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Selon l'évêque d'Oran: Accord pour que les béatifications des moines et mgr Claverie se déroulent en Algérie

par Amine Bouali

Invité ce vendredi 9 mars de l'émission «Sans langue de buis» sur la chaîne de télévision thématique française KTO, Mgr Jean-Paul Vesco, l'actuel évêque d'Oran, a révélé que l'Etat algérien, par le biais du ministre des Affaires religieuses et des Wakfs, M. Mohamed Aïssa, avait donné son accord pour que la célébration des béatifications (annoncées récemment par le pape François) des 19 religieux de l'église catholique -dont l'ancien évêque d'Oran, Mgr Pierre Claverie, et les 7 moines martyrs du monastère de Tibhirine- tués par des mains terroristes dans des crimes haineux durant la terrible décennie rouge qu'a connue notre pays pendant les années 1990, ait lieu en Algérie.

« Il n'y a pas encore de date fixée, a précisé Mgr Jean-Paul Vesco. Avec le secrétariat d'Etat du Vatican, nous travaillons sur la date et le lieu de ces célébrations. Nous sommes en phase de mûrissement. On ne sait pas encore si elles auront lieu en Algérie ou ailleurs. Si c'est hors d'Algérie, on pourra accueillir beaucoup de monde et cela constituera un événement pour l'Eglise catholique. Mais si c'est en Algérie, ce sera autre chose. Ce sera à l'image de l'église d'Algérie et des liens qui se sont tissés, car il n'est pas pensable, pour moi, qu'il y ait cet événement de béatification sans que les Algériens d'aujourd'hui, musulmans et chrétiens, y soient mêlés, de manière importante. Il nous fallait savoir si l'Algérie était prête à accueillir ces célébrations. Le ministre des Affaires religieuses nous a dit que son souhait était qu'elles aient lieu en Algérie et nous a confirmés l'accord de son pays. Si elles ont lieu en Algérie et précisément à Oran comme je le souhaite, nous les ferons avec nos frères et sœurs algériens musulmans. Ce ne seront pas des béatifications ordinaires, habituelles. Et il ne s'agira pas de mettre ces 19 martyrs à part, ou même de les comparer aux 200.000 victimes algériennes du terrorisme. Il y a eu tant et tant de policiers, d'intellectuels, de gens simples, qui ont pris ce risque-là et qui ont arrêté cette folie meurtrière dans laquelle nous étions. Le pape François a voulu avec ces béatifications faire mémoire d'un témoignage évangélique de vie, dans cette présence dans l'épreuve, au nom de la vie».

Mgr Jean-Paul Vesco a au cours de cette émission repris son bâton (médiatique) de pèlerin pour la paix et expliqué la signification profonde de l'acte inédit (car il s'agit d'événements tragiques relativement peu éloignés dans le temps) de béatification de ces 19 femmes et hommes d'église qui sont morts «en martyrs, en haine de la foi», selon l'expression utilisée lors du débat par un intervenant pour décrire ces assassinats ignobles. Mais l'évêque d'Oran a réfuté la pertinence de cette expression de «martyrs en haine de la foi» qui «nous pose question à tous, a-t-il dit. L'Eglise, les chrétiens d'Algérie, sont restés à côté du peuple algérien, en fidélité à l'Algérie, au nom de leur foi chrétienne qu'ils n'ont jamais voulu cacher. Mais cette expression de «martyr en haine de la foi» est un terme qui ne me convient pas, qui est difficile à entendre. Évidemment que c'est au nom de leur foi que les chrétiens d'Algérie sont restés en Algérie et c'est au nom de leur foi qu'ils ont été tués. Mais c'est aussi au nom de la haine de l'Etranger, au nom de la haine d'une société laïque, au nom de la haine des «mauvais musulmans». Ce sont tout simplement des martyrs de la haine et en réponse à cette haine-là, ils ont offert l'amour».

« Un autre exemple, a-t-il affirmé, me vient à l'esprit. C'est celui du père Hamel, à Saint-Etienne du Rouvray (près de la ville française de Rouen. Ndlr) qui a été assassiné alors qu'il était en train de célébrer la messe. C'est à l'évidence en martyr de la foi qu'il a été tué. Eh bien, je ne le crois pas du tout ! Et c'est le piège dans lequel ne sont pas tombés l'Eglise et les chrétiens de France et d'Algérie. La mort du père Hamel est à mettre en relation avec les actes terroristes du 14 juillet 2015 à Nice, avec l'attentat du Bataclan à Paris. On cherche des symboles pour déstabiliser une société. C'est une folie qui se revendique de l'Islam. (Mais dont l'Islam est la première victime. Note de la rédaction). «Martyr, a précisé Mgr Jean-Paul Vesco, veut dire témoin, c'est-à-dire celui qui témoigne d'un amour opposé à une haine».

L'évêque d'Oran a rappelé ensuite que «les Algériens se sont sentis seuls, abandonnés dans cette crise des années 1990. Globalement, l'opinion internationale se disait que c'était un problème circonscrit à un pays. Aujourd'hui c'est mondialisé. Et face à cela, quelle réponse apporter ? En donnant écho à ces béatifications, il y a quelque chose à dire pour le monde d'aujourd'hui, pour un monde nouveau à construire ensemble, au-delà de nos différences religieuses, culturelles, de nos blessures historiques. Je suis sûr que c'est ce qui nous permettra d'avancer, d'apporter une petite pierre pour bâtir un monde un peu meilleur».

Mgr Vesco a lu ensuite un magnifique texte qui est le testament spirituel de feu Mohammed Bouchikhi, le jeune Belabbesien, âgé de 22 ans, tué en même temps que l'ancien évêque d'Oran, Mgr Pierre Claverie, dans l'attentat terroriste, devant l'évêché d'Oran, le 1er août 1996. Voici ce texte : «Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Avant de lever mon stylo, je vous dis: «Paix soit avec vous!». Je remercie celui qui va lire mon carnet de souvenirs. Et je dis à chacun de ceux que j'ai connus dans ma vie, que je les remercie. Je leur dis qu'ils seront récompensés au Dernier jour. Adieu à celui à qui j'aurais fait du mal ! Qu'il me pardonne ! Pardon à celui qui me pardonnera au jour du Jugement. Pardon à celui qui aurait entendu de moi une parole méchante. Et je demande à tous mes amis de me pardonner, en raison de ma jeunesse. Mais en ce jour où je vous écrit, je me souviens de ce que j'ai fais de bien dans ma vie. Que Dieu dans Sa Puissance, fasse que je Lui sois soumis et qu'Il m'accorde Sa Tendresse».