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L'agression au couteau du jardin des Amandiers à la barre

par M. Nadir

L'affaire de tentative de meurtre avec préméditation, jugée hier, par le tribunal criminel près la cour d'Oran, est symptomatique du changement des mœurs chez les jeunes dont une partie, en perte de repères et de valeurs, se promènent un couteau dans la poche et le cerveau embrumé par les vapeurs des produits stupéfiants.

Un coup presque fatal

A presque 20 ans (il est né en 1998), D. Houari a comparu aux assises pour avoir donné un coup de couteau à H. Youcef, un jour de septembre 2016. Selon la déposition de la victime, en grande partie corroborée par l'accusé et un témoin, un jeune des Amandiers se faisait gifler par des jeunes du quartier dans un jardin de la cité, situé près d'un établissement scolaire. En intervenant en faveur de l'adolescent humilié, il reçoit un coup de couteau à la poitrine que lui assène un jeune qu'il dit ne pas connaître. Alors que son agresseur s'en va, Youcef titube en direction de Nasreddine, un voisin auquel il demande de l'emmener vite à l'hôpital. L'évacuation rapide se révèle salvatrice pour Youcef qui, dès son admission au CHU d'Oran, a subi une opération chirurgicale qui lui a évité la mort. Un certificat d'incapacité de 60 jours lui sera remis par l'établissement hospitalier. Il faudra à la police une semaine pour parvenir à identifier l'auteur de l'agression et l'interpeller : il s'agit de D. Houari, 19 ans, soudeur, vivant avec sa famille dans un bidonville de la région. Interrogé, il ne niera pas les faits ; dans un premier temps, il justifiera son geste par son désir de défendre son ami et, dans, un second temps, il dira qu'il ne savait pas ce qu'il faisait étant donné qu'il était sous l'effet de psychotropes. Il ne peut nier être l'auteur de l'agression d'autant plus que la police a découvert sur lui le couteau avec lequel il a failli ôter la vie à Youcef. Il dira, également, ne pas connaître la victime. Dans son témoignage à la police et devant le magistrat instructeur, Nasreddine, l'homme qui a évacué le blessé à l'hôpital, rapportera qu'il se trouvait dans le jardin des Amandiers quand Youcef, qui saignait au niveau du thorax, s'était approché de lui et, paniqué, lui avait lancé avoir reçu un coup de couteau et demandé de le conduire rapidement aux urgences.

L'accusé : «Je ne savais pas ce que je faisais»

A la barre, D. Houari, en sweat-shirt bleu et jeans, reconnaît les faits qui lui sont reprochés mais nie l'intention de tuer : «Je ne savais pas ce que je faisais. J'ai vu que mon ami se faisait agresser, j'ai intervenu. La victime m'a bousculé alors, je l'ai poignardée.» Il affirme avoir frappé à l'aveugle et pris la fuite: «Je n'ai pas vu où j'ai porté le coup, j'ai juste frappé et couru chez moi». Aux questions de la présidente sur l'état de la victime, il oppose l'ignorance : «Je ne sais pas. Quand je suis parti, il était debout et je ne savais pas où je l'avais frappé». Houari insistera sur le fait qu'il était sous l'effet des psychotropes qu'il avait pris, auparavant. Interrogé par le représentant du ministère public pourquoi il se promenait avec un couteau, il répondra qu'il était toujours armé pour pouvoir se défendre : «Vous avez nettoyé l'arme après l'incident ?», demande le magistrat. «Oui», répond l'accusé.

Un danger public, selon le parquet

En l'absence de la victime et du témoin Nasreddine, la présidente se contentera de lire leurs dépositions avant de clore le chapitre des débats et ouvrir celui des plaidoiries. Premier à prendre la parole, le représentant du parquet reviendra d'abord sur les faits, avant de souligner le danger que l'accusé et ses semblables représentent pour la société : «Le drame est arrivé dans un jardin public, espace de détente censé accueillir des familles. Et il s'y promène des jeunes armés de couteaux !», déplorera-t-il, en indiquant que D. Houari est un agresseur, notoirement, connu des services de police, qui plus est, est un consommateur de drogue : «C'est un récidiviste qu'il convient de châtier avec la plus grande sévérité pour faire un exemple.», assènera-t-il encore en requérant la peine de 15 ans de réclusion et 1 million de dinars pour ce crime perpétré contre «une personne qui tentait juste d'empêcher une bagarre». Pour le représentant du ministère public, l'intention de donner la mort est établie par le fait que l'accusé était toujours armé «même s'il prétend qu'il porte un couteau pour se défendre» et qu'il «a porté son coup dans la région du cœur.»

La défense plaide l'absence de l'intention criminelle

Pour l'avocat de la défense, les choses ne sont pas aussi simples que l'accusation veut les présenter. Pour lui, il n'y avait pas d'intention de donner la mort parce que l'accusé et la victime ne se connaissaient pas et qu'il n'y avait pas de différend entre les deux parties (ce que les deux personnes avaient eux-mêmes déclaré). Et comme si le ministère public et la défense avaient consulté des documents différents, l'avocat s'étonnera du fait que son client ait été qualifié d'agresseur récidiviste : «Son extrait de casier judiciaire montre qu'il n'a qu'une seule condamnation pour vol alors qu'il était mineur», affirmera-t-il avant de contester un autre argument de l'accusation : «Contrairement à ce que prétend le parquet, la victime n'a pas été touchée dans la région du cœur parce que, et l'expertise médicale l'atteste, la blessure se situe du côté droit du torse», martèlera-t-il. Pour finir, l'avocat estimera qu'il n'y pas lieu de parler d'intention criminelle et, donc, de tentative de meurtre, et demandera la requalification du chef d'accusation en coups et blessures volontaires : «Les deux jeunes ne se connaissaient pas, il n'y avait pas de contentieux, et notre client était sous l'effet de la drogue au moment des faits», dira-t-il en demandant, également, les circonstances atténuantes.

Après délibérations, la présidente déclarera l'accusé coupable des charges retenues contre lui et le condamnera à sept dans de prison ferme. Le tribunal aura, finalement, rejeté la demande de requalification des faits introduite par la défense mais accordé les circonstances atténuantes.