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Exportations de blé: La France craint de perdre le marché algérien

par R. N.

  La France peine à reconquérir le terrain perdu en Afrique face au blé russe, moins cher et dont les caractéristiques plaisent aux meuniers africains, indique l'AFP. «Après la mauvaise récolte de blé français en 2016, le blé russe a eu l'opportunité de rentrer dans notre marché. On l'a essayé, on a trouvé qu'il entrait dans notre cahier des charges. Depuis, on travaille à 100% avec du blé russe», a témoigné Imad Talil, du groupe sénégalais Olam, lors d'un récent colloque organisé par France Export céréales à Paris. Lors de cette rencontre, les acheteurs de blé du Sénégal, du Maroc et du Cameroun ont expliqué pourquoi le blé russe a finalement gagné leurs faveurs, notamment grâce à son taux de protéines. Et lorsqu'on évoque un risque d'entrée des blés russes en Algérie, premier débouché de la France hors de l'Europe, une voix s'élève dans le public pour dire: «la question n'est pas si, mais quand.»

L'organisme FranceAgriMer estime à 6 millions de tonnes (Mt) la quantité de blé français écoulée dans les pays hors Europe, essentiellement en Afrique, contre près de 10 Mt il y a deux ans, année certes record en termes de production. «Le meunier, s'il a un blé de base de départ dans sa recette bien protéiné, il n'a pas besoin d'aller racheter sur le marché des blés améliorants qui coûtent extrêmement cher - trois fois le prix à peu près», explique à l'AFP un courtier sous couvert d'anonymat. Les blés de Russie «sont 30% moins chers que les nôtres», a expliqué Pierre Duclos, de France Export céréales, pointant du doigt des «problèmes structurels», liés notamment à «un taux de mécanisation à la tonne produite plus important que chez nos concurrents». Autre faiblesse structurelle, selon lui: la taille moyenne des exploitations françaises, autour de 150 hectares, face à des exploitations russes qui atteignent souvent 1.000, voire 2.000 hectares. «On a souhaité garder en France une agriculture familiale. Ça a toute sa vertu, bien évidemment, mais cela ne porte pas bénéfice à la capacité concurrentielle que nous devons avoir pour être en phase avec notre concurrent», a estimé M. Duclos.

Algérie : Cahier des charges non compatible avec le blé russe

Mais, selon Sébastien Abis, chercheur associé à l'Iris, spécialiste des matières premières agricoles, cité par l'AFP, «il faut relativiser l'histoire d'inquiétude ou de déclin de la France sur ces marchés». «La France reste autour de la Méditerranée l'une des nations qui contribuent aux équilibres alimentaires et céréaliers de ces pays fortement dépendants des marchés internationaux». Il rappelle que l'ensemble de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient représente 4% de la population mondiale, mais près de «35% de l'importation mondiale de blé».

En Algérie, «à ce stade, le cahier des charges proposé par les autorités n'est pas compatible avec l'origine russe, notamment pour ses grains punaisés», rappelle M. Abis. Il note toutefois que les céréales «font partie des atouts majeurs que la Russie positionne dans sa politique étrangère». »La dimension politique de l'agriculture ne semble pas aussi prégnante dans l'esprit des instances régaliennes françaises qu'elle ne l'est chez nos voisins russes», regrette M. Duclos. Il estime, à propos notamment de l'Algérie, que «la qualité des blés russes, s'améliorant d'année en année, ouvre le champ des possibilités sur des marchés qui étaient jusqu'à présent réservés à des origines franco-européennes».