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Mgr Henri Teissier, un évêque à Tlemcen

par Amine Bouali*

  Quelque temps après la fin de sa mission, en 2008, en tant qu'archevêque d'Alger, à la tête du diocèse de la Ville Blanche, Mgr Henri Teissier s'installa à Tlemcen pendant une vingtaine de mois, dans une petite cellule au monastère Saint Benoît, sur les hauteurs de la ville. Il a confié, alors, à des amis qu'il a préféré s'éloigner un moment de la capitale afin de ne pas faire de l'ombre à son successeur à l'évêché.

À plus de 79 ans (il en a aujourd'hui 88) l'homme avait gardé une surprenante agilité physique et intellectuelle. On le voyait parfois, à la fin de la journée, au volant d'une voiture cabossée par les aléas de l'âge et de la route, emprunter la petite voie sinueuse qui grimpe jusqu'au monastère, au quartier de Birouana, ou marcher au centre-ville, d'un pas alerte, un cartable d'instituteur à la main.

Au cours de son séjour à Tlemcen, Mgr Teissier s'est volontairement, astreint à un humble anonymat, n'attira l'attention d'aucune autorité, mais ne refusa jamais une main tendue et eut chaque fois un mot chaleureux pour les jeunes qui voulaient construire leur pays.

Régulièrement, chaque vendredi, il rejoignait la petite assemblée studieuse qui se réunissait dans un petit abri de Derb Sidi El-Yeddoun qui avait accueilli jadis, au 15ème siècle, la retraite spirituelle du grand savant et mystique algérien Cheikh Senouci.

Lorsque el-adhan d'el-Âsr le surprenait dans ce lieu habité par la foi et illuminé par la fraternité, il se retirait discrètement sur une chaise posée au fond de la salle, et au moment où ses hôtes accomplissaient leur prière collective, il plongeait dans une méditation pleine de questions décisives.

Mgr Henri Teissier maîtrisait la langue arabe à la perfection et n'hésitait pas à citer à l'occasion un verset du Coran, notamment la sourât «El -Kef» qu'il appréciait particulièrement. Le dimanche, il rejoignait d'un pas paisible le presbytère, attenant à l'ancienne église Saint Michel, pour présider la messe avec des étudiants africains qui poursuivaient leurs études à l'Université.

Une fois, pendant son séjour à Tlemcen, il se rendit à Montréal, au Canada, pour donner une conférence sur l'Emir Abdelkader, une autre fois, il prit le train car il devait être reçu en audience à la Présidence, à Alger.

Puis un matin, après avoir pris congé de ses amis tlemceniens et jeté un dernier regard sur Tlemcen endormie, il reprit la route et retourna dans la capitale où des obligations réclamaient sa présence depuis quelque temps déjà.

Combien sont ceux parmi nous qui savent que cet homme de Dieu vit, en Algérie depuis 1946, et a obtenu la nationalité algérienne en 1965 ? Que malgré les épreuves, il est resté à nos côtés durant les terribles années 1990 et qu'il a consacré 60 ans de sa vie, au service du dialogue entre Musulmans et Chrétiens, en Algérie et partout dans le monde, « dans l'amitié et la confiance ».

«Cette relation islamo-chrétienne, confie Mgr Henri Teissier, a formé la texture de ma vie de foi et de mon témoignage chrétien. Et je remercie Dieu qui m'a donné cette vocation et cette mission. »

*Libraire à Tlemcen