Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

FLN-UGTA-FCE: Une tripartite sans enjeu

par Ghania Oukazi

  L'année débute par une ineptie, une tripartite qui obligera aujourd'hui le FLN à «soutenir et à endosser» la charte relative au partenariat des sociétés, paraphée par les partenaires économiques et sociaux le 23 décembre dernier.

Ineptie parce que la rencontre, prévue aujourd'hui en début d'après-midi, n'est qu'un subterfuge pour que le FLN de Ould Abbès se dégonfle et s'inscrit en long et en large dans le «traité» tripartite qui a parachevé la décision de l'Etat d'enclencher une démarche «graduelle» de privatisation des entreprises économiques publiques. La tripartite d'aujourd'hui, qui va réunir le FLN, l'UGTA et le FCE, semble être orchestrée pour que le parti du président de la République «soutienne et consolide» le PPP (partenariat public-privé), brandi par les signataires du pacte économique et social de croissance, comme formule magique pour booster l'économie nationale.

L'on sait que les récents propos du secrétaire général du FLN sur la protection des couches défavorisées n'ont pas plu en haut lieu. La méthode de rappeler Ould Abbès à l'ordre n'a pas demandé de grands efforts. Elle se décline ainsi en une rencontre amicale entre les animateurs du siège de Hydra, le patron de l'UGTA et celui du FCE. L'objectif étant sans doute, pour amuser la galerie et appâter les badauds par une poignée de mains scellant un pacte politico-économico-social novateur. La tripartite FLN-UGTA-FCE sera, en principe, sanctionnée par un communiqué que Ould Abbès rendra public sans préalables. Ses collaborateurs ont déjà annoncé à la presse que le FLN n'est pas contre le principe du PPP. «Donc, il est d'accord depuis longtemps sur la Charte de partenariat des sociétés», nous dit-on. Il serait ainsi absurde de croire que Ould Abbès peut agir comme il l'entend et contrecarrer les initiatives de la présidence de la République. L'on rappelle que le secrétaire général de l'UGTA nous avait déclaré la veille de la réunion tripartite du 23 décembre dernier que «le paraphe de la Charte du PPP à la centrale syndicale se fait à la demande du président de la République, il en fait une symbolique du dialogue social qu'il a toujours encouragé».

«Les copains d'abord !»

Et c'est dans le sillage de ce «dialogue social» que se rencontrent aujourd'hui le FLN, l'UGTA et le FCE. La parade est aussi simple.

Soutien incontestable de Bouteflika, le SG de l'UGTA s'est érigé sans hésitation, en fervent défenseur du «reversement» du secteur public pour le compte du secteur privé. La démarche n'est ni nouvelle ni contestée à travers le monde y compris les pays les plus rompus «à la démocratie sociale». Bien au contraire, elle a été pour beaucoup le moteur d'une relance économique effective. Mais ici, chez nous, c'est le procédé qui en est détestable. En plus de la cupidité et de la voracité, le régionalisme est lui aussi conforté pour le partage des meilleures parts du gâteau. «Les copains d'abord !», semble être le slogan de la distribution de cette nouvelle rente. Il est certain que le système rentier et ses pratiques ont la peau dure.

A l'issue de la signature de la charte à la centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd a laissé entendre qu'il a réalisé un exploit. Tout sourire, il nous avait déclaré que «nous étions jusque-là entre deux feux, celui d'un privé qui veut prendre le gâteau public et celui de le lui céder avec en conséquence inévitable une grosse perte d'emploi, nous nous devions donc de trouver un juste milieu pour sauver ce qu'il y a à sauver des entreprises publiques». Il rappelle qu'«il fut un temps où la SNVI frôlait la fermeture mais nous avions bataillé pour créer un groupe de partenariat avec l'armée et le ministère de l'Intérieur, aujourd'hui SNVI renaît de ses cendres». Le patron de l'UGTA déborde d'optimisme pour enclencher de nouveaux partenariats sur la base de la règle 66/34%. «Les 34% que détiendront les entreprises publiques à l'ouverture de leur capital aux privés sont véritablement ce tiers bloquant qui empêchera toute dérive du privé», assure-t-il. Tiers bloquant de quoi ? interrogeons-nous, puisque le privé accaparera d'entrée de jeu 66% du capital. «Avec cette ouverture, nous cherchons une compétence managériale qui sortira le secteur public de sa léthargie, parce qu'on ne peut plus lui injecter de l'argent comme avant, le Trésor public n'en a plus les moyens», justifie-t-il.

«La faisabilité du PPP non encore instaurée», selon Sidi Saïd

Le PPP est pour Sidi Saïd «ce procédé ingénieux par lequel l'Etat rentabilisera l'argent de la planche» parce que, lance-t-il, «si on ne le fait pas du point de vue économique, sur les 5 ans à venir, on se retrouvera à genoux !». Il pense que «si la Charte des partenariats des sociétés oblige l'entreprise publique à associer sa représentation syndicale dans tout processus d'ouverture de capital, c'est que nous avons tenu à mettre des garde-fous contre tout dérapage».

Il reste cependant curieux qu'avec tous les textes, règlements et lois que contient la charte, Sidi Saïd avoue que «la mécanique relationnelle construite à travers la formule PPP, ou sa faisabilité, n'est pas encore instaurée, la charte n'en est qu'un ancrage conventionnel». Il estime ainsi que «la charte est une démarche politique, l'essentiel est qu'elle impose le respect des lois sociales et de la représentation syndicale». Il précise toutefois, que «le préambule à la charte en est la feuille de route». «Personne ne peut sortir de ce préambule qui est le véritable cadrage à toute ouverture de capital entre résidents». Et c'est toujours avec son sourire habituel qu'il affirme que «ce n'est pas un bradage du secteur public mais une évolution économique, c'est une dynamique pour une réorganisation économique sur des bases revendiquées depuis 1990». Il se dit d'ailleurs étonné «par cette levée de boucliers contre le PPP alors que tout le monde réclame la privatisation du secteur public depuis les années 90 !». Il souligne encore qu' «ailleurs, à l'étranger, on achète tout chez le privé sans en être choqués, chez nous, on veut juste donner des concessions dans le but de créer des richesses, lancer la production nationale et fléchir la lourde tendance des importations, ce n'est pas un libéralisme sauvage !». C'est selon lui «pour éviter, dans les 5-10 ans à venir, un endettement féroce que nous avons enclenché ce processus raisonnable». Il qualifie le PPP de «véritable mariage d'utilité économique».