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Attendus pour le Ramadhan en France: Des imams algériens et marocains créent la polémique

par Moncef Wafi

Alors que la pratique n'est pas nouvelle, la venue de quelque 300 imams notamment algériens et marocains en France à l'occasion du Ramadhan, nourrit bien des polémiques politiciennes.

A l'heure où la France vient d'expulser officiellement vers l'Algérie, El-Hadi Doudi, imam salafiste bien connu de Marseille pour radicalisation, des voix s'élèvent aussi bien du camp de la droite plurielle et jusque dans la gauche laïque. En mars dernier, selon l'AFP, Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, a assuré que les autorités étaient «très attentives» à la venue de ce contingent religieux, et que les imams venant pour la circonstance faisaient l'objet d'un «criblage» par les services de police pour vérifier que leur séjour ne fera courir aucun risque à l'ordre public. Pour la sénatrice UDI (centre-droit), Nathalie Goulet, auteure d'un rapport sur l'organisation de l'islam en France, «le ramadan est un moment très particulier, où l'on peut avoir les prêches les plus républicains comme les moins républicains», pêchant dans l'amalgame en s'interrogeant sur la manière de contrôler ces imams qui «viennent avec des visas touristiques», jugeant le dispositif «pas raisonnable» compte tenu des «risques qui pèsent sur la société française». Après l'accueil d'une centaine d'imams algériens, fin mars, à la Grande mosquée de Paris, l'ancienne Secrétaire d'État sous Nicolas Sarkozy, Jeannette Bougrab, s'était offusquée de ces arrivées, dans un entretien publié le 29 mars dernier dans les colonnes du Figaro. «Organiser la venue d'imams étrangers en France est une hérésie», dira-t-elle, estimant que la radicalisation est toujours présente en Algérie et dénonçant «l'idéalisation» que fait l'État français de son voisin méditerranéen. La France «se tourne vers l'expérience algérienne qui forme de bons imams», se félicitait alors Mohamed Aissa, le ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, à l'issue de sa rencontre, le 15 mars dernier à Alger, avec le ministre français de l'Intérieur, Gérard Collomb. Le géopolitologue Alexandre Del Valle soutient, lui, l'idée qu'«un des pôles les plus modérés de l'islam de France est depuis longtemps l'islam algérien de la Grande mosquée de Paris». De son côté, Valérie Pécresse, la présidente des Républicains de la région Île-de-France, s'est positionnée en faveur d'une «généralisation de la formation des imams à court terme». Elle préconisera la formation de «tous les imams étrangers qui sont en France aujourd'hui aux valeurs et aux lois de la République et ils doivent ensuite les respecter dans leurs prêches», à commencer par «l'égalité femme-homme». En septembre 2016, Mohamed Aïssa avait demandé aux 61 imams et mourchidate devant représenter l'Algérie en France à rétablir la véritable image de l'Islam. Ses représentants du culte devaient bénéficier d'une formation au niveau de 15 universités françaises pour suivre des cours d'histoire des religions et de la laïcité, sur les principes fondamentaux du droit ou encore sur la manière de créer et de gérer une association cultuelle. Le ministre a aussi souligné la confiance de la partie française de l'exemple algérien en matière de déradicalisation. Ce débat est surtout celui d'un islam de France, grand chantier lancé par l'ancien Premier ministre français Valls qui avait publiquement exprimé son désir de voir former les imams en Hexagone, et nulle part ailleurs. En effet, la majorité des imams en activité en France sont formés à l'étranger, Algérie, Maroc ou Turquie, à l'exception d'une poignée qui ont suivi leur cursus dans des instituts français réputés proches des Frères musulmans ou d'Alger.

Rappelons qu'une convention avait été signée en décembre 2014 entre Alger et Paris pour renforcer la formation au droit, à l'histoire et à la langue française des imams algériens envoyés pour officier dans les mosquées de France. Rappelons que le nombre d'imams en France - souvent bénévoles, voire itinérants- officiant dans les 2.500 lieux de culte musulmans n'est pas précisément connu, mais il est jugé suffisamment insuffisant au moment du Ramadhan. Pour faire face aux attentes des fidèles, des psalmodieurs ou récitateurs sont accueillis pendant le mois de carême, en provenance notamment d'Algérie et du Maroc. «Entre 250 et 300» d'entre eux sont attendus en France, «tous sous visa d'un mois», précise à l'AFP une source proche du dossier. Ils s'ajoutent aux 300 «imams détachés» en permanence par la Turquie (150 environ), l'Algérie (120) et le Maroc (une trentaine).