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Tourisme: L'Algérie en mode off

par M'hammedi Bouzina Med

  L'Organisation mondiale du tourisme (OMT) annonce plus de 1,3 milliard de touristes pour cette année. Les pays sérieux lancent déjà leurs campagnes d'offres et de marketing. Quelle sera la part que vise notre pays qui draine moins de 3 millions de touristes/an ?

Le printemps pointe le nez et déjà les préparatifs, offres et stratégies pour réussir la saison touristique de l'été prochain s'annoncent çà et là pour se tailler sa part de marché dans l'immense offre à l'échelle mondiale: 1,3 milliard d'individus, selon l'Organisation mondiale du tourisme, vont transhumer, se croiser, se visiter, se connaître dans une atmosphère de joie et de fête. Ce sont les grandes vacances et les destinations du soleil et de la mer qui attirent la quasi-majorité de cette énorme masse de vacanciers qui ne finit plus de gonfler d'année en année. Notre pays l'Algérie en capte bon an, mal an quelque 2 à 3 millions de touristes et souhaite attirer, selon le ministère du Tourisme, entre 8 et 10 millions à l'orée de l'année 2020- 25. C'est à dire demain. Les responsables du secteur, dont le 1er ministre, se sont largement étendus là-dessus lors de la dernière rentrée sociale en septembre-octobre, soit en fin de saison touristique. Va-t-on attendre la prochaine rentrée sociale pour que le débat sur l'exploitation de la ressource touristique revienne à l'actualité? Moins de trois mois nous séparent des grandes vacances de l'été et curieusement aucune initiative, opération marketing, publicité ou offre ne s'annonce autant dans le secteur public que privé. Partant, l'ambition d'attirer entre 8 et 10 millions de touristes étrangers dans les toutes prochaines années ressemble plus, pour le coup, à une opération de marketing politique destinée à se «rassurer» soi-même sur sa propre image qu'une stratégie mise en place avec tous les moyens qui vont avec.

Pour un pays qui dispose de sérieux potentiels touristiques naturels, culturels, historiques... viser la barre des 8 ou 10 millions de touristes étrangers par an n'est à proprement parler pas un défi extraordinaire. A titre comparatif (quoique), le musée du Louvre à Paris a drainé pour l'année 2017 plus de 8,1 millions de visiteurs. C'est-à-dire que les 150 hectares du musée ont reçu autant de visiteurs que ce qu'ambitionne de recevoir les 2,8 millions de kilomètres carrés de notre pays.

Quant à la France, avec un territoire cinq fois plus «petit» que le nôtre, elle a accueilli près de 90 millions de touristes étrangers en 2017. Notre voisin tunisien près de six millions et le Maroc quelque 10 millions de touristes étrangers. Nos responsables en charge du secteur touristique se sont succédé ces derniers mois en déclarations et promesses de hisser très prochainement le pays au moins au niveau de nos voisins immédiats. Constat à trois mois de l'été et trois semaines des vacances du printemps: aucune campagne, offre ou geste «d'invitation» de ce fameux touriste. Mieux, la seule offre pousse nos concitoyens à se faire touristes chez les autres: la Omra au printemps et le Hadj pour la fin août prochain. A défaut d'un tourisme digne de ce nom chez soi, se faire touriste chez les autres. Pourtant l'engagement du gouvernement en fin d'année dernière de construire quelque mille hôtels de haut standing pour assurer la capacité d'accueil a fait naître quelques espoirs dans le cœur des Algériens qui vantent, à juste titre, les atouts non négligeables du pays en matière touristique et manifestent leur tristesse face à tant de laxisme et d'abandon d'un secteur aussi stratégique que le tourisme, pas seulement en raison des richesses (part dans le PIB, emplois?) mais en termes d'impact négatif sur l'image du pays. Au-delà de la plus-value économique qu'il génère, le tourisme exprime une sorte de rapport narcissique à soi du pays et donc du peuple qui y vit. «Les autres gens viennent chez nous parce qu'ils aiment, apprécient notre pays, notre peuple et ses traditions d'accueil», susurre la voix intime et interne de chaque citoyen. Mille hôtels à construire suffiront-ils à «draguer» les vacanciers dans ce marché de plus de 1,3 milliard d'individus? Cela est encore une autre histoire, un autre défi certainement plus compliqué à relever que la construction d'hôtels. Préparer une saison touristique est une opération sérieuse et ne s'improvise pas en dernière minute. Les autres pays sont déjà en pleine campagne. Comme d'habitude.