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Procès pour distribution de faux billets: De Munich à Mostaganem

par M. Nadir

Un bijoutier de Mostaganem du nom de B. Nasreddine vient d'être condamné par le tribunal criminel d'appel d'Oran à 10 années de réclusion pour distribution de fausse monnaie. L'homme, qui était également accusé d'association de malfaiteurs, avait été condamné en première instance à 15 années de réclusion. Deux autres personnes, H. Djamel et L. Samir, ont, eux, bénéficié de l'acquittement.

L'affaire ainsi jugée trouve son origine à Marseille, en 2006, quand un transporteur allemand, convoyant 19 tonnes de papier fiduciaire commandé par l'Algérie auprès du papetier spécialisé Louisenthal, est agressé par des individus qui s'emparent de sa précieuse cargaison : 44 rouleaux de papier sécurisé destinés à l'impression de quelque 15 millions de coupures de 1 000 dinars algériens. Un fait inédit en France et une catastrophe pour les autorités algériennes qui craignent que les faux billets n'affluent en Algérie.

Les investigations démarrent mais aucune piste ne donne de résultats et il faudra attendre deux années avant qu'une lueur d'espoir ne pointe : en septembre 2008, la police française saisit plus de 50 millions de faux dinars algériens sur deux Tunisiens en partance pour Tunis depuis l'aéroport de Marseille. L'expertise effectuée sur les billets est concluante : le papier fiduciaire provient bien du braquage de 2006.

Trois mois plus tard, les regards se braquent sur l'Italie où trois rouleaux du papier de banque sont découverts dans une imprimerie clandestine de Naples, dans le cadre d'une enquête sur le clan Di Pozzuoli, membre de mafia napolitaine. L'enquête prend alors une dimension transnationale mais, surtout, de nouveaux éléments apparaissent et des pistes se dégagent, qui conduisent vers la fin 2009 à plusieurs arrestations en Italie et en France. A Lyon, 14 personnes sont interpellées et la perquisition d'une imprimerie permet de mettre la main «sur des sacs entiers de billets de 1 000 dinars algériens» et «quatre rouleaux provenant du chargement de Louisenthal», selon les médias français de l'époque. Dans l'instruction judiciaire qui est alors ouverte, l'Etat algérien se constitue partie civile. Pendant ce temps, les faux dinars ont toutefois eu le temps de traverser la Méditerranée et de pénétrer le marché algérien. De fausses coupures de 1 000 DA sont découvertes dans plusieurs wilayas de l'Ouest comme Relizane, Aïn Témouchent et Mostaganem où vit B. Nasreddine.

Nasreddine qui reçoit en 2010 un coup de téléphone de la part de son cousin émigré, N. Yacine (aujourd'hui sous le coup d'un mandat de recherche international), qui lui demande de se rendre à Batna pour récupérer la somme d'argent de 350 millions de centimes. Le bijoutier s'en sert pour effectuer des transactions et c'est ainsi que ces billets tombent entre les mains des services de sécurité qui retracent leur itinéraire pour aboutir à Nasreddine et une dizaine d'autres personnes soupçonnées de distribuer de la fausse monnaie en Algérie.

Au bout du compte, seul Nasreddine passera sept années en prison après sa condamnation en première instance, tous les autres ayant été acquittés. Lors de l'audience d'hier, il affirme ignorer qu'il avait manipulé de faux billets de banque et qu'il n'avait à aucun moment été impliqué dans la distribution de la fausse monnaie. De même que L. Samir et H. Djamel, en affaire avec Nasreddine, qui disent avoir été victimes, ayant reçu ces billets de la part de Nasreddine.

Le ministère public insistera sur la menace que ce genre de trafic fait peser sur l'économie nationale et requerra 15 ans de réclusion contre les trois accusés.

L'avocat de Nasreddine plaidera l'acquittement pour le chef d'inculpation d'association de malfaiteurs et demandera les circonstances atténuantes pour son client dont le seul tort avait été de rendre service à son cousin émigré. Insistant sur l'absence du moindre élément de preuves de l'existence d'une bande de malfaiteurs, ou l'implication de leurs mandants dans un supposé trafic de billets de banque, les autres avocats plaideront l'acquittement de leurs clients respectifs. A l'issue des délibérations, le tribunal criminel d'appel condamnera B. Nasreddine à 10 ans de réclusion criminelle et acquittera H. Djamel et L. Samir.