, même non américaines, qui poursuivraient leur commerce avec Téhéran. Les grandes entreprises mais aussi des centaines de PME allemandes sont directement concernées.

Moral des patrons

En tout état de cause, l’optimisme gouvernemental tranche avec le moral dégradé des patrons. L’indice de l’institut Ifo qui entend refléter le climat des affaires a ainsi encore baissé en avril dernier, soit un cinquième mois consécutif de repli. Certes, ces indices sont toujours à prendre avec précaution mais l’hypothèse d’un retournement sensible de la conjoncture allemande n’est pas à exclure totalement même si les hausses salariales et celles des retraites devraient doper l’économie. Du moins, à court et moyen terme.