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Bedoui face à la société civile de Djanet: Des habitants dénoncent la «hogra»

par Notre Envoyée Spéciale A Djanet : Ghania Oukazi

  Des cris de détresse ont été lancés, hier, du cœur du Tassili N'Ajjer dénonçant «les exactions des services de sécurité contre les citoyens et notamment les jeunes de Djanet». Des jeunes targuis en appellent, aussi, aux décideurs pour permettre «aux jeunes de descendre des maquis.»

Les habitants de la wilaya déléguée de Djanet n'ont eu de cesse d'en appeler aux responsables qu'ils rencontrent pour crier «à la hogra et dénoncer les dépassements des services de sécurité.» Ils soutiennent devant le ministre de l'Intérieur, et des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire que «les services de sécurité font tout pour nous coller des affaires, d'or, de drogue, d'armes, de carburants, c'est devenu infernal, ces agents nous ont colonisés.» Les accusations à l'encontre de ses services, en faction dans la wilaya d'Illizi et la wilaya déléguée de Djanet sont graves, si l'on s'en tient aux propos des Targuis durant la réunion qu'a tenue Noureddine Bedoui, hier, avec les représentants de la société civile. «On ne cherche pas le développement mais on cherche à vivre en paix, il faut que les services de sécurité arrêtent de nous malmener, leurs exactions augmentent, de jour en jour,» s'est plaint l'un d'eux. Il fait savoir au ministre qu' «on nous prend nos enfants, les jettent dans les cachots des commissariats pour les torturer, si nos enfants commettent des forfaits, il y a la justice, c'est le juge qui doit trancher leur cas.» Il affirme que «les services de sécurité trouvent n'importe quel moyen pour nous accuser de tout, y compris nos vieux, qui pour de trafic d'or, qui pour avoir volé deux moutons, qui pour un bidon d'essence qu'on retrouve dans son véhicule alors qu'il doit faire 600 km sans qu'il y ait une seule station sur le trajet.» Les citoyens de Djanet se disent «offusqués par la ?hogra'» et accusent «certains agents de sécurité de jeter de la drogue et des psychotropes près d'un groupe de jeunes pour les accuser, les arrêter et les torturer, est-ce juste ?!?»

«N'est-ce pas un comportement de colonisateur ?»

Un citoyen avance même qu' «un commissaire nous a dit : je suis là pour éduquer les Targuis que vous êtes ! N'est-ce pas un comportement de colonisateur ?» Les intervenants n'hésitent pas à soulever qu' «il n'est pas normal qu'un policier n'est jamais jugé, c'est toujours le citoyen qui l'est et qui a tort.» Aux autorités qui accusent les habitants de Djanet d'exploiter l'or, un citoyen s'exclame «on aimerait bien voir cet or ! Quand on arrête soi-disant un jeune, on présente le matériel, les outils mais pas l'or, donc les services de sécurité trouvent des prétextes.» Les Targuis appellent au respect de leurs droits et réclament justice. Un représentant d'une Association évoquera la situation «des nombreux jeunes qui sont dans les maquis, je vous assure qu'ils n'ont jamais tué, ils n'ont aucune goutte de sang sur leurs mains, ce ne sont pas des terroristes, ils sont montés au maquis à cause de la ?hogra', ils veulent des garanties pour descendre (?) et pouvoir bénéficier de la réconciliation nationale, au même titre que les vrais terroristes.» Les citoyens de la région demandent en outre, l'ouverture des frontières «ne serait-ce qu'à titre exceptionnel pour qu'on puisse voir nos familles qui vivent au Mali, en Libye et au Niger et aussi pour les personnes malades pour qu'elles puissent se soigner.» L'un d'eux s'écrit «nous sommes dans une prison naturelle, avec les frontières fermées, on ne vit pas, nous sommes à 2.400 km d'Alger, nous sommes loin de tout !» Les jeunes réclament des emplois «promis par Sonatrach mais elle n'a jamais répondu à nos demandes, que Djanet devienne une wilaya parce que c'est une wilaya déléguée sans budget, sans moyens et sans décisions.» Les demandes sont nombreuses et diverses dans une région qui semble manquer de beaucoup d'infrastructures.

