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Revendiqué par Daech: Près de 60 morts dans un attentat anti-électoral à Kaboul

par Emal Haidary (Afp)

Près de 60 civils ont été tués et 112 blessés dimanche à Kaboul dans un attentat-suicide revendiqué par le groupe Etat islamique (EI/Daech) contre un centre d'enregistrement pour les élections législatives, validant les craintes de violences à l'occasion du scrutin prévu en octobre.

Un kamikaze s'est fait exploser parmi une foule dense à l'entrée du centre où les électeurs récupèrent leur pièce d'identité avant de s'inscrire sur les registres électoraux.

Ce bilan, qui compte des femmes et des enfants selon la police, a été confirmé par les ministères de la Santé et de l'Intérieur. «Nous savons maintenant que le gouvernement est incapable de nous protéger», hurle un homme, Akbar, face au désastre, insultant crument le président Ashraf Ghani, avant d'être coupé par la télévision (privée) Tolo News. «Mort au gouvernement», «Mort aux talibans«, crie la foule autour de lui, désignant les papiers et photos d'identité ensanglantés sur le sol.

Cependant les talibans ont fait savoir rapidement via leur porte-parole, Zabihullah Mujahid, que «nos Moudjahidines n'ont rien à voir avec l'attaque d'aujourd'hui», rejetant implicitement la responsabilité sur l'organisation Etat islamique (EI/Daech) qui a revendiqué l'attaque via son organe de propagande, Amaq. L'attentat s'est produit dans la matinée dans un quartier majoritairement chiite de l'ouest de Kaboul, Dasht-e-Barchi, minorité régulièrement visée par l'EI. «Les gens étaient rassemblés pour récupérer leur tazkira (carte d'identité), l'explosion s'est produite à l'entrée. C'était un kamikaze», a déclaré le chef de la police de Kaboul, Dawood Amin. Selon le porte-parole de l'Intérieur Najib Danish, «le kamikaze est arrivé à pied et a déclenché sa charge au milieu de la foule» provoquant d'important dégâts. Il s'agit du premier attentat à Kaboul contre un centre préparant les listes électorales en vue des législatives du 20 octobre, depuis le début des inscriptions le 14 avril. Mais deux autres centres d'inscriptions ont été pris pour cible en province au cours de la semaine écoulée.

«Plus personne n'ira voter»

Vendredi, une roquette en a frappé un dans la province de Badghis (nord), faisant un mort et un blessé parmi les policiers qui le gardaient, selon le vice-gouverneur provincial, Faiz Mohammad Moizada joint par l'AFP qui a accusé les talibans. Mardi, trois employés de la commission électorale (IEC) et deux policiers avaient été enlevés dans la province de Ghor (centre) et libérés 48 heures plus tard après intervention des anciens.

Là encore les responsables locaux avaient accusé les talibans. Violence et attentats sont les principaux obstacles au bon déroulement des élections, admet la Commission électorale indépendante (IEC) qui a ouvert les centres d'inscriptions dans les écoles et les mosquées principalement. Tous gardés par des policiers qui fouillent les électeurs à l'entrée. «Notre patience est à bout, ce gouvernement est responsable de ces vies perdues, plus personne n'ira voter désormais», s'énerve Hussain, 34 ans, qui veille son cousin blessé à l'hôpital Istiqlal. Cinquante blessés, tous membres de la minorité Hazara chiite, ont été acheminés dans cet établissement où les lits sont tous pleins et l'odeur de sang tenace dans les couloirs, a rapporté un journaliste de l'AFP. «On était 200 environ à faire la queue pour obtenir notre tazkira», se souvient Ali Rasuli, 29 ans, atteint aux jambes et à la poitrine.

«Bien sûr, l'insécurité est notre premier défi et notre inquiétude majeure, surtout dans les campagnes«, avouait récemment à l'AFP le président de l'IEC, le Dr Abdul Baie Sayad, lui-même menacé. Ces législatives sont les premières depuis 2010 et ce scrutin, le premier depuis la présidentielle de 2014.

Enthousiasme mesuré

Beaucoup d'Afghans souhaitent se débarrasser d'un Parlement (249 députés) jugé paresseux et corrompu, dont le mandat a expiré depuis trois ans. Mais ils redoutent plus encore un scrutin pour rien, confisqué par la fraude et qui les exposera à un regain de violence. Face à l'enthousiasme mesuré de ses compatriotes, le président Ashraf Ghani a ordonné jeudi aux gouverneurs des 34 provinces d'accélérer le processus d'enregistrement. Il a aussi ordonné aux fonctionnaires de s'inscrire avec leurs familles, et aux mollahs de sensibiliser la population.

L'attentat a été condamné par l'Ambassade américaine à Kaboul et les responsables américains de l'opération Resolute Support de l'Otan, qui appuient fortement la tenue du scrutin, préalable à la présidentielle de 2019. Le dernier attentat en date - revendiqué par l'EI - contre la capitale afghane au Premier jour du nouvel an perse, le 21 mars, avait fait plus d'une trentaine de morts et au moins 70 blessés.