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2019 : un cinquième mandat ou un nouveau président pour l'Algérie ? Un choix échu à la nation et à l'histoire (Suite et fin)

par Medjdoub Hamed*

D'autant plus que, si on regarde les quatre années passées de ce quatrième mandat, elles se sont déroulées sans problèmes majeurs pour l'Algérie et son peuple. Par comparaison, voir ce qui se passe à ses frontières et au-delà de ses frontières. L'Algérie est devenue un îlot pour ainsi dire de tranquillité alors que le monde arabe est en pleine déliquescence. N'est-ce pas déjà une chance que l'Algérie soit préservée des dérives des guerres hégémoniques des puissances qui ont transformé le Proche- et le Moyen-Orient et une grande partie de l'Afrique du Nord en zone de confrontation ? Et qui paie la facture ?

Si ce ne sont les Syriens, Yéménites, Libyens... qui ont éclaté, abandonnant biens et maisons, se trouvant à errer à travers le monde, à chercher refuge contre la destruction et la mort. Et ce n'est pas tous qui ont échappé, une partie des populations se trouve prisonnière dans des enclaves tenues par la rébellion, et bombardées quotidiennement par l'aviation de la coalition internationale ou des régimes loyalistes.

Aussi peut-on dire, le président de la République, même malade, handicapé par la maladie, n'a-t-il pas renforcé la stabilité de la nation ? N'a-t-il pas rendu la lutte d'appareils de l'État ou de l'opposition pour l'après-Bouteflika sourde puisque le timonier est toujours là, à la tête de l'État. Le problème n'est pas d'aimer ou de ne pas aimer l'homme qu'était le président, ensuite devenu malade. Ou d'être pour ou non pour un quatrième, cinquième ou sixième mandat...mais de comprendre l'histoire. Non celle de l'homme, mais des forces de l'histoire d'un peuple, des peuples. Un peuple n'évolue pas en vase clos, il est lié aux autres peuples, il est traversé par des forces historiques centrifuges qui lui viennent de l'extérieur, comme lui-même influe sur l'extérieur. Les pays démocratiques riches n'influent-ils pas les pays non démocratiques, pauvres, par des guerres ? L'Occident démocratique riche ne mène-t-il pas des guerres pour le pétrole dans les pays arabes, et donc pour ses intérêts géostratégiques vitaux ?

La Russie ne vienne-t-elle pas aider ses alliés arabes militairement contre la rébellion syrienne, irakienne libre, ou islamiste soutenue par les États-Unis, l'Europe et les pays monarchistes arabes ? Elle aussi pour ses intérêts géostratégiques vitaux, à l'instar de l'Occident.

Il faut dire une vérité que «rien ne vient au hasard, tout est rationnel dans l'histoire». Il y a réellement une raison dans l'histoire.

Et dans le choix des hommes à la magistrature suprême, quel que soit le pays considéré, l'Algérie, la France, l'Allemagne, les États-Unis, la Chine ou le Zimbabwe ; il existe bel et bien une juxtaposition de la nation et de l'histoire». Un processus historique qui n'est pas très perceptible mais ne peut être appréhendé qu'en se transcendant. Aller au-delà de l'histoire apparente, de l'histoire immédiate, «c'est aller vers la raison de l'histoire».

La posture du monde arabe sur le plan intérieur et extérieur

Dans le jeu de la course au pouvoir qui anime la scène politique algérienne, on constate bien une certaine morosité, voire même une démobilisation tant la situation est confuse, et la méfiance de l'opposition qui craint d'être le dindon de la farce dans ce que projette le pouvoir est tout à fait légitime. Avec leurs multiples déconvenues passées, on ne peut que leur donner raison. Mais que faire ? Le système politique algérien, à l'instar des systèmes autoritaires politiques arabes, est ainsi fait. Y a-t-il une crise politique au sommet ? Non, le président  Bouteflika a encore une année pour son quatrième mandat, et aucun événement ne le fait croire.

