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Représentativité: Le défi des syndicats autonomes

par M. Aziza

L'expert social Noureddine Bouderba a affirmé, lors d'un débat organisé hier par l'intersyndicale au siège de l'UNPEF, que 95 % des travailleurs algériens ne sont pas syndiqués, et ce, en dépit de la précarité sociale et la précarité des emplois. Et en dépit, en outre, du nombre important de grèves et de journées de protestation, particulièrement dans les secteurs de la santé et de l'éducation. Un paradoxe syndical qui est à l'image du paradoxe politique. «C'est exactement comme les partis politiques, ils peuvent avoir 200 adhérents et 1 million de votants», nous dira Meziane Meriane, le responsable du SNAPEST. Et d'affirmer que ce faible taux d'adhésion des travailleurs algériens aux syndicats n'est pas propre à l'Algérie, mais c'est une réalité à travers le monde « mais, quand on appelle les travailleurs pour protester ou pour des actions, ils répondent positivement même s'ils ne sont pas syndiqués».

Concernant la fin de l'ultimatum imposé par le ministère du Travail sur la représentativité des syndicats, Meriane Meziane a précisé qu'aucun syndicat ne pourra atteindre les 20 % de représentativité, en raison des dysfonctionnements réglementaires régissant l'exercice syndical. Et de défier le ministre, en affirmant «nous allons continuer à activer en tant que syndicat et en tant qu'intersyndicale». La même source a souligné que «cette histoire de représentativité des syndicats est une action conçue pour empêcher la syndicalisation, car les syndicats autonomes dérangent, notamment quand ils évoquent en cette conjoncture le problème du pouvoir d'achat». Et d'enchaîner: «ils veulent nous mettre devant le fait accompli, les 1.000 milliards de dollars se sont évaporés, aujourd'hui personne n'a le droit d'évoquer le pouvoir d'achat».

L'expert M. Bouderba a remis en cause quant à lui le travail du ministère du Travail sur la question de la représentativité. Il a affirmé dans ce sens que quatre circulaires ont été promulguées en 1989, mais en contrepartie, aucun travail sérieux n'a été accompli convenablement pour clarifier ces circulaires, laissant ainsi un vide juridique. Ce dernier a été en faveur évidemment de l'employeur, de l'administration et de l'UGTA, a-t-il précisé en rappelant à titre comparatif qu'en France, les pouvoirs publics ont édité un livre de 98 pages clarifiant avec exactitude cette histoire de représentativité syndicale, que ce soit dans les secteurs privé ou public et ce pour lever toute sorte d'ambiguïté. Pour Bouderba, la loi algérienne a laissé un vide juridique. «Elle s'est limitée à des appellations sans définitions et explications détaillées». L'on parle dans la loi de «représentativité dans l'absolu» de «syndicat le plus représentatif» et «de la structure syndicale la plus représentative». Et ce, sans plus de détails, permettant aux syndicats de se positionner. Un flou juridique qui brouille la vision à la faveur de l'administration qui préfère négocier avec l'UGTA. La preuve, les syndicats autonomes ont été écartés de la tripartite sous prétexte qu'il y a une différence entre un syndicat du secteur et un syndicat de la profession. L'expert a évoqué dans la foulée, les milliards, les biens et les locaux de l'UGTA qui sont en fait la propriété des tous les travailleurs, et qu'il faut recenser et exploiter d'une façon équitable.

La députée du PT, Nadia Chouitem, est intervenue pour affirmer que «ces manœuvres politiques sont un véritable danger qui menace les acquis sociaux et la pluralité syndicale». Elle a invité le ministre du Travail à s'occuper de la caisse de retraite qui est en voie d'épuisement et de s'attaquer aux employeurs qui ne déclarent pas les travailleurs. Sachant, dit-elle, que 5 millions de travailleurs ne sont pas aujourd'hui déclarés.

Le président du SNPSP, Lyes Merabet, a affirmé que certains syndicats ayant été cités dans la liste des 66 organisations syndicales des travailleurs enregistrées à fin février de l'année en cours, ne comptent qu'un membre et un cachet , mais continuent à négocier à la place d'autres syndicats. Des syndicats qui existent depuis 10 et 20 ans, sans tenir un congrès depuis, «des syndicats qui, si on ose dire, ont été enterrés, mais qui continuent à négocier l'avenir des milliers de travailleurs avec l'administration au détriment des syndicats qui activent sur le terrain».