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Tourisme saharien: Qui a raison, Zonga ou Ouyahia ?

par Ghania Oukazi

Les récents propos du 1er ministre sur le tourisme dans le sud algérien ne sont pas pour encourager les promoteurs locaux qui se démènent depuis de longues années pour relancer ce secteur.

Aux agences du tourisme dans le Sud, Ahmed Ouyahia a lancé samedi dernier que «dans cette conjoncture, une seule opération de prise d'otages étrangers cassera 20 ans de travail sécuritaire ! » Il l'a fait lors de la conférence de presse qu'il a animée au CIC Abdelatif Rahal de Club des Pins. Le 1er ministre avait évoqué ce secteur lorsqu'il avait abordé la situation sécuritaire du pays. «(?), la reconnaissance de nos partenaires internationaux à propos de notre maîtrise de la situation sécuritaire interne, notre savoir faire en matière de lutte antiterroriste grâce à nos services de sécurité et à notre armée, grâce à la concorde et la réconciliation décidées par le chef de l'Etat, nous fait plaisir, mais demandons-nous à contrario quel en est le coût ?, a-t-il interrogé. Il a affirmé alors que «c'est une lourde facture, c'est un combat terrible, la bataille continue à ce jour, tout autant que la vigilance, au Sud, des milliers de militaires sont déployés, si nous avons gagné la bataille à l'intérieur, nous sommes au niveau d'un volcan à nos frontières (?), les quantités hebdomadaires d'armes interceptées par l'ANP aux frontières sud du pays sont énormes? ». Le tableau dressé par Ouyahia n'a rien de rassurant. La détérioration des conditions sécuritaires dans les pays limitrophes au sud de l'Algérie le confirme largement. En effet, depuis que le terrorisme et les interventions militaires de va-t-en-guerre français et américains ont embrasé la bande sahélo-sahélienne, le tourisme dans le sud algérien peine à se (re) structurer.

Il faut reconnaître que les tragiques années 90 vécues par l'Algérie l'avaient déjà mis en berne. Ni les touristes nationaux, encore moins étrangers ne se déplaçaient dans ces régions du sud qui ont été pourtant plus ou moins épargnées par le terrorisme. Mais au début des années 2000, le tourisme avait quelque peu repris avec l'arrivée de petits groupes d'étrangers mais surtout avec les nationaux qui étaient nombreux à passer les fêtes de fin d'année notamment dans les grands sites sahariens.

Un forum international pour contrer le chaos au Sahel

Lors de la conférence de presse qu'il a animée la semaine dernière au nom du forum Atakor, le patron de l'agence Akar Akar l'avait bien affirmé. «Nous sommes passés de 40 000 (2000-2010) à 0 touriste par saison,(?), cela n'a pas été facile à vivre d'autant qu'une population entière qui avait comme seule ressource le tourisme s'est vue contrainte d'abandonner cette activité depuis l'interdiction d'accès aux touristes étrangers.» Mohamed Zonga avait souligné que «nous avons juste besoin de mettre en place une meilleure coordination entre les agences de voyage et les corps de sécurité pour améliorer la prestation et assurer une grande sécurité à nos touristes étrangers.» L'animateur du forum Atakor était venu à Alger pour annoncer l'organisation du 18 au 21 avril, d'un « Forum International pour la Promotion de la Culture et du Tourisme sahariens » dans la capitale de l'Ahaggar, Tamanrasset. Zonga avait mis en avant « la sécurité totale dans le Hoggar » en soutenant surtout que «les frontières sont bien gardées ». Il avait aussi noté qu'il a relevé « une nette amélioration dans l'octroi des visas aux touristes étrangers». Soit Zonga n'est au courant de rien, soit Ouyahia veut absolument confirmer qu'il est un rabat-joie. L'on sait pertinemment que l'Algérie donne ses visas au compte-goutte à toutes les catégories de personnes étrangères. Elle filtre même quand il s'agit de demandes issues de milieux économiques et d'affaires. Les missions diplomatiques accréditées en Algérie en particulier celles de la rive nord de la Méditerranée (France en tête), ont toujours revendiqué la réciprocité dans ce dossier. Mais Alger tient à sa fermeté dans son traitement. C'est peut-être à ce niveau que les propos du 1er ministre sur « les prises d'otages d'étrangers» pourraient être justifiés. Il est évident que l'Algérie refuse de vivre des drames aussi durs.

La vie est plus forte que la mort?

Les autorités pensent sans nul doute que toutes les précautions doivent être prises pour éviter des prises d'otages. Le coup est fatal pour la crédibilité d'un Etat, en particulier celui algérien sur lequel tous les regards sont braqués. Le 1er ministre l'a bien souligné: «nous sommes au niveau d'un volcan à nos frontières.» Entourée par de grands conflits, l'Algérie tente avec tous les moyens qu'elle a en sa possession, de préserver une stabilité, une paix et une sécurité restaurées par le sang et les larmes de son peuple. L'affaire de la base de Tiguentourine (In Amenas) a été un test très dur pour ses dirigeants et pour ses services de sécurité. Suivie de très près par les pays occidentaux, ce qui s'était passé dans ces lieux lointains mais combien stratégiques a permis à l'Algérie de faire preuve plus que jamais de sang-froid et d'audace pour empêcher les terroristes de s'enfuir avec des otages étrangers?. Reste que dans des pays occidentaux puissants, des prises d'otages ont eu lieu dans des écoles primaires de grandes villes ou dans des jardins publics. Mais aucun organisme international ne leur a infligé la mauvaise note qui découragerait ceux qui voudraient leur rendre visite. L'Algérie est devenue, ces dernières années, un cas très particulier. Un pays qu'on tient à l'œil pour ses positions politiques, sa fermeté à ne pas céder aux pressions des pays puissants qui veulent l'obliger à faire entrer son armée en Libye ou au Mali pour nettoyer les conséquences de leurs sales missions d'interventionnistes. Vu sous cet angle, Ouyahia a raison de refuser de provoquer le diable et de vouloir éviter le pire.

Mais Zonga a tout aussi raison de vouloir donner vie à des régions qui pâtissent des retombées de ce désordre programmé dans les pays limitrophes. «Le Hoggar constitue le foyer qui a donné naissance au tourisme saharien, » a-t-il lancé lors de la sa conférence de presse même s'il sait que le Sud manque terriblement d'infrastructures hôtelières et que pour bivouaquer, les espaces choisis par les agences sont dépourvus de moyens matériels, d'eau et donc d'hygiène? Avec tout ça, il faut reconnaître au Forum Atakor (le nom d'une montagne commune entre l'Algérie et le Niger) qu'il doit certainement garder en tête que la vie est (et doit être) plus forte que la mort?