Certes, il y a une crise économique, le prix du pétrole a fortement baissé depuis quatre ans, ce qui a engendré une prise de mesures d'austérité nécessaires qui, il fallait s'y attendre, ont suscité des problèmes socioéconomiques au sein de la nation, telles les grèves dans l'enseignement et la santé. Mais, au-delà, le rendez-vous pour les élections présidentielles en avril 2019 reste total et très attendu. Qu'en sera ce rendez-vous à une année des élections présidentielles ? Il y a effectivement des parties au pouvoir qui s'agitent, qui préparent soit l'après-Bouteflika, soit que le président rempile pour un cinquième mandat. Et, paradoxalement, c'est le silence radio, aucun élément ne filtre qui puisse éclairer sur les événements à venir, sinon le dernier message du président à la nation, à l'occasion de la célébration de la journée du 19 Mars, fête de la victoire du peuple algérien sur le colonialisme au prix d'un million et demi de morts.

Enfin un autre élément, celui-ci est de taille, ce sont les systèmes politiques qui régissent les pays arabes. Ces systèmes politiques sont-ils démocratiques ? La démocratisation est très récente, elle le doit à l'avènement du Printemps arabe de 2011. La démocratisation a-t-elle affecté les régimes politiques autoritaires arabes ? La réponse parle d'elle-même, les sept ans qui ont suivi le Printemps arabe sont très insuffisants pour insuffler une démocratisation réelle des pays arabes. D'autant plus que l'Occident est lui-même un obstacle à la démocratisation du monde arabe.

Il instrumentalise la démocratisation pour arriver à ses fins géostratégiques -endiguer les avancées de la Chine et de la Russie sur la région pétrolière la plus importante du monde. Partout des guerres et des conflits armés fratricides dans le monde arabe, l'objectif est la mainmise sur les grands gisements de pétrole que recèlent les sous-sols des territoires arabes. Tandis qu'Israël, surarmé, soutenu contre vents et marées, est pour ainsi dire absous de tous les crimes contre l'humanité qu'il commet sur le peuple palestinien.

Cette situation amène les pays arabes à opposer un pouvoir politique fort pour s'opposer à l'hégémonie des grandes puissances, justifiant, au nom de la défense de la souveraineté nationale, la confiscation du pouvoir au profit du gouvernement qui dirige la nation.

Ce qui passe soit par l'institutionnalisation d'un parti unique pour rassembler et orienter politiquement les masses populaires, soit par le contrôle du pluralisme politique.

Dès lors, par cette pression extérieure déstabilisante, comment ces pays pourraient-ils passer à un véritable régime démocratique, construire une véritable économie et sortir de la dépendance du pétrole quand le constat sur le plan économique est lamentable. Ces pays sont manipulés sur le plan économique et financier tant par les pays occidentaux que par les puissances adverses -la Chine espère évincer sur le plan politique et économique les pays occidentaux dans cette région du monde. Sur le plan intérieur, la gestion politique, économique et administrative des pays arabes et non arabes n'est pas plus reluisante, du fait que cette région pétrolière du monde très convoitée par les puissances ne laisse pas d'alternative. L'accaparement du pouvoir, dans ces pays, par une classe politique est aussi synonyme d'accaparement de la richesse nationale, dont au centre la rente pétrolière.       

Et ces pouvoirs qui n'ont pas de réels contrepouvoirs sont des systèmes politiques fermés, ayant la haute main sur tous les leviers de l'Etat. Dès lors, rien n'interdit à une classe privilégiée de faire du contrôle du pouvoir un moyen d'enrichissement personnel et de corruption systématique. Et c'est ce qui se passe dans les régimes politiques autoritaires arabes. Donc une négation intérieure qui se superpose à une autre négation, celle-ci venant de l'extérieur.

Ainsi se superposent deux mouvements d'accaparement de richesse sur ces pays. Sur le plan intérieur, le parti au pouvoir fait tout pour rester au pouvoir, compte tenu des intérêts et privilèges que dispense précisément le statut d'avoir la direction de l'État national. Et de l'autre, toutes les manœuvres subversives que se livrent les grandes puissances pour aussi accaparer non pas les richesses pétrolières elles-mêmes, mais ce qu'elles permettent sur le plan économique, financier et monétaire mondial. Celles-ci offrent deux avantages éminemment géostratégiques.           

