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Résoudre ou gérer la crise ? (1ère partie)

par Amar Tou*

Les grandes infrastructures économiques de base et celles liées à l'enseignement, à la santé, aux télécommunications, aux sports et à la culture, réalisées depuis l'an 2000, reprises ci-dessous en page finale (*), sont stratégiques sur les plans de l'utilité, de l'équité, de l'organisation, du rattrapage en transports intermodaux urbains, inter régionaux et d'anticipation sur le registre de la compétitivité maghrébine géopolitique et géostratégique.

La poursuite de l'élan, dans le prolongement des réalisations, doit être axiomatiquement, considérée vitalement impérative. Les arbitrages économiques et budgétaires devront, logiquement, en découler :

1- Dans les grandes nations, les grands travaux ne sont, généralement, jamais annulés ou même différés. Ils peuvent être, tout au plus, exceptionnellement ralentis. L'Algérie a légitimement bien la prétention d'être une grande nation dans son acception la plus large. Les décideurs devraient faire preuve d'innovation et d'audace mesurée dans la mobilisation des financements nécessaires en dérogeant, en tant que de besoin, aux règles dogmatiques, si compréhensibles soient-elles. La chute du prix de pétrole, si cruelle qu'elle soit, ne devrait aucunement altérer cette vision. La situation financière actuelle du pays, par comparaison à la crise de 1986, est largement meilleure. Même si, par insuffisance de diversification, l'économie algérienne reste fragile.

En 1986, la baisse du prix de pétrole était de l'ordre de 80%, frôlant le niveau de 7-9 USD/baril. Nos réserves de change étaient nulles et nos dettes extérieures atteignirent presque 30 milliards d'USD en 1989.

Même pendant la crise passagère de 2008-2009, le prix du baril avait chuté de 50% où il avait sombré à 37-40 USD/baril. Mais, par contre, nos dettes extérieures étaient presque nulles et nos réserves de changes étaient restées bonnes; de l'ordre de 143 milliards d'USD. Si en 2014 nos indicateurs financiers étaient encore meilleurs, nos réserves de change, à la fin de septembre 2017, chutèrent, par contre, à 102,4 milliards d'USD ; situation qui s'est compliquée par des perspectives pessimistes qui projettent ces réserves à 85, à 79 et à 76 milliards de dollars, respectivement pour 2018, 2019 et 2020.

2- En dépit du sensible redressement du prix du baril de pétrole, cette dégringolade s'accéléra, sous l'effet du maintien de nos importations à presque leur niveau d'avant la crise des cours de pétrole en juin 2014. Des biens de nécessité secondaire, voire d'utilité sociale superfétatoire, continuaient d'obérer nos réserves de changes. Les importations du premier semestre 2017 n'auraient pas été loin de celles de la même période de l'année précédente, selon la déclaration du Premier ministre en poste au mois de mai 2017. Ce qui ne manqua pas d'alerter les décideurs dans la loi de finances pour 2018 et, en prévision, pour 2019 et 2020 ; mais insuffisamment, toutefois, au vu des indicateurs présentés.

3- Le taux de croissance de l'économie algérienne est également meilleur, même s'il est encore en deçà des prévisions et où il faudrait, toutefois, se garder d'user, maladroitement, de taux «avec et sans hydrocarbures» pour éviter de donner le leurre que l'économie algérienne pouvait, actuellement, «tourner» sans hydrocarbures ; même si elles ne représentent en 2017 qu'un poids de l'ordre de 16% dans le PIB contre 30% en 2013 et contre un poids moyen de l'ordre de 35,98% pour la période 2000-2014, et même si la fiscalité pétrolière ne représente plus, par conséquent, qu'un poids de l'ordre de 30,96% au premier semestre 2017 dans les ressources fiscales globales (ordinaire et pétrolière), contre 38,12% au premier semestre 2016 et une moyenne de 69,57% environ pour la période 2000-2014. Mais le poids des hydrocarbures, dans les ressources financières extérieures du pays, est toujours de l'ordre de 97%. Ce n'est pas tant l'évolution relative du poids des recettes fiscales pétrolières, corrélativement au prix du pétrole qui, seule, explique cette nette tendance qui voit la fiscalité ordinaire prendre le dessus sur la fiscalité pétrolière ; mais c'est, également, le volume global absolu de la fiscalité ordinaire qui en est l'explication heureuse. Celle-ci dépasse, pour la première fois, les 60% des recettes fiscales globales, représentant une inversion historique dans les parts de ces ressources fiscales budgétaires. Heureuse tendance qui demande à être consolidée par un meilleur taux de recouvrement des recettes fiscales qui, apparemment, parait avoir bien entamé son redressement en 2016, désignant, du coup, le mal à extirper, sans le recours, dans l'immédiat, à l'élargissement de l'assiette fiscale. Ce que d'aucuns dénoncent comme tendance de facilité venant obérer le pouvoir d'achat des consommateurs et réduire les capacités d'autofinancement des entreprises. Mais ce que d'autres, par convictions idéologiques ou roulant pour des lobbies de tous ordres, cristallisent, actuellement, dans des débats diamétralement opposés, autour de l'idée, en l'air, d'une éventuelle amnistie fiscale. Question qui demande traitement dans le fond, en tous les cas. Pas exclusivement dans un sens ou dans l'autre.

