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Dinar, nouveaux billets de banque, masse monétaire: Les explications de la Banque d'Algérie

par Yazid Alilat

L'économie algérienne n'est pas dans le rouge, mais enregistre beaucoup de déficits. C'est ce qu'a relevé hier mardi lors de son passage à la radio nationale M. Djamel Benbelkacem, vice-gouverneur de la Banque d'Algérie (BA). S'il reconnaît que «la dépense intérieure brute est supérieure à la production, à l'offre», il précise que «nous ne sommes pas dans le rouge, mais dans une situation où on a beaucoup de déséquilibres des finances publiques, de déficit de la balance des paiements, de déficit du commerce extérieur». Pour autant, le vice-gouverneur de la Banque centrale estime que «notre économie a une capacité de résilience supérieure à beaucoup d'autres économies exportatrices d'hydrocarbures, avec une constitution de réserves de change, qui a permis une bonne capacité de résilience de l'économie». M. Benbelkacem a souligné, par rapport aux mises en garde contre la baisse de la résilience de l'économie nationale, que «le taux de croissance global en 2017 va baisser, et cela va se situer autour de 2,2% suite à la baisse de la valeur ajoutée dans le secteur des hydrocarbures et non de la production économique». Sur la baisse de la valeur du dinar par rapport à l'euro, le vice-gouverneur de la Banque centrale a confirmé et reconnu que les autorités monétaires ont bien déprécié la monnaie nationale face à la progression de la monnaie unique européenne sur les marchés des changes. «En moyenne annuelle, la baisse n'est que de 7%. Et, si on prend la fin de la période de 2016-2017, il perd (le dinar, NDLR) 15% par rapport à l'euro.» Le vice-gouverneur de la Banque d'Algérie précise cependant que «ce n'est pas uniquement le dinar algérien qui a baissé, toutes les autres monnaies, comme celle du Brésil, de la Turquie, de la Chine se sont dépréciées de 17%». «L'euro s'est apprécié par rapport à toutes les monnaies de beaucoup de pays, pas seulement face au dinar», ajoute-t-il, avant de souligner qu»'il s'agit d'ajustement nécessaire.» «Quand l'euro s'est apprécié, le yuan, la livre turque, toutes ces monnaies se sont dépréciées par rapport à l'euro», affirme M. Benbelkacem, qui a expliqué que «si les monnaies de nos pays partenaires se sont dépréciées par rapport à l'euro, et que nous, si on n'avait pas déprécié, on aurait donné une prime à ces pays-là.»

Pour autant, le recours par le gouvernement au financement non conventionnel n'a eu aucun effet sur la valeur du dinar. «Non, il n'a pas impacté directement le dinar, et à court terme. Je ne vois pas comment le financement non conventionnel va impacter de manière directe le cours du dinar», a-t-il relevé par ailleurs, estimant que c'est un mécanisme «limité dans le temps, qui est encadré, et de ce point de vue là, je ne vois pas comment cela aurait impacté la valeur du dinar, qui va évoluer en fonction de notre capacité à augmenter l'offre des biens et services». «Ce sont là les défis que doit relever notre économie pour que notre monnaie puisse se stabiliser et se revaloriser», relève encore M. Benbelkacem. Sur la surévaluation du dinar sur le marché parallèle avancée par le ministre du Commerce, le vice-gouverneur de la Banque d'Algérie a souligné que «ce sont des estimations et des calculs, et elles ne sont jamais très précises. On peut considérer qu'il peut être surévalué, car le problème de nos importations est structurel: nous n'exportons pas beaucoup; et résoudre le problème des importations, c'est résoudre le problème structurel de notre économie, les problèmes de déséquilibre de notre économie», a expliqué M. Benbelkacem, selon lequel «le taux de change à lui seul ne pourra jamais rétablir les équilibres» de l'économie nationale. «Le taux de change a été en 2015 et 2016 le premier amortisseur (de la crise financière, NDLR), et il ne faut pas compter sur le taux de change pour régler les problèmes structurels de notre économie», affirme-t-il par ailleurs, estimant que «le premier défi pour notre économie est d'abord de rétablir les équilibres économiques, les finances publiques, et le second défi, c'est augmenter l'offre et augmenter les recettes».

