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Commerce: Ouyahia lance la réforme des subventions

par Yazid Alilat

Le gouvernement planche actuellement sur la réforme du système des subventions de l'Etat aux produits de consommation de base, y compris les produits énergétiques. C'est là, une des promesses politiques et un des objectifs économiques du Premier ministre Ahmed Ouyahia. Il avait, depuis deux ans, préconisé ouvertement une profonde réforme de ce système d'aide de l'Etat aux couches les plus vulnérables.

Le ministre du Commerce Mohamed Benmeradi a confirmé mardi que le gouvernement a déjà installé un comité chargé de ce dossier, et dont les travaux sont supervisés directement par le Premier ministre. Le principe, selon le ministre du Commerce, est que le gouvernement veut passer à un système de subventions ciblé, qui va directement aux couches concernées.

Il a expliqué devant la Commission parlementaire chargée des affaires économiques, du développement, de l'industrie, du commerce et de la planification de l'APN, que ce groupe de travail, installé au niveau du Premier ministère, ne devrait pas achever ses travaux avant fin de 2018. Le gouvernement prend ainsi tout son temps pour examiner un dossier, qui a toujours été un « serpent de mer », puisque ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement veut s'attaquer à un tel dossier politiquement sensible.

Le ministre du Commerce a juste ajouté que ce dossier s'inscrit dans la politique économique du gouvernement, présentée dans son programme de travail par M. Ouyahia devant l'APN. Pour autant, M. Benmeradi avait souligné dimanche lors de son passage à la radio nationale qu'une évaluation du système de subvention était en cours au niveau du gouvernement.

« Nous sommes en train de travailler pour voir concrètement comment basculer d'un système de subventions généralisé vers un système ciblé qui nous permettra de mettre fin à cette incohérence qui contribue aux dérèglements observés dans le commerce extérieur ».

Le système des subventions « n'est pas très juste », a-t-il ajouté, précisant que « cela profite beaucoup plus à ceux qui en ont le moins besoin », citant les « entreprises, qui en profitent et pas les ménages, alors que l'objectif est de protéger le pouvoir d'achat des ménages et non des entreprises ». Il a également expliqué que l'interdiction d'importation de 851 produits « n'est pas destinée à sanctionner le consommateur », mais que « le gouvernement travaille sur le dispositif des subventions ».

Les déclarations de M. Benmeradi confirment ainsi que le gouvernement Ouyahia est passé à la vitesse supérieure pour mettre en place un système de subventions ciblé, autant pour ne pas pénaliser les bas salaires, que pour protéger les fondamentaux économiques.

Et l'ardoise des subventions est lourde : sur des recettes pétrolières de seulement 37 milliards de dollars en 2016, le gouvernement avait maintenu pour 2017 les transferts sociaux dont le montant équivaut à la moitié de ces recettes pétrolières, soit 18 milliards de dollars.

La loi de finances 2018 consacre près de 1.760 milliards de dinars aux transferts sociaux, une enveloppe en hausse de 8% par rapport à celle de 2017. Ce budget est consacré au soutien aux familles, à l'habitat, à la santé, ainsi qu'aux subventions des prix des produits de première nécessité (céréales, lait, sucre et huiles alimentaires). Globalement, chaque année, les subventions aux couches sociales défavorisées sont estimées à 30% du PIB.

Suffisant pour que le Premier ministre veuille s'attaquer, en ces temps de crise financière, à un système de subventions décrié par une partie de la classe politique. La réforme du système de subventions a été en réalité le premier chantier que voulait ouvrir Ahmed Ouyahia, dès son retour au gouvernement.

Et, sitôt revenu au mois d'août dernier, il avait attaqué de front le dossier, estimant que c'est l'un des chantiers les plus urgents dans cette phase stressante de crise financière induite par une baisse des recettes pétrolières. Déjà au mois de mai dernier, dans le sillage de la nomination de l'ex-gouvernement Tebboune, il avait clairement affiché sa farouche opposition à la politique de subventions, qui ne profite pas qu'aux démunis, préconisant ouvertement son abandon. « Notre système de subvention est trop généreux. Il profite à tout le monde. Il ne profite pas aux nécessiteux », avait-il expliqué, avant d'ajouter que « l'aide de l'État doit aller à ceux qui la méritent, alors qu'aujourd'hui tout le monde peut acheter un sachet de lait à 25 dinars », avait-il fait remarquer en septembre 2016. Pour lui, les subventions de l'Etat sur les produits de consommation de base (sucre, huile, farine, semoule) alimentent la contrebande aux frontières et les trafics en tout genre.

Une perte sèche de plus de deux milliards de dollars par an pour l'Algérie, estimait-il. M. Ouyahia, s'il ne ferme pas la porte du soutien de l'Etat « aux démunis », veut en revanche mettre de l'ordre dans un système fort coûteux pour les caisses de l'Etat. Il s'explique : « les acquis sociaux de l'Algérie pendant plus d'une décennie sont autant de preuves de tout ce que l'Algérie est capable de poursuivre en dépit de la crise financière ».

Selon la Banque mondiale, les subventions à l'énergie en Algérie absorbent 30% du budget de l'Etat et 11% de son PIB. Elles s'élèvent à environ 1.500 à 2.400 milliards de dinars (soit environ 10 à 20 milliards de dollars).