Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Ces ministres vont partir, mais quand ?

par Cherif Ali

En dépit des interdictions prononcées par le tribunal administratif déclarant « illégale » leur grève, nombre de syndicats corporatistes ou collectifs autonomes persistent à débrayer et à organiser des marches pour faire aboutir leurs revendications, à leurs yeux légitimes.

Au jusqu'au boutisme de ces derniers, les ministres concernés par les agitations qui touchent leurs secteurs, quand ils n'observent pas le silence, font des promesses aussitôt rejetées par les contestataires qui exigent plus que des engagements verbaux des responsables !

En haut lieu, si on semble admettre l'existence d' « un mécontentement populaire », on tente de l'atténuer arguant de « l'exploitation » des grèves par des « parties », jamais désignées, qui s'impliquent dans un jeu politicien et forcément irresponsable, dès lors qu' « il met en péril la stabilité du pays » !

Il n'en demeure pas moins que les services publics sont impactés par tous ces mouvement qui mettent dans la gène les usagers, notamment ceux des hôpitaux, même si un certain nombre parmi eux manifeste un semblant d'empathie envers les médecins résidents grévistes.

En tout état de cause, la responsabilité des ministres où la contestation s'est installée est engagée et leur compétence à régler les contentieux est sujette à caution au regard du pourrissement de la situation dans leurs secteurs respectifs.

Le pays est paralysé et risque, les jours à venir, de l'être davantage. Certains observateurs s'interrogent, tout de même, sur ce qu'ils ont appelé la « transversalité » des grèves et y voient la main de « forces tapies dans l'ombre pour déstabiliser le pays » !

Le gouvernement d'Ahmed Ouyahia est-il à ce point incapable d'ouvrir un dialogue avec les représentants des contestataires ?

Qu'attendent ces ministres pour ouvrir leurs portes aux syndicats concernés ?

Il faut dire aussi que nombre d'entre eux donnent l'impression qu'ils ne sont pas au fait de la nature des problématiques de leurs secteurs, ce qui les empêche de prendre leurs responsabilités, de situer les blocages, de les dénoncer publiquement, d'agir pour les enlever ou alors démissionner !

Le premier d'entre eux et, chacun le sait, est sous pression depuis son « rétropédalage » concernant la charte du Partenariat Public-Privé et son « recadrage » par le président de la République. Son peu d'empressement à faire face à la contestation sociale est décrypté comme le signe que non seulement il n'a pas les mains libres pour éventuellement modifier son équipe ministérielle et notamment les ministres défaillants mais que lui-même n'est pas sûr de rester à son poste. Certains membres de son gouvernement sont, dit-on, « intouchables ». Il y a aussi les ministres issus du FLN qui forment la majorité de son cabinet : il ne peut les faire partir au risque de s'attirer les foudres du secrétaire général du parti, Djamel Ould Abbès !

Et si aujourd'hui, Ahmed Ouyahia, semble moins pressé à prendre une quelconque initiative au plan politique ou social, son attitude a pour effet de tétaniser ses ministres, notamment ceux ciblés par les grévistes qui vivent dans l'anxieuse expectative de savoir ce que leur réserve le remaniement qui se fait attendre.

D'un point de vue purement objectif, tous les ministres vivement critiqués à cause de la gestion des crises qui secouent leurs départements, ou qui n'ont pas atteints les objectifs qui leur ont été assignés, doivent faire, logiquement, l'objet d'un remplacement.

Dans la catégorie des ministres dépassés, on trouve :

- le ministre de la santé qui est dans l'incapacité totale de trouver et de proposer une solution concrète aux problèmes posés par les médecins résidents qui entament leur troisième semaine de grève

- la ministre de l'éducation nationale ne serait ce que pour sa déclaration concernant les élèves des trois paliers qui, dit-elle, « apprennent beaucoup plus qu'ils ne comprennent ! » qui sonne comme un aveu d'échec !

- le ministre des transports et des travaux publics non pas pour sa gestion calamiteuse du débrayage des techniciens et des navigants d'Air Algérie, mais pour son désintérêt des routes algériennes qui sont devenues les plus meurtrières du monde et aussi parce qu'il n'a pas pris exemple sur son homologue égyptien qui lui, a démissionné après la mort de dizaines d'enfants dans un accident entre un bus et une locomotive

- le ministre de l'enseignement supérieur, son peu d'empressement à dialoguer avec les enseignants de son secteur et aussi et surtout pour les peu reluisantes places des universités algériennes dans les classements mondiaux et continentaux

- le ministre de l'agriculture pour son peu d'empressement à encourager et soutenir « l'industrie agroalimentaire » en ces temps de crise économique

