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Gouvernement: Des chefs de départements pour superviser les ministères

par Ghania Oukazi

La présidence de la République est en train de réfléchir à un nouveau système de gouvernance par la nomination de chefs de départements dont la fonction principale est de superviser le travail des différents ministères.

C'est ce qui se dit dans certaines sphères du pouvoir. L'idée de la nomination de chefs de départements au Palais d'El Mouradia pour une telle mission n'est pas nouvelle. Elle a été proposée à Abelmalek Sellal dès sa nomination en 2013 en tant que 1er ministre. A l'époque, Sellal n'en a pas pris cas parce qu'il a estimé, selon nos sources, que ce choix de gouvernance prendrait du temps notamment en matière de législation et de réglementation. Il avait, nous dit-on, «prétexté un manque de temps au regard de sa mission première qui était de descendre sur le terrain et de convaincre les citoyens de l'efficacité et de la mise en œuvre du programme du président de la République». L'ex- 1er ministre avait préféré rencontrer des citoyens qui le lui rendaient bien en attendant ses sorties ne serait-ce que pour l'entendre raconter ses blagues ou lâcher son mot pour rire. Aujourd'hui, les choses se sont bien corsées. Le gouvernement ne rigole plus tant les difficultés se sont accumulées. La rue témoigne d'ailleurs du pourrissement dans beaucoup de secteurs à commencer par les plus névralgiques comme la santé, l'éducation et l'enseignement supérieur. La mauvaise gestion, le laisser-aller, l'incompétence, la suffisance, l'arrogance ont dévoyé les missions les plus simples du gouvernement. C'est l'approche par l'absurde qui lézarde la cohésion sociale. Ce qui a été dissimulé parce que mal géré ou mal réglementé, la corruption, le gain facile, l'absence de l'Etat depuis plusieurs années, ressort à la surface. Les secteurs régurgitent les conséquences des mauvais choix et actes de leurs responsables. L'impunité sert de rempart à tous les agissements. Pris au cou par les débordements des problèmes, le gouvernement perd pied. La présidence de la République pense, selon nos sources, à quelque peu le doubler avant peut-être même de le changer. Une solution de facilité toujours à portée de main. L'on apprend ainsi que des discussions sont menées à ce niveau avec d'anciens responsables pour tenter de constituer «des pools de compétences capables de superviser les ministères et leurs démembrements», estime-t-on. L'objectif étant, est-il soutenu, «de suivre le règlement des problèmes et l'aboutissement des dossiers en suspens».

Agitation pour un rappel des troupes ?

Chaque chef de département aura, en principe, à sa charge les ministères dont les activités se rapprochent à l'exemple de l'économie et les finances, l'enseignement supérieur et l'éducation nationale? Pour ne pas changer, la présidence de la République pense, selon nos sources, recycler à cet effet d'anciens ministres et d'anciens hauts fonctionnaires pour les placer à la tête de départements (pools de compétences) chargés de cette mission. Le nom de Sellal, Rahial son ancien chef de cabinet, Boudiaf, l'ex-ministre de la Santé, Ghazi l'ex-ministre du Travail et bien d'autres anciens responsables seraient sur les tablettes pour reprendre du service mais cette fois, au Palais d'El Mouradia. Ils seraient vus comme un gouvernement parallèle à celui de Ahmed Ouyahia dont la gestion ne convaincrait plus. L'on dit qu'en haut lieu, il s'agit de trancher en premier la question du poste qui devrait être donné à Chakib Khelil.

1er ministre ? Directeur de cabinet à la présidence de la République ? Ou c'est Sellal qui reprendrait le 1er ministère pour, avance-t-on, «calmer les esprits et préserver la cohésion sociale qui s'effrite dangereusement», et Khelil monterait à El Mouradia «pour superviser tout le monde»? L'on croit savoir que certains hauts responsables conseillent d'éviter de mettre Khelil directement sous les feux de la rampe, du moins dès son retour officiel pour ne pas provoquer de levées de boucliers. Sellal ? Khelil ? Hamel ? Bedoui ? Belkhadem ?... Ce ne sont pas les noms qui manquent. Il suffit, affirme-t-on, «que ceux retenus répondent aux contingences craints par le pouvoir en place». Les temps se compliquent parce que le pays a toujours navigué à vue en l'absence flagrante de vision et de stratégie. Les équipes gouvernementales se suivent et se ressemblent. Aucun gouvernement n'a réussi à remettre l'ordre exigé au nom des devoirs et des droits de tous. A chaque fois que le pays se trouve en difficultés financières, quel que soit le gouvernement en poste, il décide de privatiser le secteur public. La privatisation est vue comme la panacée. Celui d'Ouyahia n'est donc pas le premier à le tenter encore une fois. Seulement, pour cette fois, la démarche coïncide avec les révisions des équilibres en prévision de l'échéance du mandat présidentiel. Un 5ème mandat étant dans l'air, il est attendu que de grandes portes soient ouvertes aux hommes d'affaires. L'on apprend que le FCE se frotte déjà les mains pour accaparer les grands secteurs économiques que les pouvoirs publics qualifient de stratégiques. Pour rappel, il a déjà exprimé il y a quelques temps, son désir de voir ouvert le capital de Sonatrach et de Sonelgaz.

La probabilité d'un 5ème mandat recompose les pouvoirs

Les velléités de reprendre les entreprises économiques rentables sont réelles et même légitimes pour des hommes d'affaires habitués aux facilités du pouvoir en place. Il serait d'ailleurs illusoire de croire qu'ils se jetteront les yeux fermés dans des partenariats pour sauver des entreprises publiques moribondes à cause d'une mainmise de l'Etat d'une inefficacité criante. A moins de les reprendre au dinar symbolique et de les vider de leurs effectifs. Ce qui est loin d'être exclu. Au diable les dispositions de la Charte que Sidi Saïd vante avec un optimisme démesuré. D'ailleurs, les hommes d'affaires des autres organisations patronales crient déjà au loup en avançant qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter des entreprises publiques et que «la charte de partenariats des sociétés qui est une simple compilation de lois et textes réglementaires, a été élaborée pour assouvir des demandes insistantes de patrons en quête de préservation de leur suprématie politico-économique». Les bénéficiaires sont alors tout indiqués. Il est avancé du côté du secteur public que le chiffre d'affaires des entreprises regroupées dans le FCE est d'à peine 10% et leurs postes d'emploi près de 3% comparés à l'état de ces deux mêmes indicateurs des entreprises publiques économiques structurées?L'on note qu'aucune organisation patronale n'a de structures autres que «son état-major».

Le retour d'une partie de l'équipe Sellal, s'il se confirme, serait aussi pour encadrer le mouvement associatif et les milieux d'affaires en prévision de 2019. Si les choses évoluent comme le désire le clan présidentiel, il est attendu que des changements soient entrepris à plusieurs niveaux pour (re)niveler et recomposer les pouvoirs aux fins de huiler la machine en prévision du 5ème mandat qui semble probable au regard de l'agitation flniste, de l'UGTA et des patrons privés.