Le premier, simple, très visible, est la signature de contrats entre les grandes entreprises occidentales et non occidentales et celles détenues ou contrôlées par ces États, le plus souvent des transactions couvertes par des pots-de-vin versés pour obtenir les marchés.

Le second est plus complexe, peu visible, et porte sur le plan financier et monétaire. En libellant le pétrole arabe en dollar, les États-Unis et l'Europe, pays vassaux à l'Amérique, se partagent le droit de seigneuriage sur le monde. En effet, les deux monnaies, i.e. le dollar et l'euro, comptent pour environ 80 % des liquidités internationales dans le monde. Si, par exemple, les transactions pétrolières de ces pays venaient à être facturées dans toutes les grandes monnaies du monde, cela signifie que le dollar viendrait à partager le libellé monétaire du pétrole avec le yuan chinois, le rouble russe, la roupie indienne, etc. Le dollar chutera sur les marchés mondiaux et entraînera dans sa chute les autres monnaies occidentales, i.e. l'euro, la livre sterling, le yen. Les liquidités internationales en monnaies occidentales viendraient alors à diminuer sur les marchés monétaires au profit des nouvelles monnaies mondiales.

Les conséquences seraient désastreuses pour l'Occident. Si cette situation pluri-monétaire venait à se matérialiser, les États-Unis n'auront alors plus aucun intérêt à retirer des grands gisements de pétrole, pour la simple raison que le dollar perdra la prééminence que lui octroie le pétrole arabe sur les autres monnaies mondiales. Le reste du monde ne se trouvera plus à chercher des dollars sur les marchés monétaires mondiaux pour régler ses importations de pétrole des pays exportateurs arabes. Par la perte de la facturation du pétrole en dollar, le reste du monde cessera de financer les déficits publics américains, européens, japonais. Et donc, les budgets défense et les guerres que l'Occident mène un peu partout dans le monde seront à la charge de leurs populations. Ce qui sera extrêmement onéreux sur le plan politique, économique et social, et viendra mettre fin à cette politique impérialiste occidentale.

On comprend dès lors, dans les conditions actuelles, devant les convoitises des grandes puissances que pose la présence des grands gisements de pétrole, et les dangers de subversion permanents qui s'ensuivent, pourquoi les pays arabes ne peuvent se démocratiser réellement. Les régimes politiques arabes n'ont pas de choix, soit «faire le dos rond face à l'Occident», ou «s'ils sont menacés, et agressés, doivent chercher le soutien de la Russie et de la Chine». Ainsi se comprend pourquoi le monde arabe est divisé. D'un côté, ceux qui cherchent le soutien occidental pour perdurer politiquement, comme c'est le cas des monarchies du Golfe ou des régimes autoritaires pro-Occident, et de l'autre, les régimes autoritaires qui ont opté pour la Russie et la Chine tout en ménageant sur le plan politique et économique les pays occidentaux. C'est le cas, par exemple, de l'Algérie. Une posture politique prudente. Ou encore des régimes politiques autoritaires en guerre contre une nébuleuse de groupes armés très organisés et armés par l'Occident et leurs alliés monarchiques arabes, cherchant le soutien militaire direct de la Russie et diplomatique de la Chine.

Une question cependant dans cette situation à l'échelle planétaire. Est-ce que cette situation, d'un côté les grandes puissances occidentales et leurs alliés arabes, de l'autre, les puissances adverses, et les guerres par procuration qu'elles mènent toutes deux sur le sol arabe, et même y participent aujourd'hui activement pour le partage géostratégique de cette région, et entre les deux, les pouvoirs autoritaires arabes et non arabes, relève de la politique égoïste et intéressée de leurs dirigeants ?