- le ministre du commerce qui donne l'impression qu'il est dépassé par l'ampleur de la tâche et par l'appétit vorace des importateurs ! Son secteur est devenu un grand laboratoire soumis à des expériences inouïes, des voltes faces, le tout dans une mixture de lois et de décisions révisées d'année en année et en fin de compte abandonnées car improductives : les licences d'importation, par exemple

- le ministre des affaires religieuses qui a transformé le délit de la harga en « péché » en laissant le soin aux imams de promulguer une fetwa ; ces derniers, tout comme les imams cathodiques qui font florès, se trouvent, aujourd'hui, investis de pouvoir de médiation, de décision et de consultation ; à court terme, cela semble anodin, mais c'est ainsi que l'on cède du terrain, du pouvoir et un jour tout le pouvoir, a relevé très justement un journaliste

- le ministre du tourisme qui devra partir dès lors qu'il ne sait pas ce qu'il devrait faire pour redynamiser le secteur, comme par exemple, et c'est de bonne guerre, investir dans les difficultés conjoncturelles de certains pays pour capter leurs touristes !

- la ministre de l'environnement qui ignore tout de ce trésor dont Dieu a doté l'Algérie : le soleil !

- le ministre de la jeunesse et des sports par la faute duquel le sport algérien, par équipes ou en individuel, a atteint les abysses. Et du fait de son entêtement à se mêler des affaires des fédérations sportives, ce qui vaut au pays des rappels à l'ordre par des instances internationales

- le ministre de l'hydraulique qui, tantôt, évoque l'augmentation tarifaire de l'eau pour, ensuite, rétropédaler et affirmer que ce n'est pas à l'ordre du jour, après avoir été rappelé à l'ordre, voire recadrer par qui de droit !

Ces ministres, vont-ils partir à la fin ?

Ce qui est sûr c'est qu'ils ne démissionneront pas ! Le président de la République ne le tolérerait pas ! C'est lui, le maitre des horloges et des agendas qui décidera de leur sort et du premier d'entre eux, Ahmed Ouyahia qui en a fait l'aveu aux journalistes : c'est le président de la République qui m'a nommé et c'est à lui que revient la décision de me démettre !

Pour l'heure, les plus raisonnables parmi les experts, prédisent au pays exportateur de pétrole qui est le nôtre, des années insupportables. Il en serait de même concernant beaucoup de pays producteurs qui ont besoin d'un cours de l'or noir élevé, pour financer leurs dépenses, a affirmé l'Agence Internationale de l'Energie (AIE) dans son dernier rapport.

Le discours des pouvoirs publics, renouvelé à chaque fois, faisant part de la volonté de diversifier l'économie nationale pour échapper à la dépendance éternelle aux hydrocarbures a été battu en brèche, la réalité nous a rattrapé : le baril a perdu plus de 50% de sa valeur. Et par ricochet, les réserves de devises du pays ont fondu !

Notre pays, selon les mêmes experts, a besoin d'un baril de plus de 100 dollars pour maintenir ses équilibres budgétaires et préserver sa position financière extérieure, sérieusement fragilisée par la diminution des rentrées du pétrole et du gaz, lequel gaz est indexé au pétrole et à sa chute.

Pour sortir de cette situation, Karim Younès, l'ancien président de l'APN estimait « qu'il est urgent de battre le rappel de toutes les intelligences pour dessiner la voie de l'Algérie du siècle en cours, et dresser l'inventaire des nouveaux défis. Il évoque, entre autres, les 40 000 cadres supérieurs exilés au Canada dans les années 1990 et tous ceux, partis bien avant la décennie rouge, fuyant la vindicte des cancres, accrochés aux postes de responsabilité. Il est grand temps, s'il n'est pas encore trop tard, d'activer le chantier d'une nouvelle perspective, de redéfinir une stratégie de développement du pays, de le projeter dans le monde pour y tisser des relations internationales, y faire reconnaître nos atouts potentiels, assumer notre part dans la coopération et le partenariat avec les pays de l'Afrique », avait ajouté l'ancien président de l'APN.

Battre le rappel des intelligences ? Comment et avec qui ? 15 000 médecins résidents sont décidés à aller jusqu'au bout de leurs exigences ! A moins d'un dialogue sérieux, beaucoup d'entre eux n'hésiteront pas à se rendre dans l'autre rive de la Méditerranée où ils seront « légalement » accueillis pour officier dans les déserts médicaux où ils trouveront, comme par hasard, toutes les commodités !

La main de l'étranger se précipitera à dire un des ministres défaillants cité supra, pour justifier son incapacité à résoudre les problèmes !