Sur l'argent non bancarisé, le vice-gouverneur de la Banque centrale a expliqué qu'il faut d'abord «voir les choses dans leur contexte». «Nous avons une masse monétaire de 13.000 à 14.000 milliards de dinars détenus sous toutes les formes par les ménages, agents économiques, entreprises? et sur ces 13.000-14.000 milliards de dinars, il y a à peu près 4.700 mds de DA détenus sous forme de pièces et de billets par les agents économiques pour leurs transactions.» «A la BA, on a estimé entre 1.500 et 2.000 mds de DA, qui sont thésaurisés sous forme de billets». «Si les agents économiques déposaient leur argent dans les banques, ce serait très bénéfique pour notre économie», a-t-il souligné, relevant qu»'il s'agit de la stratégie des banques, qui doit être la collecte des ressources, et là, on doit améliorer le financement de l'économie, mais les banques ne font pas assez d'efforts pour cela.» En outre, «une partie de cette détention de monnaie fiduciaire sert de transactions aux opérations informelles, et les paiements en cash ne permettent pas la traçabilité».

Sur la question d'un changement de monnaie, le vice-gouverneur de la Banque d'Algérie a été catégorique: «ce n'est pas d'actualité dans notre pays, cela n'a pas de sens». «Maintenant, si on veut parler des changements de billets, c'est dans la feuille de route de la BA depuis une année», a-t-il annoncé, expliquant qu'il s'agit de «rafraîchir les billets de banque, car le billet de 1.000 DA date de trente ans». «Toutes les banques centrales changent leurs billets tous les cinq ans. Rafraîchir la monnaie, c'est mettre en circulation de nouveaux billets, qui vont circuler avec les anciens sur cinq-dix ans, et mettre ensuite de nouveaux billets». Il a indiqué que pour le billet de «1.000 DA, c'est assez avancé, il date de 1990. C'est pour mieux le sécuriser. Ensuite, on est en train de concevoir un autre billet de 500 DA et une nouvelle pièce de 100 DA. Les nouveaux billets et pièces vont circuler en même temps que les anciens sur une période de plus de 10 ans». Et «il s'agit seulement d'un rafraîchissement, comme le font toutes les autres banques dans le monde», a rassuré M. Benbelkacem.

Sur la question de la masse monétaire qui circule sur le marché, le vice-gouverneur de la Banque centrale est formel: «on connaît de manière précise la quantité de monnaie en circulation dans l'économie. Il n'y a aucun problème là-dessus. La masse monétaire, c'est-à-dire la quantité de monnaie en circulation dans le pays, s'est stabilisée en 2015-2016, elle a augmenté de 0,2% en 2015 et 0,7% en 2016, et en 2017, elle va probablement augmenter autour de 7 à 8%».

Concernant la réévaluation de l'allocation touristique, il a botté en touche, relevant qu»'on est en train de puiser dans les réserves de change pour assurer les importations de biens alimentaires, de produits finis pour l'économie. La priorité, c'est l'importation pour les biens d'investissement, les demi-produits d'entreprises, pour la consommation. Nous n'avons pas les moyens de le faire maintenant.» «Il y a 10 millions de passeports, entre 2 et 4 millions de touristes algériens qui vont à l'étranger. Si on augmente cette allocation, ce serait des prélèvements supplémentaires sur les réserves de change, qu'il faut absolument préserver. Nous ne sommes pas dans une situation où on peut augmenter cette allocation», a-t-il affirmé.

Enfin, il a indiqué que la dette extérieure de l'Algérie à moyen et long terme est de 1,8% du PIB, «c'est la moins élevée dans le monde». Mais, l'endettement interne, la dette du Trésor, est important, de l'ordre de 28-29% du PIB.