Les jeunes des maquis demandent des garanties

«J'insiste sur quelque chose de fondamental,» commencera par dire le ministre de l'Intérieur, à l'attention des intervenants pour souligner «on est dans un Etat de droit, la loi est au dessus de tous, citoyens et responsables, on n'acceptera jamais les dépassements, toutes les institutions constitutionnelles, politiques, administratives, sécuritaires, judiciaires, ont leurs rôles propres, je tiens à l'application de la loi dans toute sa rigueur.» Il fera savoir à l'assistance que «j'ai enregistré vos préoccupations, je vous promets qu'elles seront examinées au niveau du gouvernement.» A propos des jeunes dans les maquis, il rappellera «les valeurs de la réconciliation nationale» qui dit-il «sont constitutionnalisées» pour interroger «qui empêche ces jeunes de revenir dans leurs familles avec toutes les garanties qui leur faut ?» Bedoui «en appelle à tous ceux qui veulent revenir auprès de leurs familles, participer au développement de leur région, de le faire, les portes de la réconciliation nationale sont ouvertes, on leur promet que les portes du pays leur sont toutes ouvertes.» Un citoyen nous fera savoir que «ces jeunes sont montés dans les maquis, il y a 4 ans, ils l'ont fait à cause des injustices qu'ils ont subies.» Ils sont, selon lui, dans la chaîne de montagnes «qui débute dans la Libye, traverse l'Algérie et s'arrête au Niger.» Notre interlocuteur estime que «ces jeunes veulent négocier avec des responsables, ils veulent des garanties avant de descendre, il n'y a pas que les chômeurs parmi eux, il y avait même un professeur d'université, il est parti en Libye mais il a été tué.» L'on reconnaît à Djanet qu'il y a «énormément de trafics de tous genres, on a des jeunes qui ont à peine 15 ans mais possèdent des voitures et beaucoup d'argent, on se demande comment ont-ils fait pour avoir tout ça !» Djanet est loin des frontières nigériennes de près de 400 km et de celles libyennes de 260 km. «Beaucoup de jeunes refusent de travailler parce qu'ils vivent par la contrebande qui leur ramène énormément d'argent,» nous dit un membre d'une association.

Djanet veut l'ouverture de ses frontières

Le ministre fera savoir au sujet de l'emploi que Sonatrach ouvrira bientôt un centre de formation pour les jeunes. «Ce sont des formations de conducteurs et de mécaniciens qui seront assurées dans ce centre, pour des postes d'emploi dans Sonatrach et ses filiales,» affirme pour sa part, le ministre de l'Energie. La demande d'ouverture des frontières exprimée par les habitants de Djanet fera dire à Bedoui : «je vais transmettre votre requête, on espère que des mesures seront prises à cet effet.» Le ministre de l'Intérieur soulignera à propos du statut de wilaya que «la réorganisation administrative des territoires consiste en un engagement du président de la République pour que les wilayas déléguées deviennent, toutes, des wilayas à part entière, avec toutes les prérogatives, les missions et les prises de décisions, c'est notre objectif.» Il note, cependant, qu' «il faut qu'on s'y prépare du point de vue des institutions, des moyens et des ressources humaines qu'il faut, on est en train de préparer ce dossier au ministère de l'Intérieur et au gouvernement, il faut qu'il soit bien ficelé, une fois toutes les évaluations faites, on présentera ce projet au président de la République.» Il promet que «les wilayas déléguées deviendront wilayas dans un proche avenir.» Le ministre de l'Intérieur promettra aux habitants de Djanet de revenir pour les écouter «durant le mois de Ramadhan ou après l'Aïd.» Bedoui devait rentrer sur Alger «avant 16h» pour pouvoir être présent à la cérémonie de remise des diplômes que le Premier ministre devait présider à l'Ecole nationale d'Administration.