D'emblée, on répond par la négative. «Le monde est ainsi fait, il est le produit de l'histoire». Les puissances occidentales ne font que continuer leur politique impérialiste, depuis la décolonisation, sous une autre forme. Elles utilisent d'autres ingrédients géostratégiques dont l'islamisme politique radical pour continuer leur domination. Quant aux puissances adverses, elles luttent pour contrecarrer cette domination et visent un monde multipolaire. En clair, elles veulent un partage plus équilibré du monde.

Et les pouvoirs politiques des pays qui se trouvent au milieu trouvent leur compte, ils verrouillent le jeu politique pour se retrouver seuls tenants du pouvoir politique et économique. Et cette situation aura à durer tant que cette région sera convoitée par les puissances.

Mais si le pétrole cessera d'être un enjeu pour les puissances, toute la configuration politique, économique et sociale de la région changera, et évidemment l'autoritarisme politique arabe perdra son sens.

Ce qui nous amène à dire que, pour ces pays, la démocratie sera l'œuvre d'un travail que permet seulement le temps, et qui exigera de nombreuses transformations sur le plan politique, économique et social, accompagnées forcément de changements dans les mentalités des populations et des pouvoirs.

Aucun pays n'est né démocratique. Le processus démocratique qui a démarré dans certains pays arabes, bien qu'il ne soit qu'à ses débuts, est très positif et influera sur les autres régimes politiques fermés arabes. Il aura à changer immanquablement le cours de l'histoire de cette région intermédiaire du monde.

Qu'augure le message du président Bouteflika à l'occasion de la fête de la victoire ? Un cinquième mandat ou un départ pour la postérité ?

Ceci étant, que peut-on dire de l'Algérie et surtout du rendez-vous d'avril 2019 qui doit désigner le futur président algérien ? Est-ce que le président Abdelaziz Bouteflika rempilera pour un cinquième mandat ? Ou qu'un nouveau président le remplacera ? Comme appréhender cette situation à la lumière des forces internes et externes énoncées plus haut ? Il est intéressant de lire certains points du discours du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, fait à la nation, à l'occasion de la fête de la victoire. Tout d'abord un rappel sur la guerre d'Algérie : «Des sacrifices consentis après avoir enduré d'insoutenables épreuves et subi toutes formes de répression, matérielle et morale, par un colonialisme qui ne lésinait pas sur les moyens pour asseoir son hégémonie et imposer sa tyrannie à un peuple libre et à une nation souveraine, spoliant les richesses, asservissant les hommes et œuvrant à oblitérer l'identité nationale. [...] une maturité politique qui a forgé une profonde conscience nationale à l'origine du déclenchement d'une grande Révolution, saluée à ce jour par la majorité des peuples du monde et glorifiée par le peuple algérien. [...] Ce peuple a transformé l'impossible en victoire et changé le cours de l'histoire en affrontant d'égal à égal l'ennemi en dépit d'un déséquilibre de forces. Il a forcé l'admiration du monde entier par sa performance révolutionnaire hissant ainsi sa Révolution au rang d'exemple et de modèle. » (2)

On ne peut disconvenir, une vérité peut-on dire, la révolution algérienne a été un modèle pour les peuples opprimés par l'impérialisme occidental. L'Algérie sous Boumediene est devenue, dans les années 1960-1970, la Mecque des révolutionnaires du monde.

Après ce rappel de l'histoire d'Algérie, le président insiste sur le rôle de la démocratie et son apport dans l'élévation des droits de l'homme et des libertés. «Notre pays est capable de sortir indemne et victorieux de nos difficultés financières actuelles et conjoncturelles.

De même qu'il est nécessaire que notre société continue à promouvoir la culture des droits et des libertés et la préservation de ses intérêts collectifs et suprêmes.

Dans le même ordre d'idées, la scène politique doit connaître une diversité, une confrontation de programmes et une course au pouvoir, cependant il est du devoir de tout un chacun de contribuer à ce mouvement démocratique pluraliste en plaçant l'Algérie et les intérêts suprêmes de son peuple au-dessus de toute autre considération. »

Que peut-on conclure de ce passage du discours où le président invite la classe politique «à une confrontation de programmes et une course au pouvoir, et surtout invoque la diversité ? » Et il place la barre haute en appelant «du devoir de tout un chacun à contribuer à ce mouvement démocratique pluraliste», donc il demande à la classe politique, toutes sensibilités confondues, et par conséquent à l'opposition, de préparer démocratiquement les prochaines élections présidentielles en avril 2019.

