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Grève des résidents: Les hôpitaux tournent au ralenti

par Yazid Alilat

L'appel, largement suivi, du Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) pour la suspension des gardes et le gel du service minimum depuis le 1er mai dernier commence à affecter les établissements hospitaliers du pays. Un personnel médical soignant débordé, des patients à bout de nerfs, des paramédicaux «au four et au moulin» et des structures hospitalières tournant au ralenti, c'est globalement l'image que renvoient les CHU du pays à travers l'absence des médecins et dentistes résidents, qui ont durci leur mouvement de protestation. Hier au CHU Frantz Fanon de Blida, l'absence des blouses blanches était nettement visible, les services tournant au ralenti, avec généralement un interne.

A la polyclinique de Ferroudja, mitoyenne du CHU Frantz Fanon, et qui reçoit le gros des urgences de la ville de Blida, mais également des villes des wilayas limitrophes comme Alger, Tipasa et Médéa, il n'y avait hier samedi qu'un seul interne et un maître assistant pour traiter les cas les plus urgents, alors que tous les services étaient débordés de malades. Des accidentés affalés sur les bancs dans l'attente de passer une radio, des malades du cœur attendant patiemment dans un coin de la salle, des femmes inquiètes des blessures de leurs enfants et un service orthopédie très sollicité. Une infirmière nous dira, à notre question de savoir où sont passés les «résidents», que le service des urgences ne fonctionne qu'avec un seul interne et un maître assistant. En fait, nous avons constaté, au niveau de la grande salle des urgences de la clinique Ferroudja de Blida, que ce sont les infirmiers qui faisaient office de médecins, du moins dans la prise en charge des malades ou des cas d'urgence, et de leur orientation. «Je suis fière de faire ce métier», nous explique une de ces infirmières, légèrement froissée de notre inquiétude devant l'absence des résidents.

Pour autant, l'absence des médecins résidents commence à se faire sentir dans l'un des plus sollicités établissements hospitaliers de la ville de Blida, sinon de toute la wilaya.

Et la grève des médecins résidents ne semble pas trouver de solutions dans l'immédiat. Le ministre de la Santé Mokhtar Hasbellaoui avait appelé vendredi les médecins résidents à la «sagesse» et à la «retenue», tout comme il a regretté leur refus d'assurer le service minimum. Il a également réaffirmé «son engagement et sa disponibilité à la poursuite d'un dialogue responsable, s'agissant de revendications objectives et raisonnables». Pour lui, les médecins résidents en sciences médicales sont des «médecins praticiens en formation post-graduée qui sont astreints à plein temps à participer aux activités de garde d'urgence et de service». Selon lui, le refus des médecins résidents d'assurer le service minimum et les gardes est «en violation totale de tous les textes législatifs et réglementaires et du code de déontologie et de l'éthique médicale en vigueur en la matière».

Le ministère de la Santé, dans une réaction immédiate à l'annonce du Camra qu'il ne va plus assurer les gardes ni observer le service minimum, avait appelé les directeurs d'hôpitaux à procéder aux réquisitions des médecins résidents pour assurer le fonctionnement des services hospitaliers. Mais, le Collectif a répondu qu'en tant qu'étudiants et n'étant pas salariés de la Fonction publique, ils ne sont pas concernés par les dispositions du code du travail. D'où cet appel de vendredi du ministre à la «sagesse» pour que les médecins et dentistes résidents reprennent le travail, car le système des réquisitions est un échec. «Nous, on demande un débat sérieux. On veut une volonté à régler les choses», affirme de son côté le Dr Kellal Nabil, pédiatre au CHU Hassiba Ben Bouali de Blida. Il a expliqué, dans une déclaration au Quotidien d'Oran, que «nous réclamons un peu plus de sérieux de la part du ministère». «Ce qu'on veut, c'est que le débat soit tenu avec les trois ministres, c'est-à-dire celui de la Santé, de la Défense et de l'Enseignement supérieur, car jusqu'à présent le ministre de l'Enseignement supérieur, pour le volet pédagogie de ces discussions, est absent».

Le Dr Kellal a souligné concernant le service militaire que «nous ne demandons qu'à être considérés comme le reste des citoyens. Nous ne demandons pas qu'on soit exempts du Service national, mais que l'on nous traite de la même manière que les autres citoyens». «Quant à la prime pour ceux d'entre nous qui font le service civil, le ministre avait affirmé lors de la première réunion que cette prime sera maintenue après la période du service civil si le médecin reste sur place. Mais, lors de la dernière réunion, il est revenu sur ce qu'il a déclaré et affirmé que l'octroi de cette prime sera supprimé une fois le service civil accompli, même si le médecin décide de rester sur place, dans les régions du Sud ou des Hauts Plateaux. Ce n'est pas nous qui changeons de discours à chaque fois, mais bien le ministère», relève le Dr Kellal, qui rappelle que «nos revendications sont logiques».

Dans son communiqué de vendredi, le ministre avait accusé les médecins résidents de proposer à chaque fois de nouvelles revendications. «Les représentants des praticiens résidents en sciences médicales formulent à chaque réunion de nouvelles revendications irréalistes dont la finalité tend à maintenir la situation actuelle de statu quo», avait précisé le ministre. Les médecins résidents, selon le Dr Kellal, demandent ainsi «un débat, un dialogue, des discussions avec le ministre lui-même, et non pas avec un SG ou un inspecteur au ministère». Il a également affirmé que «pour le service civil, nous n'avons jamais demandé à ce que nos propositions soient appliquées immédiatement, mais selon un calendrier». Le dernier round de discussions avec le ministre de la Santé, le Pr Mokhtar Hasbellaoui, qui a fait d'autres propositions au Camra, dont un aménagement de la durée du service civil et la prise en charge des médecins affectés dans les régions du Sud dans le cadre de ce service civil, n'a pas débouché sur une sortie de crise. Selon le Camra, les propositions faites par le ministère sont en deçà de leurs attentes, en particulier pour le service civil, qu'ils ne veulent pas supprimer, mais aménager selon les spécialités.

Globalement, les propositions du ministère portent sur la réduction à une année du service civil dans le Sud et celle du nombre de spécialités concernées, l'attribution d'un logement et d'une prime de 20.000 à 60.000 DA, ainsi que l'aménagement et l'équipement des plateaux techniques dans les wilayas d'affectation dans le cadre du service civil, le droit au regroupement familial pour les couples de médecins, le droit à un billet d'avion par année vers les wilayas de l'extrême Sud, outre l'autorisation d'exercer une activité complémentaire dans le secteur privé. «Pour nous, ces propositions sont des mesures incomplètes et on veut plus de précisions et d'engagement du ministère», nous a expliqué le Dr Nabil Kellal du CHU Hassiba Ben Bouali.