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Au lendemain de la convocation de son ambassadeur à Alger: Le Maroc maintient ses accusations

par Yazid Alilat

Les effets diplomatiques à l'international qu'a escomptés le Maroc en annonçant, mardi dernier, la rupture de ses relations diplomatiques avec l'Iran, qu'il a accusé de soutenir, via le Hezbollah libanais, le Front Polisario, n'ont visiblement pas été au-delà de ses soutiens traditionnels, les monarchies arabes.

Mardi dernier, Rabat, bousculé selon les observateurs par la dernière résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, lui intimant de reprendre les négociations avec les Sahraouis pour déterminer l'avenir politique du Sahara Occidental, a accusé l'Iran d'armer et de former les combattants sahraouis, à travers le Hezbollah libanais. Une accusation, si elle a été, fermement, démentie par l'Iran, le Front Polisario et le Hezbollah, a été cependant, largement, soutenue, voire défendue par les pays membres du Conseil de coopération du Golfe, la Ligue arabe et même l'Organisation de la Conférence islamique (OCI). L'un des tout premiers pays à réagir à l'annonce du Maroc qu'il avait décidé de rompre ses relations diplomatiques avec Téhéran est le Bahreïn. Dans un tweet, publié quelques minutes après l'annonce de la décision marocaine, le chef de la diplomatie bahreïnienne, Shaikh Bin Mohamed Al Khalifa a indiqué que «nous soutenons le Maroc qui nous a toujours soutenu. Nous appuyons, fermement, sa juste décision de rompre ses relations avec l'Iran suite à son appui aux ennemis du Maroc, en collaboration avec le Hezbollah terroriste.»

Le chef de la diplomatie émirati, Anwar Gargash, a également quelques minutes après le Bahreïn, tweeté son «soutien» au Maroc, et critiqué dans la foulée l'Iran, qui, selon lui «œuvre à déstabiliser la sécurité des pays arabes et islamiques, en attisant les guerres confessionnelles, l'ingérence dans leurs affaires internes et en appuyant le terrorisme. Preuve en est, ce qu'a fait l'Iran avec le royaume du Maroc, à travers le Hezbollah, en entraînant le dénommé groupe Polisario». Dans une déclaration diffusée, mercredi 2 mai, au lendemain de la décision marocaine, une source officielle au ministère saoudien des Affaires étrangères a annoncé son soutien au Maroc, soulignant que «le gouvernement saoudien condamne fermement l'ingérence iranienne dans les affaires intérieures du Maroc via son instrument, la milice terroriste du Hezbollah, qui entraîne les éléments du soi-disant groupe Polisario, en vue de déstabiliser la sécurité et la stabilité du Maroc». Quant au Qatar, il a également et sans surprise exprimé son soutien à la décision diplomatique du Maroc. Dans un communiqué de presse, le Qatar a affirmé «se tenir aux côtés du Maroc pour la préservation de son unité territoriale et la sécurité du pays et des citoyens marocains», et a insisté sur «le respect des principes des relations internationales, notamment la souveraineté de chaque Etat, en veillant à ne pas s'immiscer dans les affaires internes d'autres pays». Une bien singulière position de Doha, qui a été l'année dernière, soutenu par l'Iran lorsqu'il a été mis au banc des pays arabes par l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et d'autres pays arabes, dont l'Egypte, qui l'ont accusé de financement du terrorisme. Paradoxalement, seul l'Iran avait soutenu le Qatar dans cette crise du Golfe.

La Ligue arabe, le CCG, l'OCI, évidemment

Par ailleurs, la Ligue arabe a, également, exprimé par le biais d'un communiqué de son porte-parole, publié jeudi, sa «solidarité» envers le Maroc face aux «interventions dangereuses de l'Iran dans les affaires internes du royaume». Quant au Conseil de Coopération du Golfe (CCG, Arabie saoudite, Oman, Koweït, Bahreïn, des Emirats arabes unis et Qatar), il a annoncé, mercredi, son soutien total et ferme» au Maroc, et affirmé qu'il appuie «toutes initiatives entreprises par le royaume pour consolider sa souveraineté et unité territoriale». Le CCG a, dans la foulée, condamné «les ingérences iraniennes dans les affaires intérieures du royaume du Maroc, via le soutien militaire apporté par l'Iran, au dénommé Polisario.» Même réaction de l'Organisation de la Coopération islamique, qui a appelé, mercredi, «au respect du principe de non-ingérence dans les affaires des États membres». L'Algérie, qui avait de son côté convoqué mercredi dernier, l'ambassadeur du Maroc, à Alger, pour lui faire part «du rejet par les autorités algériennes des propos totalement infondés mettant, indirectement, en cause l'Algérie», avait qualifié les accusations du ministre marocain des Affaires étrangères de totalement «infondées».

En réaction à la convocation de son ambassadeur à Alger, le ministère des Affaires étrangères marocain a maintenu publiquement, ses accusations contre l'Algérie, et souligné, par le biais de son porte-parole, que «le Maroc comprend l'embarras de l'Algérie, son besoin d'exprimer sa solidarité avec ses alliés du Hezbollah, de l'Iran et du Polisario, et sa tentative de nier son rôle occulte dans cette action contre la sécurité nationale du royaume». «Le Maroc dispose de données précises, de preuves tangibles, concernant le soutien politique, médiatique et militaire du Hezbollah au Polisario, en connivence avec l'Iran», ajoute-t-il, avant d'ajouter que «quand il s'agit du rôle de l'Algérie dans l'affaire du Sahara Occidental et de son soutien flagrant au Polisario, le Maroc n'a pas besoin d'insinuer l'implication de ce pays, ni de le «mettre en cause indirectement». Sauf que l'Iran et le Hezbollah libanais avaient, totalement, réfuté les accusations du Maroc, estimant qu'il fait le jeu des Etats-Unis, de l'Arabie Saoudite et d'Israël. Le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita, avait, mardi dernier, lors d'une conférence de presse «présenté des preuves irréfutables et détaillées sur le rôle du Hezbollah, avec l'implication de l'ambassade iranienne, à Alger, dans des actions de formation militaire, de livraison d'armes et d'entraînement à des opérations de guérillas urbaines». Ce que n'a pas manqué de rejeter l'ambassade iranienne, à Alger, qui a nié avoir un lien avec les activités du Polisario, dans un communiqué publié par l'Agence de presse iranienne IRNA. L'Iran avait officiellement rejeté, mercredi, les accusations de la diplomatie marocaine, qui «sont fausses». Le ministère des Affaires étrangères iranien avait souligné que «les remarques attribuées au ministre des Affaires étrangères marocain (Nasser Bourita) sur une coopération entre un diplomate iranien et le Front Polisario sont mensongères», ajoutant que «l'Iran dément fermement ces accusations et déplore qu'elles servent de prétexte à une rupture diplomatique».

Enfin, le Front Polisario avait qualifié de «grand mensonge» l'affirmation du Maroc selon laquelle le Front entretient des relations, dans le domaine militaire, avec l'Iran, et a mis au défi Rabat de présenter des preuves de ses «fausses allégations». «En réalité, l'objectif final de ces allégations marocaines est de se protéger des retombées de la décision du Conseil de sécurité, adoptée récemment et portant prorogation du mandat de la mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum sur l'autodétermination (Minurso) de six mois, et qui est telle une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête du Maroc pour l'amener à avancer dans le processus de négociations», a expliqué le représentant du Front Polisario, en France, Bachir Oubi Bouchraya.