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Selon les résidents: La nouvelle loi va pénaliser le médecin et le malade

par Yazid Alilat

La nouvelle loi sur la Santé a été adoptée lundi 30 avril en début de soirée à la majorité, consacrant dans les faits un texte controversé et dénoncé, autant par des partis politiques que par des professionnels. Le ministre de la Santé, le Pr Mokhtar Hasbellaoui a indiqué dans une déclaration à la presse que ?'cette loi consacre le principe de la gratuité des soins pour tous les malades. Elle consacre également le médecin généraliste en tant que médecin référent'', a-t-il ajouté. Pourtant, ce texte de loi a donné lieu à des débats houleux lors de son examen par les députés, et a même fait réagir la corporation des pharmaciens d'officine avec un article, par la suite supprimé, qui menaçait directement le métier de la vente et la distribution du médicament. Le projet de loi de santé a été largement remanié par la commission de santé de l'Assemblée populaire nationale. Plusieurs partis d'opposition, dont le PT et le FFS avaient demandé le retrait de ce texte, qui a été voté par les partis du FLN, le RND, TAJ et le MPA, ainsi que des députés indépendants. L'adoption de la nouvelle loi sanitaire intervient cependant dans un contexte de crise ouverte au sein du secteur, avec le durcissement du mouvement de revendication des médecins résidents, qui avaient espéré au moins un réaménagement du service civil, une de leurs principales revendications, dans cette loi. Le Dr Taileb, porte-parole du Collectif autonome des médecins résidents algériens (CAMRA) a estimé, dans une déclaration au Le Quotidien d'Oran que ?'(cette loi), on l'a toujours dénoncée, tout comme les syndicats indépendants et les partis d'opposition.'' ?'Ce qui nous dérange dans cette loi, c'est qu'il n'y a pas eu de changement vis à vis du service civil, car c'est une politique qui a montré ses limites après 34 ans'', explique-t-il, estimant que ?'cette politique du service civil a échoué, et il fallait un changement.'' ?'Il y a des points positifs, dit-il, dont le médecin biologiste, mais cela est conditionné par des textes réglementaires. Mais, globalement, cette loi rogne sur le secteur public et la gratuité des soins.'' Selon le Dr Taileb, ?'cette loi donne plus de pouvoir au secteur privé, et aux administrateurs, et pénalise le médecin dans son travail. ?' Pire, ?'dans cette loi, il y a une dizaine d'articles qui portent sur la responsabilité pénale du médecin, et donc pour nous c'est un code pénal bis''. ?'C'est pourquoi, regrette-t-il, le médecin ne prend plus de risques, alors que le secteur privé a toujours une arrière pensée, comme protéger ses investissements, et donc, lui il ne prend pas de risques et les maladies lourdes sont donc orientées vers le secteur public, et quel secteur public, un secteur où rien ne va. ?' Pour le Dr Taileb, dont l'organisation est entrée dans son 5ème mois de grève à l'appui de revendications socio-professionnelles et pédagogiques, dont le réaménagement du service civil et un statut particulier pour les médecins et dentistes résidents, ?'ce seront les patients qui vont payer le prix de cet échec'' de la politique sanitaire dans le pays. Mais, précise-t-il, ?'il y a cependant deux points positifs dans cette loi sur la santé, celui du dossier électronique du malade et le médecin référent''. ?'Nous œuvrons, a-t-il dit, pour que le secteur de la Santé soit à la hauteur, mais on ne voit pas les résultats en dépit des équipements modernes mis en place dans les CHU.'' ?'La situation actuelle dans les hôpitaux, pour être plus précis, fait qu'un malade qui risque un AVC ou une hypoglycémie, fait la chaine dans les services au même titre que celui qui a un petit bouton. J'ai vu mourir devant moi des cardiaques'', déplore t-il.

A Blida par ailleurs, un médecin résident, le Dr Nabil Kellal, a estimé que le texte de la nouvelle loi sanitaire est ?'pour nous porteur de plusieurs anomalies, notamment le maintien du service civil tel qu'il est pratiqué depuis les années 1980''. ?''Cette loi sanitaire est également très coercitive et peut être considérée comme un code pénal bis, car plusieurs de ses articles sanctionnent pénalement toute transformation dans un patient, notamment après une opération chirurgicale, par des poursuites judiciaires''. ?'Quand on intervient sur un patient, on est obligé de couper, de coudre, de changer l'état du corps du patient, et là, le médecin s'expose à des poursuites judiciaires. Tout cela n'est pas clair''. Et donc le médecin ne va prendre aucun risque.''

Le Camra observe depuis le 29 avril dernier un arrêt des gardes et de l'activité médicale, après l'intervention musclée de la police la semaine dernière pour empêcher un sit-in organisé à Alger. La réponse du ministère a été de procéder par réquisitions des médecins résidents, pour empêcher la paralysie des services et partant des hôpitaux. Le Camra a répliqué que les résidents ne peuvent faire l'objet de réquisitions, étant encore des ?'étudiants''. Le durcissement de la position des médecins résidents a provoqué une légère panique au sein du ministère, qui a appelé à une réunion d'urgence avec le Camra dimanche, mais sans envoyer ni l'ordre du jour, ni la liste des participants à cette réunion, convoquée par un simple coup de téléphone du principal négociateur du ministère, M. Omar Beredjouane, l'inspecteur principal du ministère. Ce qui a motivé, selon un communiqué du Camra, leur refus d'assister à cette réunion. Globalement, les revendications du Camra portent sur le service civil, son réaménagement et non sa suppression, un statut pour les résidents, le logement, la dispense du service militaire pour ceux ayant plus de 30 ans tout comme le reste des citoyens, un plateau technique dans les zones d'affectation dans les zones du sud du pays.