Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Constantine - Exploitations agricoles: Les travailleurs s'opposent à la « Charte sociétaire »

par A. Mallem

Dans la région Est du pays, le monde agricole a réservé un accueil hostile à la charte sur le partenariat sociétaire signée le 23 décembre 2017 entre le gouvernement, l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) et le patronat.

Cette charte, selon ses concepteurs, constitue une plateforme socio-économique destinée à la relance du secteur économique dans son ensemble.

Au moyen de cette charte, les partenaires réunis dans la tripartite s'engagent à développer et accompagner le partenariat entre les détenteurs de capitaux privés et les entreprises nationales publiques dans le strict respect de la règle 66-34%. Autrement dit, avec 66% des parts, le nouveau partenaire sera majoritaire dans l'entreprise et l'Etat, le propriétaire actuel de l'entreprise, ne détiendra que 34%. Le document signé par les membres de la tripartite est présenté comme une opportunité pour développer la compétitivité des entreprises nationales. Mais là où le bât blesse est que cette nouvelle donne n'a pas été explicitée aux travailleurs du secteur agricole qui disent tout ignorer sur ses tenants et ses aboutissants.

«Les arguments présentés dans cette charte restent à démontrer sur le terrain, a lancé hier le secrétaire général de la section syndicale d'une exploitation agricole de Ksar Sbahi, dans la wilaya d'Oum El-Bouaghi, qui participait à une réunion qui a rassemblé les représentants de 16 grosses exploitations agricoles publiques de quatre wilayas de l'Est au siège de l'Union locale UGTA d'El-Khroub. Ces syndicalistes structurés au sein de l'UGTA et de l'UNPA, venus des wilayas de Bordj Bou Arréridj, d'Oum El-Bouaghi, de Mila et de Constantine, ont rejeté à l'unanimité, moins une voix qui s?est abstenue, «la nouvelle règle du jeu qu'on cherche à appliquer dans les exploitations agricoles, c'est une décision gouvernementale qui a été prise sans nous, a jouté M. Trad Amar, et elle est rejetée par l'ensemble des travailleurs agricoles, pas uniquement de notre région mais aussi des autres régions du pays», a-t-il affirmé.

«Quelles sont les garanties de préservation de nos intérêts ? Pourquoi on nous cache le cahier des charges ? Ajoutons encore que rien ne nous garantit que le partenaire qui entre dans le capital de l'entreprise avec 66% ne va pas, du jour au lendemain, renvoyer les travailleurs ou en diminuer considérablement le nombre.

En somme, a-t-il conclu, tout n'est pas clair dans cette charte. Nous nous demandons même quelle est son utilité du moment que nos exploitations marchent bien, que nous percevons régulièrement nos salaires et qu'elles sont bénéficiaires». Son collègue d'une exploitation agricole de Bordj Bou Arréridj intervient à son tour pour dire: «Nous refusons ce partenariat parce que nous avons eu connaissance d'un exemple vivant de sa mise en œuvre. Cela s'est déroulé dans une exploitation agricole de Oued Endja, dans la wilaya de Mila. Aussitôt en place, le nouveau partenaire a commencé par réduire le nombre des travailleurs de l'exploitation de 40 à 7 travailleurs. Et ce sans qu'il soit inquiété par la loi. Ce qui montre bien l'absence de tout texte réglementaire protégeant le partenaire social. Nous demandons une loi pour protéger les travailleurs des exploitations agricoles». Un troisième syndicaliste, qui s'est exprimé et a donné son avis sur la charte, est remonté très loin dans l'histoire pour dire qu'il s'agit là d'un retour en arrière, vers le système féodal qui existait dans le monde agricole durant la période coloniale. «On veut vendre les exploitations agricoles et nous avec. Bientôt, nous serons destinés à devenir des Khemmas !», a-t-il estimé.