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Fonte chinoise, taxes européennes

par Akram Belkaïd, Paris

Dans le bras de fer commercial mondial, il arrive souvent que l’Union européenne (UE) soit critiquée pour sa «naïveté» vis-à-vis de ses principaux concurrents que sont les Etats Unis, la Chine, le Japon ou les principaux pays émergents. On lui reproche une trop grande ouverture aux produits importés et une incapacité à prendre les mêmes mesures protectionnistes que ses compétiteurs. Ce jugement s’est même renforcé depuis que Donald Trump a reçu les clés de la Maison Blanche. Le président américain entend, en effet, durcir le ton avec la Chine.

Mesures anti-dumping

Pour autant, il arrive aussi que l’UE sache répondre à des situations qu’elle juge non compatibles avec ses sacro-saintes règles de la libre-concurrence. En août dernier, Bruxelles décidait ainsi d’augmenter ses droits de douane imposés aux importations de fonte chinoise. Cela concerne, entre autres, tout ce qui touche à la fonte de voirie et d’assainissement urbain (grilles de caniveau, bouches et plaques d’égout, canalisation, etc.). Le Journal officiel européen vient de confirmer cette décision en fixant les taxes dans un créneau allant de 15,5% à 38,1% et cela pour une durée de 5 ans. En août dernier, l’UE avait opté pour une taxation provisoire plus lourde (25,3% à 42,8%) et a donc «allégé» sa sanction.

Cette décision intervient après la plainte de 7 producteurs européens qui représentent 40% de la production de fonte au sein de l’UE. Pour eux, les exportateurs chinois ont délibérément vendu à perte leurs produits ou, du moins, à des prix inférieurs à ceux qu’ils pratiquent en dehors de l’Europe, dans le but d’obtenir des parts de marché. De fait, durant la période examinée par les enquêteurs européens, les plaignants ont enregistré une baisse de 11% de leur volume de vente tandis que celui des vendeurs chinois augmentait de 16%. Bruxelles a donc reconnu qu’il s’agissait d’une situation de «dumping» et mis en place une hausse de la taxation.

Une question de ressources

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) autorise ce genre de mesure fiscale quand la situation de dumping est avérée. La Chine a néanmoins la possibilité de contester cette taxation. En 2016, Pékin a réussi à convaincre l’OMC que les Etats-Unis pénalisaient certains de ses produits sur la base d’accusations de dumping erronées.

On entre là dans le vif du sujet. Accuser un exportateur de dumping n’est pas une mince affaire. Il faut aussi le prouver. Cela signifie que l’on doit être capable d’identifier ses coûts, ses marges ainsi que l’ensemble des tarifs qu’il pratique. La démarche peut s’avérer longue et fastidieuse et repose aussi sur les moyens de l’enquêteur.

L’Union européenne peut mobiliser les ressources financières et humaines pour décortiquer tel ou tel marché. Mais ce n’est pas le cas de nombre de pays en développement qui ont adhéré à l’OMC. En cas de litige, cette dernière, ne fera pas le travail pour eux. Les fabricants de fonte en Afrique subissent ainsi de plein fouet la concurrence indienne et chinoise et n’ont aucun moyen de se défendre.
Autrement dit, la libéralisation du commerce international n’a de sens que si l’on est pourvu en moyens, notamment légaux et techniques, pour se protéger.