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Les voies de la présidence sont impénétrables !

par Cherif Ali

Des partis sont tenus par les mêmes leaders depuis leur création, c'est-à-dire depuis l'ouverture du champ politique en 1989 ! Ils sont les premiers coupables de cette morosité politique ambiante, car au lieu de prendre conscience de leurs dysfonctionnements, de l'absence de démocratie et de transparence en leur sein, ils n'ont pour souci que celui de protéger leurs intérêts. Et en cela, ils poussent les gens vers l'abstention et le désintérêt de la chose politique.

Nous ou le chaos, affirment aussi le FLN et le RND !

Est-ce à dire pour les citoyens qu'il ne reste pour les joutes électorales à venir, qu'à voter par défaut, sans aucune perspective ?

Pourquoi les débats sont-ils insupportables ? Pourquoi ils ne vont pas plus loin que la simple émulsion médiatique ?

Plus besoin de décider, prétendent certains, il faut " s'adapter " ! Beaucoup de nos concitoyens ont l'impression, la crise aidant, de n'avoir plus prise sur leur avenir qui s'assombrit, de plus en plus, sans que des perspectives leur soient proposées clairement.

Que faut-il en déduire ? Que le peuple est en mal de dictateur ? Ou bien qu'il est en attente d'un dirigeant politique capable d'en finir avec toutes les formes de désordre ?

En attendant les réponses, l'heure est à la course aux présidentielles ! C'est la seule ambition qui tient les partis politiques en attendant de voir si le président en exercice se présenterait ou pas ! Dans l'affirmative, il éliminerait, d'emblée, et les candidats du système et tous ceux, aussi, qui rêvaient d'El Mouradia, chaque matin en se rasant.

Désormais, ce que l'on nommait autrefois " politique " est balayée, phagocytée par l'agenda présidentiel et par des enjeux qui n'ont plus rien à voir avec les soucis quotidiens des Algériens. Les chefs de parti, par exemple, ont beau se démener, faire semblant d'animer la scène politique et se déplacer dans les wilayas, en vain ! En appeler au débat d'idées, rien à faire : les Soufiane Djilali, Benflis, Mokri, Djaballah et consorts ne s'intéressent qu'à une seule chose, la présidentielle de 2019 !

Le FLN, le RND, le MPA, le Taj, ou encore l'ANR trouvent ainsi leur compte, puisqu'ils nous offrent comme seule vie démocratique les interventions calibrées de leur " lider maximo " sur les plateaux de télévision, réitérant qui sa fidélité et qui son soutien sans limites au président de la République et " à son programme " !

Dans le camp présidentiel, il en va de même, et ce que l'on peut observer aujourd'hui ressemble à une répétition fonctionnelle des rôles entre Ahmed Ouyahia, le Premier Ministre et Djamel Ould Abbès, le secrétaire général du FLN, dont Abdelaziz Bouteflika est le président d'honneur.

Au premier, le rôle de batailleur, voire de lessiveur, quitte à offusquer la sensibilité de la classe politique, y compris dans son propre camp. Il est, toutefois, fortement " encadré " par la " sentinelle " du FLN, le docteur Djamel Ould Abbès et les services de la présidence de la République qui ne perdent pas une occasion pour " retoquer " ses déclarations voire ses initiatives, comme celles concernant le fameux partenariat public privé ou encore la liste des concessionnaires automobiles revisitée par qui de droit !

Ahmed Ouyahia sait qu'il n'est pas le plus fort des candidats pour 2019 et il doit se dire que quand on n'est pas le plus fort, on peut gagner à condition de savoir jouer sans ballon, par la science du placement et du remplacement.

En évitant, autant se faire que peut, de se mettre en position " d'hors-jeu " ! En cela, il est bien l'homme du Président auquel il réitère, urbi et orbi, son soutien inconditionnel. Il a toujours avancé, mais masqué.

En fait, l'ambition présidentielle d'Ahmed Ouyahia, ce sont les autres qui en parlent au moment où, lui-même, balaie d'un revers de main cet avenir qui lui est prédit par ses soutiens qui ont eu à le côtoyer durant sa longue carrière.

Aujourd'hui, il a cependant d'autres soucis. Il est le chef d'un gouvernement qui fait face à l'une des plus graves crises de pétrole qui impacte gravement le pays et les citoyens. Et le mode de financement non conventionnel qu'il a mis en œuvre pour sortir le pays de la crise financière est même critiqué par le FMI !

Il le sait, les orientations économiques et sociales qu'il a définies ne prendront effet qu'à la faveur d'un retournement de la conjoncture, d'un sursaut du baril de pétrole à au moins 100$ ! Il lui faut savoir attendre et surtout durer au gouvernement ou s'accrocher dans la périphérie du pouvoir, même si certains dans la sphère politique ou même dans les cercles du pouvoir aimeraient bien le voir emprunter " la porte de sortie " !