Evidemment, il y a des supputations, des interrogations et des projections dans l'éventualité de voir le président Bouteflika se présenter une nouvelle fois pour un cinquième mandat. Et celui-ci est aujourd'hui au centre de tous les débats. Mais si on regarde certaines données historiques, on constate qu'une réalité nouvelle est en train de se profiler sur le plan politique. On peut citer trois arguments qui peuvent étayer cette nouvelle approche politique pour préparer le rendez-vous présidentiel à venir. Le premier a été la révision de la Constitution algérienne, en février 2016. «Le Parlement algérien a adopté, dimanche, un projet de révision de la Constitution initié par le président Abdelaziz Bouteflika, qui prévoit l'élargissement des pouvoirs du Parlement et la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. [...] L'actuel chef de l'État, âgé de 78 ans, pourra tout de même terminer son quatrième quinquennat et en briguer un cinquième s'il le souhaite. Mais il ne pourra pas prétendre à une présidence à vie, comme on lui a prêté l'intention, puisque l'application de cette révision ne s'appliquera qu'aux prochaines élections. » (3)

Le deuxième argument est la préparation de l'inventaire détaillé de tous les projets ayant été réalisés depuis 1999, durant ses quatre mandats. Donc un bilan global du président de la République.

S'agit-il d'un argument de poids à présenter pour sa reconduction à la tête de l'État, en avril 2019 ? Enfin le troisième, c'est cette invitation à l'opposition à une course démocratique au pouvoir, tout en «plaçant l'Algérie et les intérêts suprêmes de son peuple au-dessus de toute autre considération. » (2)

Ces trois points laissent perplexe. Une révision de la Constitution qui limite les mandats présidentiels à deux mandats en 2016, la préparation du bilan présidentiel depuis 1999 et cette invitation du président à l'opposition de se préparer pour les élections présidentielles, dans une année, peuvent peut-être dire que le président cherche non pas à briguer un cinquième mandat mais à préparer son départ, en laissant place nette avec ce sentiment du devoir qu'il a accompli pour la postérité. Et c'est peut-être là l'explication. On voit mal l'intérêt d'un cinquième mandat pour Abdelaziz Bouteflika, gravement affaibli par la maladie et sur un fauteuil roulant, et toujours des personnalités qui affirment qu'il est là, et dirige le pays. Il y a certes des parties au pouvoir qui craignent le changement à la tête de l'État parce qu'il bouleverse le statu quo. Mais si le président désire partir et laisser à l'histoire qu'il est parti de son propre chef parce qu'il pense avoir accompli sa mission pour laquelle il a été investi, rien ne pourra le dissuader si sa décision est déjà prise. D'autant que la crise économique commence à être jugulée avec une hausse perceptible des prix pétroliers, évoluant pour le pétrole Brent entre 65 et 70 dollars le baril. De plus, les combats en Irak, en Syrie et au Yémen s'essoufflent, l'islamisme politique radical est partout en reddition. C'est aussi un nouveau tournant de l'histoire.

On ne peut dire qu'un danger guette l'Algérie dans les années à venir. Et la situation n'a absolument rien de comparable avec la deuxième moitié des années 1980 et le contre-choc pétrolier qui a prévalu avec des cours de pétrole qui ont touché le fond, à moins de 10 dollars le baril, et la décennie 1990 qui a vu l'Algérie flamber par les attaques terroristes islamistes. Une tragédie nationale qui a fait plus de 100.000 morts. Donc, aujourd'hui rien de tout cela. Cependant la vigilance est toujours requise pour que la «décennie noire» que l'Algérie a vécue soit une leçon apprise à jamais.

