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Algérie : une passion, une fascination

par M'hammedi Bouzina Med

L'impasse qui dure dans le règlement des conflits sociaux est plus dans les têtes des parties en conflit que dans l'exigence des droits et devoirs des parties en conflit. L'Algérie est passion et fascination à la fois. Gérard Depardieu veut s'y installer. Fascinant lui aussi.

Gérard Depardieu annonce son intention de s'installer en Algérie.

Des milliers de jeunes quittent l'Algérie au prix de leur vie. Entre les deux, des millions d'autres algériens déroutés regardent le ciel, étonnés de ce que leur pays soulève tant de passions contradictoires, tant d'amour et de colère, tant de désir et de répulsion. Pourquoi en sommes nous arrivés à nous enfermer dans cette sorte de cercle de feu qui brûle notre quotidien entre interrogations sans réponses, craintes du présent, doute de l'avenir mêlés , malgré tout, à une ébranlable espérance dans des lendemains enchanteurs? Est-ce cela la passion? D'autres dirons la conscience de la patrie enfouie dans l'inconscient de chaque algérien où qu'il se trouve. Aimer l'Algérie jusqu'à la déchirure ( pour paraphraser l'immense Jaques Brel), aimer pour ne jamais trahir cette mère à l'histoire si douloureuse et si fascinante. Les grévistes qui défilent depuis des semaines, des mois, voire des années? Et alors? Ailleurs dans les pays dits les plus modernes et démocratiques les grèves sont quotidiennes, cycliques, fatigantes pour les uns et manipulées par d'autres. Pourquoi nos grévistes médecins, enseignants, fonctionnaires, retraités... seraient-ils criminels, traitres à la patrie, inconscients et menaçants pour la stabilité de la nation? Et le gouvernement gestionnaire de ce pays? Est-il hors de soupçon, a t-il raison sur tout, n'a-t-il aucune responsabilité dans cette anarchie qui ronge le fonctionnement normal du pays? Dans tous les pays du monde et depuis des siècles les citoyens manifestent lorsqu'ils sentent leurs droits bafoués et les gouvernement ferraillent, suent pour maintenir la cohésion sociale et la paix sociale. En cas d'échec, les gouvernements démissionnent dans la dignité ou sont démis dans la honte. L'ébullition sociale à son comble et voilà le vice-président de la banque nationale philosophant sur la valeur du dinar en le comparant à des monnaies de pays très loin de chez nous: la Chine, le Brésil, l'Indonésie... C'est à dire des pays aux économies et exportations très diversifiées alors que nous ne vivons que de la variations du prix du pétrole, seule exportation à valeur ajoutée. Le pays est en surchauffe sociale et le gouvernement parle de complot, de manipulation et de provocation. De qui? Pourquoi? Le peuple algérien, en ce compris les médecins, les enseignants, les fonctionnaires, les retraités, les fragilisés et autres handicapés de la vie sont-ils devenus tous fous, comploteurs, inconscients, danger pour le pays? C'est à dire un risque pour soi-même? Pourtant il va bien falloir s'en sortir de cette impasse qui dure et qui fatigue le pays dans son ensemble. Où se situe le blocage? Puisque les négociations et le dialogue ne suffisent pas, selon les parties en conflits, à mettre fin à ce face-à face usant, il ne reste que la médiation d'une tierce partie. Là encore la médiation n'a pas apaiser les esprits dit-on. De deux choses l'une, soit le ou les médiateurs n'ont pas la qualification et la légitimité nécessaires, soit les parties en conflits sont dans une logique d'affrontement et refusent l'inévitable compromis qui les satisfasse. Faut-il désespérer de la médiation? Non, car la médiation est, selon toutes les études et les pratiques ailleurs dans le monde, un «processus» qui peut être long. On ne résout pas un conflit en une seule et unique séance de médiation. Parfois il en faut plusieurs rencontres avant de voir les passions, les exigences et demandes des uns et des autres se fondre dans un «compromis» satisfaisant pour tous. Il est quand même surprenant qu'à l'échelle des responsabilités qui a abrité les négociations ( ministres et syndicats), puis une seule et unique tentative de médiation on n'a pas compris la gravité de la situation et les exigences de ne pas rompre le dialogue avant de trouver une issue aux conflits. Le temps joue contre tous, syndicats, gouvernement et bien sûr, citoyens, élèves, étudiants, malades etc.

Par ailleurs, il est suicidaire de croire que la situation va se déverrouiller, s'apaiser en particulier avec les menaces de licenciement de milliers de travailleurs et fonctionnaires. Est-on assez niait pour espérer le retour définitif à une vie courante et sans heurts sociaux avec autant d'entêtement des deux parties en conflit? Sans un règlement ou la promesse ferme d'un règlement des problèmes sociaux professionnels des gens, les grèves et «révoltes» reviendront au gré des saisons et hypothèqueront tout effort de développement et de progrès, toute perspective de paix sociale et politique. L'impasse est plus dans les têtes des gestionnaires et gouvernants que dans le niveau de revendication des gens qui occupent les rues. L'impasse est un énorme égoïsme des uns face aux autres. L'impasse est dans l'absurde vanité des gouvernants et ceux qui négocient au nom des grévistes et marcheurs de rues. En revanche, apparait à l'orée de cette colère sociale et cette tristesse du climat politique un énorme besoin d'un pays qui aime, affectionne et protège ses enfants, tous ses enfants sans exception. L'Algérie est une passion qui surprend ses enfants avant les autres. Gérard Depardieu veut s'installer en Algérie, oui, cela fait du bien au cœur en ces moments d'angoisse et d'interrogation. Même si, lui la star internationale ne prendra pas le bus, ne verra pas l'eau de son robinet coupée, appréciera son vin élevé à Tlemcen sans crainte d'être verbalisé par un gendarme, n'aura pas besoin de visa pour s'oxygéner ailleurs, enfin Gérard Depardieu n'est même pas salarié en Algérie pour craindre pour son avenir. Tout le contraire des Algériens qui y vivent et travaillent ou pas. Eux, ont un immense amour sincère pour leur pays. Et ils le crient en permanence.