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Tribunal criminel d'Oran: Sept condamnations à perpétuité pour trafic de 800 kg de kif

par M. Nadir

Le procès de trafic de drogue qui a été jugé jeudi dernier au tribunal criminel d'Oran s'est achevé sur de lourdes condamnations qui ont provoqué des malaises chez les mères et sœurs des accusés. Sept condamnations à la prison à perpétuité, dont trois par contumace, ont été, en effet, prononcées contre les accusés qui étaient poursuivis pour des faits de trafic de drogue portant sur la quantité de plus de 800 kg de résine de cannabis.

A. Amine, 27 ans, sans profession, originaire de Maghnia, a été arrêté à l'aube du 5 juin 2014, à Béni-Saf, à bord d'une Golf transportant plus de huit quintaux de résine de cannabis : «C'est Bo. Djamel qui m'a proposé de la convoyer de Maghnia à Béni-Saf contre la somme de 50 millions de centimes. Comme je ne travaillais pas, j'ai accepté», a reconnu le jeune homme à la barre en certifiant que la marchandise appartenait à Djamel qui lui avait, d'ailleurs, servi d'éclaireur à bord d'une Renault Clio : «Il y avait également une Renault 25 mais je ne sais pas qui la conduisait», a ajouté le trafiquant.

Bo. Djamel, 47 ans, fellah vivant à 5 km de la frontière algéro-marocaine, s'est, lui, défendu de toute implication dans cette opération provoquée par un agent de la brigade de lutte contre les stupéfiants de Tlemcen qui, après avoir gagné la confiance des narcotrafiquants, a réussi à les convaincre de lui fournir 8 quintaux de kif : «Je ne sais pas pourquoi Amine m'incrimine de la sorte. Je connais ses frères auxquels j'avais vendu ma Clio mais je n'avais aucune relation avec lui», a-t-il soutenu à la barre en ajoutant, par ailleurs, ne pas savoir conduire : «Comment aurais-je pu escorter la marchandise ?», s'est-il interrogé. Sauf qu'à la lecture des antécédents judiciaires de tous les accusés à la fin du procès, il est apparu que l'homme avait déjà été condamné pour? conduite en état d'ivresse.

Troisième accusé à comparaître, Bou. Mohamed, 32 ans, courtier résidant à Sidi Benadda, a clamé son innocence : «Je ne connais pas ces gens et je n'ai rien à voir avec toute cette histoire», a-t-il soutenu, conforté dans ses déclarations par A. Amine, l'homme qui avait cité son nom devant le juge d'instruction 7 mois après les faits : «En prison, j'ai fait la connaissance d'un certain Houari Manchot qui m'a affirmé que c'est Bou. Mohamed qui m'avait balancé. J'ai donc menti : j'ai dit au juge d'instruction que la drogue était destinée à Mohamed alors qu'en fait, il n'avait rien fait», a-t-il admis à l'audience.

Quatrième accusé à comparaître, B. Youcef, peintre de 30 ans, propriétaire de la Clio qui avait, selon Amine, servi à la sécurisation du transport. Bien qu'il l'eût vendue en 2012, la Clio -qui est passée de main en main jusqu'à arriver à Bo. Djamel- est toujours restée à son nom : «A cette époque-là, il était très difficile d'obtenir la carte grise à cause de la bureaucratie de Maghnia. C'est pour cela que les transactions commerciales se font souvent sur la base de la confiance», a tenté d'expliquer le jeune homme. Appelé plus tard à la barre, H. Zoubir, le courtier qui a acheté ladite voiture, témoignera de la véracité des déclarations de Youcef en confirmant avoir acheté le véhicule en 2012, soit deux ans avant les faits incriminés. D'ailleurs, les vérifications lancées par les autorités compétentes ont démontré que la Clio a changé deux fois de «propriétaire» avant d'atterrir entre les mains de Djamel.

Dernier à comparaitre Ch. Abdelkader, 37 ans, propriétaire de la Golf qui avait servi au transport des huit quintaux de kif : «Ma voiture avait été volée et j'ai déposé plainte auprès de la gendarmerie», a-t-il expliqué à la cour en ajoutant qu'il ne connait aucune des personnes se trouvant dans le box des accusés. L'homme qui vit en Espagne et travaille en France dans une boucherie, était le seul accusé qui avait bénéficié du contrôle judiciaire.

Trois autres personnes se trouvant en fuite étaient également poursuivies pour les mêmes charges : B. Sid el Hachemi, tôlier de 40 ans, F. Mohamed, 30 ans, et K. Amine, Algérien de 30 ans vivant à Oujda, propriétaire présumé de la drogue. Dans un bref mais implacable réquisitoire, le représentant du ministère public a requis la prison à perpétuité pour l'ensemble des mis en cause qui, a-t-il affirmé en se basant essentiellement sur les déclarations du principal accusé, sont coupables des faits qui leurs sont reprochés.

Les avocats, eux, se sont échinés à démontrer qu'il n'y avait pas de preuves matérielles accablantes contre leurs clients, exception faite de A. Amine qui avait été pris en flagrant délit et fait des aveux complets : «On ne peut prendre en considérations les déclarations d'un accusé contre un autre accusé si elles ne sont pas étayées par des preuves. Or, le dossier de l'accusation de comporte pas d'éléments probants», ont-il déclaré en substance pour finir par plaider l'acquittement. Quant à l'avocat de A. Amine, il a demandé les circonstances atténuantes en mettant en avant les «aveux courageux» de l'accusé et sa situation sociale précaire. Au final, tous les accusés écoperont de la prison à perpétuité à l'exception de Ch. Abdelkader, le propriétaire de la Golf, dont les avocats avaient produits les documents attestant du vol de sa voiture et de la procédure qui s'en était suivie.