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Conseil exécutif de wilaya: Guerre déclarée contre les constructions illicites

par Houari Saaïdia

Le premier conseil exécutif postélectoral était à vocation pédagogique. Du haut de la tribune, le ton était à la didactique à l'adresse des 26 nouveaux maires. Et ce, qu'il s'agisse de l'ABC de l'administration publique, du guide de gestion municipale, des axes de la feuille de route de la wilaya? Mais sur le «règlement intérieur», sur les «lignes rouges», le wali se montrait moins pédagogue. Il était implacable, intraitable.

«Si j'apprends l'érection de constructions illicites de fraîche date, non signalées par le président de l'APC, je considère que celui-ci en est complice. Et il sera sanctionné en tant que tel», a-t-il averti. Ça ne relève point de l'approche du «fusible», de l'arbitraire ou de la présomption de culpabilité, comme rétorqueraient certains pourfendeurs. On n'est certes pas dans le registre juridictionnel, mais force est de reconnaître que c'est là un jugement juste de la part du détenteur de l'autorité de l'Etat et délégué du Gouvernement à l'échelon local. Le maire, en effet, qui a la qualité d'officier de police judiciaire en vertu du code communal, se rendrait complice passif de l'auteur et du co-auteur en fermant les yeux sur l'infraction qui est la construction illégale commise sur son territoire communal qu'il administre et dont il a la charge de veiller au respect et à l'application de la législation et de la réglementation en vigueur, en matière d'urbanisme dans le cas d'espèce. La réalisation de travaux sans autorisation constitue même une infraction pénale. Le maire, en son statut d'officier de police judiciaire, est tenu de faire constater l'infraction en dressant un procès-verbal et d'en transmettre une copie sans délai au procureur de la République. Ces procès-verbaux font foi jusqu'à preuve du contraire.

La complicité plus que présumée des maires

La loi permet même au président de l'APC -elle l'y oblige- de procéder à la démolition directe en cas de constatation de travaux sans permis de construire. Le directeur de l'Urbanisme, invité au pupitre par le chef de l'exécutif pour esquisser aux nouveaux maires la ligne de conduite à observer face à des transgressions en matière d'urbanisme, a bien entendu rappelé cette règle de réaction unilatérale, directe et non sujette à aucune demande préalable auprès de la tutelle, qui doit se faire dans la semaine, tout au plus, après la constatation du fait infractionnel. Il a noté qu'«à défaut» -comprendre par là : si la situation les dépasse- les maires peuvent compter sur l'intervention du wali, qui peut signer un arrêté de démolir et en ordonner l'exécution dans un délai d'un mois. «Ce mode alternatif est fort improbable. Il a trop peu de chance d'avoir lieu, pour ne pas dire à exclure. Les maires ont assez de prérogatives pour faire face au phénomène des constructions illicites. Ils doivent user de leur plein pouvoir, sans en abuser. Nous serons toujours à leurs côtés et mettrons à leur disposition la force publique à chaque fois que de besoin. Cela dit, pour mettre à terre des amorces-poteaux, on n'a même pas besoin de réquisition», a répliqué Mouloud Cherifi, en interrompant le DUC dans son récit. A juste raison : l'exception du recours «nolens volens» à la voie hiérarchique en sollicitant l'intervention du wali, valable dans des cas extrêmes où l'autorité municipale se voit dans l'incapacité de s'exercer devant un cas d'extrême sensibilité, d'empêchement majeur ou qui la dépasse tout court, peut avoir «a contrario» cet effet pervers si elle venait de servir de prétexte tout fait, d'un article échappatoire entre les mains des communaux pour se dérober de leurs responsabilité.

Le wali ne veut pas démolir à la place des maires

En un mot, elle peut se muer en règle. Cet article d'exception, petit dans le texte mais gros sur le terrain, que l'orateur n'a pas pris le soin, par inadvertance peut-être, de «censurer», n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, côté chef, qui, pesant toute sa gravité s'il venait à être adopté en mode d'emploi par les APC, l'a tout de suite retiré, prohibé, de l'arsenal d'armes avec lequel il compte déclencher son «casus belli» contre les constructions illicites. Mieux, l'intervenant s'est fait remarquer, avant même qu'il ne quitte l'estrade et ne regagne sa place à l'assistance, que la responsabilité de son propre département était tout aussi engagée dans le dossier anti-illicite et les subdivisionnaires de l'urbanisme et de la construction (SUC) seront sur le même pied d'égalité d'avec les élus et les administrateurs communaux sur l'échelle des sanctions. «C'est simple, s'il y a infraction de construction sans permis de construire ou de construction non conforme au permis de construire, un R+10 sur papier mais un R+16 sur terrain, une extension, un dépassement de l'emprise au sol?non signalée par un PV, alors le subdivisionnaire concerné sera sanctionné?

Les APC doivent réagir, donner des exemples. L'impact de la répression fera tâche d'huile par la suite. Je vous donne la force publique pour cela», a poursuivi le wali. «Vous n'êtes pas comptables, a-t-il dit à l'endroit des nouveaux maires, des situations antérieures, de ce dont vous avez hérité comme passif en matière de constructions illégales. Votre mission commence dès votre début de mandat. Alors ne laissez pas les choses vous échapper. Mais il faut surtout éviter l'esprit de règlement de comptes. Il ne faut pas avoir le regard vers le rétroviseur, mais toujours vers l'avenir». Dans son exposé devant l'exécutif sur les constructions illicites à Oran et les procédures légales pour l'octroi de permis de construire, d'autorisation de démolition et l'intervention de P/APC dans ce domaine, un point de situation a été dressé par le directeur l'Urbanisme.

1.000 nouvelles constructions illicites recensées par la DUAC

Selon ce bilan, près de 1.000 constructions précaires et illicites réparties sur plusieurs sites des communes de la wilaya ont été recensées «dernièrement». Bâties sans permis, ces constructions sont concentrées dans les communes de Arzew, Benfréha, Hassi-Bounif, Béthioua, Sidi-Chahmi et Es-Senia, selon cette direction, qui précise que le recensement a été effectué avec les chefs de daïra, les présidents des APC et la commission technique de la wilaya. La DUAC a établi 160 procès-verbaux d'infractions concernant des travaux sans permis de construire ou non conformes aux permis et des démolitions sans autorisation depuis le mois de septembre à ce jour. Ces infractions ont été relevées dans les communes de Boutlélis, Bir El-Djir, Oran, Ain El-Turck, Gdyel, Béthioua et Oued Tlélat, selon le directeur de l'Urbanisme de wilaya. Le même responsable a présenté un exposé sur les constructions illicites à Oran et les procédures légales pour l'octroi de permis de construire, d'autorisation de démolition et l'intervention de P/APC dans ce domaine. Des exposés sur le budget des communes, la lutte contre les constructions illicites, l'environnement et l'hygiène dans la wilaya ont été présentés lors de cette réunion.