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Le guide suprême accuse les «ennemis» de l'Iran de fomenter les troubles

par Siavosh Ghazi (Afp)

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a brisé son silence hier mardi et accusé les «ennemis» de l'Iran de s'unir pour porter atteinte au régime, au sixième jour d'un mouvement de contestation sans équivalent depuis 2009 et marqué par des violences. Neuf personnes ont ainsi été tuées dans la nuit dans le centre du pays, où des manifestants ont tenté de prendre d'assaut un poste de police. Au total, 21 personnes -dont 16 manifestants- ont été tuées depuis le début jeudi des rassemblements contre les difficultés économiques et le pouvoir, qui ont commencé à Machhad (nord-est) pour se propager rapidement à l'ensemble de l'Iran. La capitale Téhéran est globalement moins touchée par les protestations antigouvernementales que les villes petites et moyennes mais 450 personnes y ont été arrêtées depuis samedi, selon les autorités locales.

Les autorités ont déployé des forces de sécurité supplémentaires pour faire face au mouvement de protestations en cours, qui ne paraît pas être particulièrement structuré, notamment à sa tête.

Dans sa première déclaration depuis le début des «événements», l'ayatollah Khamenei a assuré sur la télévision d'Etat que «les ennemis (de l'Iran) s'étaient unis en utilisant leurs moyens, leur argent, leurs armes (...) et leurs services de sécurité pour créer des problèmes au régime islamique». Ils n'attendent qu'«une occasion pour s'infiltrer et porter des coups au peuple iranien», a-t-il dit, sans donner de précisions sur ces «ennemis». Le président américain Donald Trump, qui a fait de l'Iran une de ses bêtes noires, a plusieurs fois réagi aux manifestations, estimant qu'elles montraient que «le temps du changement» était venu dans le pays.

«Punition plus lourde»

Selon la télévision d'Etat, neuf personnes ont été tuées dans la nuit de lundi à mardi dans la province d'Ispahan (centre), dont six manifestants qui tentaient de prendre d'assaut un poste de police à Qahderijan. A Khomeinyshahr, un enfant de 11 ans a été tué et son père blessé par des tirs de manifestants alors qu'ils passaient près d'un rassemblement. Un membre des Gardiens de la révolution a par ailleurs été tué par des tirs de fusil à Kahriz Sang, ainsi qu'un policier à Najafabad, également tué par balles. Une centaine de personnes ont par ailleurs été arrêtées lundi soir dans la province d'Ispahan, toujours selon la télévision d'Etat.          Le sous-préfet de Téhéran Ali-Asghar Nasserbakht a pour sa part annoncé à l'agence Ilna, proche des réformateurs, que «200 personnes avaient été arrêtées samedi, 150 dimanche et environ 100 lundi» dans la seule capitale. «Chaque jour qui passe, le crime des personnes arrêtées devient plus grave et leur punition sera plus lourde. Nous ne les considérons plus comme des protestataires qui réclament leurs droits mais comme des gens qui visent le régime», a déclaré le chef du tribunal révolutionnaire de Téhéran, Moussa Ghazanfarabadi, cité par l'agence Tasnim.

«Les gens coopèrent»

Les autorités accusent des «fauteurs de troubles» armés de s'infiltrer parmi les manifestants et certains dirigeants ont pointé du doigt le rôle présumé de «contre-révolutionnaires» basés à l'étranger. Le général Rassoul Sanaïrad, l'adjoint politique du chef des Gardiens de la révolution, a ainsi affirmé que «les Moudjahidines du peuple avaient été chargés par les Al-Saoud (la famille qui règne sur l'Arabie saoudite, grand rival régional de l'Iran) et certains pays européens de créer de l'insécurité», selon l'agence Tasnim. Le vice-ministre iranien de l'Intérieur, Hossein Zolfaghari, s'est lui montré optimiste. «Dans la plupart des régions du pays, les gens coopèrent avec les forces chargées du maintien de l'ordre et de la sécurité. Les récents troubles provoqués dans certains endroits vont finir très vite», a-t-il déclaré selon plusieurs médias. Les rassemblements antigouvernementaux, qui se poursuivent en dépit du blocage des réseaux sociaux Telegram et Instagram, utilisés pour appeler à manifester, sont les plus importants depuis le mouvement de 2009 contre la réélection du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Accusant une «petite minorité» de «fauteurs de troubles», l'actuel président Hassan Rohani a assuré lundi que «le peuple allait leur répondre» tout en ajoutant que le gouvernement était déterminé à «régler les problèmes de la population», en particulier le chômage (12% de la population active). Elu pour un second mandat en mai, M. Rohani a permis à l'Iran de sortir de son isolement avec la levée de sanctions internationales liées aux activités nucléaires de Téhéran, qui avait fait espérer aux Iraniens une amélioration de la situation économique. Mais cette levée des sanctions, conséquence de la signature en 2015 d'un accord nucléaire historique avec les grandes puissances, tarde à porter ses fruits.