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Un maquignon de Maghnia condamné à 15 ans de prison pour 400 kg de kif

par M. Nadir

  Le tribunal criminel d'Oran a condamné, hier, le dénommé I. Feth Eddine à 15 ans de réclusion criminelle pour trafic de 412 kilogrammes de kif, affaire dont les faits se sont déroulés en juin 2015 à Maghnia. Le condamné a comparu en compagnie de G. Belkheir qui, lui, a été acquitté des chefs d'accusation d'importation et trafic de drogue en bande organisée, suivant les articles 19 et 17 de la loi portant lutte contre les produits stupéfiants.

Aveux devant la police

Les deux hommes avaient été interpellés dans le cadre de cette affaire lorsque, le 23 juin 2015, les gendarmes de Maghnia avaient dressé un barrage près de Chebkia, commune frontalière avec le Maroc, pour intercepter un véhicule de marque Peugeot 406 dont ils savaient qu'il transportait une quantité de résine de cannabis. Si les services de sécurité sont parvenus à saisir le véhicule et plus de 400 kilos de kif, ils n'ont pas réussi à mettre la main sur ses occupants. Grâce à un «agent infiltré» dans l'organisation, les enquêteurs récupèreront un téléphone cellulaire ayant servi aux narcotrafiquants présumés, qui leur permit de remonter jusqu'à une certaine D. Ibtissam, mineure habitant à Maghnia. Celle-ci affirmera qu'il lui avait été offert par un certain I. Feth Eddine que les policiers s'empressent d'interpeller. Selon l'acte d'accusation, le jeune homme, maquignon dans la même ville, travaillant en association avec G. Belkheir, reconnaît rapidement les faits qui lui sont reprochés et donne des détails sur l'opération. Il évoque son associé Belkheir, un certain Lahcène, propriétaire de la 406, H. Kamel et d'autres complices présumés. A l'issue de l'instruction au cours de laquelle il est revenu sur ses déclarations, Feth Eddine et Belkheir sont inculpés de trafic de drogue, selon les articles de loi cités plus haut et incarcérés. Le reste des personnes citées demeurent en fuite.

«On a menacé d'emprisonner mes sœurs»

Lors de l'audience, Feth Eddine jure n'avoir jamais avoué quoi que ce soit lorsqu'il avait été entendu par la police : «On m'avait mis devant un choix : soit j'avouais avoir pris pat au trafic de drogue, soit mes sœurs et ma mère étaient envoyées en prison», se plaindra-t-il à la présidente d'audience. Il admet posséder une Peugeot 406 mais elle est grise, la voiture transportant la drogue, elle, est blanche. Le jeune homme admet également connaître Ibtissam mais nie lui avoir donné le téléphone : «C'est elle qui, de son balcon, m'a jeté son numéro de téléphone alors que j'étais attablé à une terrasse de café contiguë à sa maison». Il dira qu'elle lui avait plu mais que des voisins lui avaient conseillé de prendre ses distances, la famille de la fille étant connue pour tremper dans le trafic de drogue. Bref, il niera être impliqué dans l'affaire et rejettera le contenu des PV d'audition de la police «signés sous la contrainte et le chantage».

Le parquet veut 20 ans de réclusion

G. Belkheir clamera lui aussi son innocence en indiquant que son seul lien avec l'affaire est son association avec Feth Eddine dans le commerce des ovins. S'appuyant sur «les aveux détaillés» faits devant la police et les «propos contradictoires des accusés lors des débats», le représentant du ministère public affirmera que la culpabilité des mis en cause est établie et requerra 20 ans de réclusion criminelle. Plus prolixes, les avocats de la défense s'étaleront sur les anomalies constatées lors de l'instruction et le non-respect des procédures, dénonceront l'acharnement des enquêteurs sur le principal accusé et l'absence de preuves matérielles incriminant les prévenus dans une affaire dont les véritables responsables, diront-ils, sont ailleurs. La défense révèlera que, quelques temps après l'incarcération de ses mandants, les policiers qui avaient exercé le chantage sur Feth Eddine, Ibtissam et sa mère ont été arrêtés dans le cadre d'un trafic de cocaïne : «Nous avons demandé à réentendre la jeune fille mais le juge d'instruction n'a pas jugé utile de donner suite à notre recours», dénonceront les avocats.

Défense : «Dossier bâclé et vil chantage»

La défense évoquera, par ailleurs, les empreintes relevées sur 25 points de la 406 qui transportait la drogue et les perquisitions effectuées aux domiciles des accusés: «Aucune des empreintes n'appartient à Feth Eddine et les perquisitions se sont soldées par un échec. Que reproche-t-on alors à nos client ?», s'interrogera-t-elle. Pour les avocats, il ne fait aucun doute que le dossier a été bâclé et que le policiers cherchaient coûte que coûte un bouc-émissaire : «Ils ont exercé un vil chantage sur sa famille et l'ont contraint à choisir entre une affaire de 4 quintaux et une autre de dix», déploreront-ils en regrettant ces pratiques qui conduisent des innocents en prison: «Si les PV d'audition de la police étaient corrects et précis, 50% des affaires n'arriveraient pas en justice», relèvera la défense en demandant l'acquittement pur et simple au bénéficie des accusés.

A l'issue des délibérations, le tribunal criminel déclarera I. Feth Edddine coupable et le condamnera à 15 ans de réclusion. G. Belkheir, lui, sera acquitté.