Que la souffrance indicible du peuple syrien, devenu un «martyr de l'humanité», soit une «alarme permanente» sur ce que peut coûter une déstabilisation de l'Algérie.

Tout laisse penser que la sagesse va primer dans les élections présidentielles, en avril 2019. Évidemment dans un sens ou dans l'autre. Mais on ne peut ne pas souligner que toute décision des hommes doit avoir l'aval de l'histoire, dans le sens qu'elle conforte les événements à venir, que ne peuvent prévoir les hommes. Et c'est là l'intérêt de l'inconnaissance humaine.

Qui sera-t-elle la personnalité appelée à présider l'Algérie ? Un choix échu à la nation algérienne et à l'histoire

Si le président Abdelaziz Bouteflika ne se présente pas pour un cinquième mandat, le système politique va devoir préparer sa succession. Il est certain que ce cas de figure est déjà pensé, et que les personnalités politiques qui ne manquent pas sont déjà plus ou moins choisis. Reste encore la décision politique finale qui ne peut être prise que par un groupe très restreint au plus haut sommet du pouvoir. Sans être dans les arcanes du pouvoir, ce processus qui avalise celui qui doit succéder au président Bouteflika n'est pas propre au pouvoir algérien mais à tous les systèmes politiques démocratiques ou non qui gèrent les États du monde. Le système politique occidental peut se targuer d'être une exception, mais lui aussi est dirigé par une nébuleuse de décideurs de l'ombre.

Donc, ce qui importe n'est pas tant les manœuvres des partis au pouvoir ou dans l'opposition, mais ce qui ressort de la décantation décisionnelle de toutes les parties prenantes qui balisent le processus futur. Peu importe le candidat retenu parce qu'il y a des forces historiques qui président au choix des hommes qui sont appelés à prendre les rênes des États. Le premier élément dans ce processus à venir est qu'aucun parti au pouvoir surtout pour les pays où le multipartisme est très récent n'accepterait de lâcher le pouvoir d'autant plus que ces pays sont confrontés en permanence aux menaces externes qui sont une réalité et ne peuvent être démenties. Si même toute subversion extérieure est contrée par les forces de sécurité, et par la solidité du régime politique autoritaire, il demeure une autre subversion et celle-ci est économique qu'il est difficile pour le régime de contrer.

Par exemple, un faible cours de pétrole suffisamment durable, un niveau des réserves de change très bas et un endettement extérieur en hausse, ne laisseraient aucune échappatoire pour le système politique que de chercher obligatoirement le secours de l'opposition et la compréhension du peuple pour éviter une débâcle politique, économique et sécuritaire à la nation.

Par conséquent, c'est cette perspective qui importe, qu'il faut à tout prix consolider le pouvoir politique de la nation et auquel s'attache le pouvoir en place à y travailler et à préserver la nation. Que les récentes élections législatives qui ont permis aux deux partis au pouvoir, le FLN et le RND, de conserver la majorité absolue des sièges à l'Assemblée nationale populaire, et de même pour les élections communales, ces deux partis ont remporté pratiquement plus de 1000 communes, soit les deux tiers des assemblées populaires communales, c'est que celles-ci, par les résultats obtenus, participent à cette politique du tout État. Un État qui joue un rôle de rempart et de protecteur de la stabilité et la sécurité nationale.

Certes, l'opposition peut crier à la fraude, ou à toute manipulation, la situation ne changera pas, puisque c'est ainsi que ce processus historique s'est développé depuis l'indépendance pour aboutir à cette situation nouvelle qui permet aux partis de l'opposition de dénoncer. Et qui permet aussi aux médias de dénoncer, et par cette liberté de parole, évidemment sans diffamation, joue un rôle important dans l'élévation de la prise de conscience nationale des problèmes nationaux. Ce qui ne peut qu'orienter positivement le discours politique au sein de la nation.

Le processus démocratique ne pourrait jouer pleinement que lorsque la configuration mondiale changera et de nouveaux rapports interviendront entre d'une part les pays du Nord et du Sud et d'autre part entre les pays de l'Ouest et de l'Est.