Le Premier ministre en a conscience et paradoxalement, il a besoin de la confiance, peut-être aussi de la défiance de la classe politique, tous partis confondus. Le rejet de cette classe politique dans la population est tel que bénéficier de sa défiance peut devenir, allez savoir, un atout !

Au second, autoproclamé porte-parole du président de la République, le rôle se voulant plus consensuel de rassembleur, n'est pas atteint, loin s'en faut ! Quand on pose des questions dignes d'un vestiaire de foot, il ne faut pas s'étonner d'obtenir des réponses adaptées à un terrain boueux, disent les vrais militants du FLN comme Bachir Khaldoun qui a pris la tête d'un " courant contestataire " ; il en est venu à dénoncer la gestion " calamiteuse " de Djamel Ould Abbès et aussi son " autoritarisme " !

Pourtant ce dernier a dit qu'il avait réformé le parti de l'intérieur en nommant aux postes sensibles et au bureau politique des têtes nouvelles. Négatif, selon l'ancien membre du bureau politique qui pointe du doigt tous ces ministres, repris de " justesse " qui par la grâce du SG du parti en sont venus même à former un " bureau politique bis ". Aujourd'hui, ce parti ne peut éternellement tenir des populations captives au nom d'un passé lointain dont il ne reste que des supposées valeurs qui ne sont pas respectées, une fois les membres du parti au pouvoir. Privé de sa légitimité sociale, il s'est révélé incapable, sous la férule du présent SG de concevoir les contours d'une nouvelle alliance politique porteuse de progrès.

Le RND, son allié de toujours pourtant, ne veut pas de sa " politique " l'obligeant à battre en rappel sa clientèle des partis " occasionnels " et des organisations de masse qui lui sont affiliées pour former son bloc d'alliance.

Le FLN et le RND, faut-il le dire, sont impuissants, l'un comme l'autre, à empêcher la contestation qui germe en leur sein. Englués l'un comme l'autre dans leurs incohérences internes, ils devraient s'interroger : pourquoi ne pas faire exploser, une bonne fois pour toutes, leur prétendue unité ?

Oui, aujourd'hui, la classe politique est en état de coma cérébral. Les rares idées qu'elle défend viennent de ceux de l'Isco et de son désir d'organisation d'élections présidentielles anticipées. Et aussi du FLN et de son initiative de " front interne " qu'il n'a pas su cependant expliciter pour la rendre praticable. On entend les mêmes éléments de langage prédigérés, les mêmes arguments si usés que l'on perçoit, nettement, l'hypocrisie à travers.

Les Algériens sont, globalement, hostiles à leur classe politique, car ils ne se sentaient pas représentés. Ils en ont assez de ces militants opportunistes et de " métier " qui squattent les postes et de cette endogamie politique. Ceux qui ont la propension à se constituer en " cercles fermés " destinés à faire la loi dans les assemblées. Des écuries, à usage presque exclusivement présidentiel.

Aux discours de l'union, prônés par les uns et les autres, il faut faire face à une réalité : chaque groupe ou parti politique tire la couverture à lui, tout en gardant l'index en l'air pour sentir le vent passer !

Mais les Algériens veulent du changement, de nouvelles têtes, des gens simples venant de la classe moyenne. Et surtout, qui seraient d'accord pour retourner à leurs fonctions originelles une fois leur mandat expiré ! Les citoyens ne savent pas comment en finir avec cette classe politique, finalement, peu démocratique qui les étouffe.

Cela étant dit, Djamel Ould Abbès continue d'apparaître comme celui qui a été " désigné " pour barrer la route de la présidentielle à Ahmed Ouyahia. Pour le président de la République, " la nature a horreur du vide " prend tout son sens et la mise en avant du secrétaire général du FLN, lui permet de réfléchir sur son " avenir politique ", puisque le SG du FLN consacre toute son énergie à répondre aux contre-attaques des uns et des autres, et surtout à encaisser les coups.

Dans le camp de l'opposition, on affiche une unité de façade ; beaucoup sont à la limite de la fracture tellement les " ego " sont énormes, les bases électorales ne manqueront pas de s'émietter à l'approche de la date fatidique des élections.

Mais dès que la question se pose, on constate que pour les concernés comme pour les intéressés, la perspective est suspendue à la décision du président de la République en exercice, de rempiler ou de raccrocher.

Pour l'heure, Abdelaziz Bouteflika jouit de toutes ses facultés mentales et intellectuelles ; il gouverne, gère et suit les dossiers et les affaires du pays, selon son ami Lakhdar Brahimi qui vient d'en faire la déclaration au sortir d'une visite qu'il lui a rendu et qui a été non seulement médiatisée mais aussi " estampillée " véridique.

Au grand désespoir de Farouk Ksentini qui aura motif à se morfondre encore plus, en retenant toutefois cette leçon : les voies de la présidence sont impénétrables !