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Un phénomène qui prend de l'ampleur à Aïn El Turck: Les forages illicites menacent la nappe phréatique

par Rachid Boutlelis

  Baptisée source du Turc peu avant l'époque du conquistador, en raison d'une multitude de source répertoriée dans le sous-sol de ses différentes zones, Aïn El Turck a, au fil du temps, énormément perdu de sa prestigieuse réputation. Cet état de fait est à mettre à l'actif d'un nombre considérable de forages illicites qui s'est encore multiplié depuis l'avènement des colporteurs d'eau douce. S'étendant sur une superficie de 19.410 hectares et issue d'un découpage administratif, initié en 1975, avant d'être modifié en 1989, la daïra côtière d'Aïn El Turck n'est plus uniquement un lieu de villégiature pour des estivants en quête d'une bouffée d'air iodé, mais est devenue, depuis ces trois dernières décennies, le lieu de résidence permanent pour un grand nombre de familles venues de différentes contrées du pays.

Une grande majorité de ces familles, qui s'y étaient installées, a procédé au forage, avec ou sans autorisation, dans leurs habitations et ce, pour parer aux fréquentes et intermittentes perturbations en alimentation d'eau potable qui perdure de nos jours.

Il importe de noter que ce constat n'est pas spécifique pour la seule contrée d'Aïn El Turck mais a été relevé dans presque toutes les autres zones essaimées à travers la wilaya d'Oran. En effet, la surexploitation des eaux souterraines menace la nappe phréatique de toute la région d'Oran. Selon un décompte établi, des centaines de forages profonds creusés illicitement dans les communes périphériques, comme à titre d'exemple Messerghine, Oued Tlélat, Tafraoui et Boutlélis, puisent dans la nappe phréatique causant ainsi des dommages irréversibles. Le phénomène a pris une ampleur démesurée à la sortie nord ouest de la ville d'Oran, plus précisément dans le bourg d'El Hassi, où sont recensés des dizaines de forages illicites. Il s'agit en fait de puits situés dans des fermes, qui sont également utilisés pour alimenter les colporteurs.

Les forages effectués illicitement ne respectent aucunement les normes en vigueur et altèrent gravement les nappes phréatiques du fait que leurs ouvrages s'effondrent peu de temps après leur mise en service.

Les inspections de ces forages illicites ont révélé une baisse sensible de la nappe phréatique dans cette zone. Les mesures annoncées par les autorités locales, qui avaient promulgué un arrêté pour procéder au recensement et à la destruction de tous les forages illicites existant à Oran, ne semblent aucunement dissuader les propriétaires de ces puits illicites. Un arrêté de la wilaya stipule, entre autres, une saisie d'une durée de six mois du matériel utilisé dans le forage illicite et des sanctions contre les contrevenants, conformément aux dispositions pénales prévues dans ce genre de délit. En dépit de cet arsenal répressif, le phénomène est devenu incontrôlable. Le créneau semble bien au contraire prospérer allègrement. La course effrénée vers l'exploitation irrationnelle de cette richesse souterraine semble avoir de beaux jours devant elle.

De nouvelles activités nécessitant d'énormes quantités d'eau, à l'exemple des stations de lavage de véhicules, ont aussi fait leur apparition en parallèle. Les exploitants des stations de lavage préfèrent de loin les eaux souterraines que celles fournies par la SEOR et ce, en raison des prix avantageux. Pour les eaux pompées d'une manière illicite de la nappe phréatique, c'est tout bénéfice pour ces gros consommateurs. Il faut savoir que les trois quarts des eaux souterraines puisées de la nappe phréatique ne sont ni facturés ni déclarés. Notons dans ce contexte que les dernières directives du wali d'Oran, relatives à la préservation de la nappe phréatique surexploitée dans certaines régions de la wilaya, ont été strictes pour une opération de lutte contre les forages illicites au niveau de plusieurs communes et localités. Selon des sources proches de la wilaya, dans un premier temps cette action s'est soldée par la destruction d'une vingtaine de puits forés illicitement au niveau des localités d'El Hassi, Sidi El Bachir et Aïn El Beida. L'opération qui se poursuit toujours cible essentiellement les forages sur des terres agricoles et les puits sans autorisation alimentant les colporteurs d'eau.