L'Algérie ne peut sortir de ce système politique autoritaire bien que la démocratie ait été constitutionnalisée. Les partis de l'opposition constituent néanmoins un contrepouvoir par leur présence, et cette présence active paradoxalement légitime le pouvoir en place. En retour, celui-ci est obligé d'accepter toute critique, ou dénonciation de tout abus de l'Etat, ce qui permet de limiter les excès de l'autoritarisme.

Dès lors que les avancées démocratiques sont importantes, et le pouvoir en place doit en tenir compte, il reste que, pour la préparation des élections présidentielles à venir, il doit penser à une personnalité consensuelle si le président Bouteflika décide de ne plus briguer un cinquième mandat.

C'est une éventualité très probable. Du fait même que tôt ou tard, il est appelé à être remplacé ne serait-ce que par son âge avancé, le nombre de mandats et surtout par sa maladie extrêmement invalidante.

Si le président Abdelaziz Bouteflika ne se présente pas, et que l'on part de la situation générale du monde arabe et des grandes puissances adverses qui s'opposent aux menées impérialistes occidentales, forcément où que l'on regarde, ce sont des régimes politiques autoritaires qui ont le vent en poupe.

D'abord les pays monarchistes arabes absolutistes. En Turquie, en Égypte, en Syrie, en Irak, en Iran, ce sont des régimes politiques très autoritaires. La Tunisie, après sa révolution de 2011, a opté pour un doyen de la politique, âgé de 91 ans. Et même la Russie qui a vu le président Poutine rempiler pour un quatrième mandat, et la Chine qui a voté récemment la fin de la limitation à deux mandats. Dès lors, vu cette situation fermée pour les partis d'opposition dans une grande partie du monde dont fait partie l'Algérie, cette Algérie peut-elle faire exception ? La seule réponse n'est pas que l'Algérie suit ou non cette tendance des grandes régions du monde, mais qu'elle doit, qu'elle le veuille ou non, suivre les forces de l'histoire.

Le monde a fortement changé. L'Occident qui a décliné a lui-même, dans sa tentative pour s'opposer à son déclin, provoqué cette fermeture politique et, par sa politique agressive, poussé l'autoritarisme dans ces pays à des sommets. Si la Russie et le président Poutine n'a pas pris les devants, l'Occident aurait brisé le Moyen-Orient, et par là, mis en coupe le monde arabo-musulman. Si les armes conventionnelles n'avaient pas suffi, il aurait certainement utilisé des armes tactiques nucléaires contre, par exemple, le fer de lance, i.e. l'Iran, bastion de la résistance.

Par conséquent, le candidat qui sera le prochain président algérien aura à gérer non seulement la situation interne mais surtout la situation externe, par laquelle peuvent venir tous les maux. Et la décennie noire est encore présente dans les esprits du peuple. Et le peuple n'aspire qu'à la stabilité et la sécurité. Dès lors, la seule réponse pour l'Algérie en avril 2019, est une personnalité nationale forte. Et l'Algérie n'en manque pas. Le seul problème est qu'elle soit consensuelle. Cette personnalité existe puisqu'elle doit remplacer le président sortant, au cas où celui-ci, refusant de briguer un cinquième mandat, chercherait la postérité.

Qui sera-t-elle cette personnalité ? Ce sera la surprise et pour le bien de l'Algérie. Ce choix sera échu à la nation algérienne et à l'histoire.

*Chercheur spécialisé en économie mondiale, relations internationales et prospective

Notes

1. «Sinistrose», in Le Quotidien d'Oran. Le 1er avril 2018

http://www.lequotidien-oran.com/

2. «Fête de la Victoire: message du président de la République» par l'APS. Algérie.

Le lundi, 19 mars 2018

http://www.aps.dz/algerie/71346-fete-de-la-victoire-message-du-president-de-la-republique

3. «L'Algérie réforme sa Constitution et limite à deux le nombre de mandats présidentiels», par France24. Le 7 février 2016

http://www.france24.com/fr/20160207-algerie-constitution-bouteflika-deux-mandats-presidentiels.