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Les riches n’ont plus peur…

par Akram Belkaïd, Paris

Chaque année, les « élites » mondiales, politique, financière et économique, sans compter la valetaille médiatique, se réunissent au forum de Davos dans le canton des Grisons en Suisse. Il fut un temps où, à ce rassemblement d’ultra-riches, de riches et d’obligés, répondait une manifestation plus engagée, altermondialiste ou, du moins, peu marquée par l’ultralibéralisme. Ce n’est plus le cas. Dix ans après la crise de 2008, le constat est cruel : le libéralisme économique, malgré ses méfaits, est toujours triomphant même si, dans les faits, la situation ne fait que se dégrader.

Riche de plus en plus riche

Le 22 janvier, l’organisation non gouvernementale Oxfam a publié une étude qui démontre que les riches sont encore plus riches et que rien ne change pour les pauvres (*). Deux statistiques résument cette conclusion : 82% de la richesse créée vont au 1% le plus riche de la planète. Plus grave encore, et alors que la presse économique célèbre le retour à l’expansion après des années de marasme, 50% de la population du globe n’ont pas touché le moindre bénéfice de cette croissance mondiale.

Cette situation peut-elle durer ? Est-ce qu’un statu quo est possible sans violences et sans que les plus démunis ne cherchent à remettre en cause cet ordre établi ? Depuis la chute de l’ex-URSS et la disparition de la « menace rouge », les « riches » n’ont plus d’adversaires. Ils n’ont plus besoin de consentir des compromis. Rien ne les force à partager. En un mot, ils n’ont plus peur de rien et certainement pas des dirigeants politiques qui sont à leurs ordres. Comment expliquer, sinon, que rien ne change dans le domaine de l’évasion fiscale ? Les scandales et les révélations ont beau se multiplier, l’ingénierie financière est à son optimum et les paradis fiscaux, censés être neutralisés, continuent d’accueillir les milliards de dollars ou d’euros qui échappent, légalement ou non, au fisc. Autant de ressources qui échappent à la redistribution.

Quand on regarde la nature des conflits sociaux qui se déroulent actuellement en Europe, et notamment en France, on réalise que la raison n’est pas simplement une affaire de revendications salariales. C’est souvent, aussi, la détérioration des moyens de travail ou de production ainsi que la baisse des effectifs qui sont en cause. Que l’on soit dans le secteur public ou le secteur privé, l’argent manque, ou semble manquer, quand il s’agit de donner du « mieux » (ou du « plus ») aux travailleurs. A l’inverse, rien ne saurait remettre en cause l’explosion des dividendes boursiers et des plus-values financières.

Fin du bien public

Jour après jour, c’est un scénario catastrophe qui se déroule sous nos yeux. Les inégalités explosent et les Etats deviennent peu à peu les supplétifs de grandes fortunes qui n’entendent pas partager. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’on entend parler, ici et là, de projets de « super compound », il s’agit parfois d’îles dans le Pacifique, où les riches vivraient entre eux, loin de toute férule étatique. Avec la dérégulation entamée au début des années 1980, une idée essentielle a, peu à peu, disparu du débat et des programmes politiques : celle du bien public. Cela ouvre la voie à de terribles réajustements. Une croissance qui ne profite qu’aux plus riches ne peut que mener au désastre. Voilà le seul sujet de discussion que le forum de Davos devrait aborder…

(*) « Récompenser le travail, pas la richesse ».