Est-ce le début d'une solution salutaire d'une faille structurelle que constitue, depuis toujours, le faible taux de recouvrement des impôts en Algérie? C'est aussi une autre facette de la relativisation, tant recherchée, des hydrocarbures dans l'économie algérienne. C'est, également, un autre réservoir heureux de la diversification économique officiellement poursuivie et que le nouveau modèle de croissance affiché depuis 2015 par les hautes autorités du pays, qui en jette bien les fondements dont notamment : la place de la fiscalité pétrolière et la fiscalité ordinaire, le ciblage, par le soutien de prix, des couches sociales qui y sont éligibles, la rationalisation des dépenses ?etc. Et ce n'est certainement pas l'intégration, somme toute normale, de pondérables politiques d'ordre social, qui remettrait en cause la tendance lourde des réformes qui y sont énoncés. N'en déplaise à «l'économisme» et au «technocratisme» asociaux.

Pour mémoire digressive, il serait utile de rappeler que le taux de croissance de l'économie algérienne était négatif bien avant 1999 et que l'endettement de l'Algérie avait atteint à la fin de 1998, un niveau de 30,473 milliards de dollars représentant un ordre de 82% du PIB, pour une norme fixée par l'Union européenne, à ses membres, à un niveau maximum de l'ordre de 60% ; seuil, toutefois, qui n'est pas toujours respecté en demeurant, par contre, un objectif cible et une référence exigible pour l'appréciation des performances européennes en la matière. L'indice de production industrielle connut, également, une chute ayant atteint, en 1998, presque 30% par rapport à celui de 1989.

Par ailleurs, ce taux de croissance (de l'Algérie) était projeté, par les institutions financières internationales (IFI), à plus de 3% pour 2015, 2016 et 2017. Néanmoins bien plus faible que le taux de 7% promis par l'ancien Premier ministre Sellal, à un moment, il est vrai, où la conjoncture pétrolière était favorable. Si faible qu'il soit, ce taux de 3% vient de surcroît d'être revu à la baisse par ces mêmes Institutions Financières Internationales pour le situer, de manière expéditive, à moins de 2% pour 2017 et 2018, mais que les autorités financières algériennes maintiennent à 4%, 4,2% et 4,6%, respectivement pour 2018, 2019 et 2020, dans le projet de la loi de finances de 2018.

Ces projections des (IFI) sont, également, contrariées par les taux de consommation des ménages, de l'épargne et de l'investissement, réellement constatés. Aussi, en dépit des prudences budgétaires liées à la crise, le budget d'équipement représente-t-il 33,29% du budget de l'Etat de 2017. Ce budget connaîtra, contre toute malveillante attente, une augmentation substantielle dans l'exercice 2018 pour lever le gel inapproprié sur des projets de développement de dimensions nationales et locales, pour poursuivre la réalisation de l'ambitieux programme de logements et pour éviter l'asphyxie de l'outil algérien de production et de réalisation.

4- Actuellement, en dépit de l'érosion continue, déjà de l'ordre de 50% des réserves extérieures de l'Algérie, la situation financière du pays, corrigée par la forte appréciation du dollar comme monnaie des exportations de l'Algérie et la forte dépréciation relative de l'euro (par rapport au dollar), comme monnaie largement dominante dans ses importations, voit ainsi contenus, en bonne partie, les effets de cette conjoncture sur son pouvoir d'achat à l'importation, contrairement aux avis des tenants du pessimisme qui ont tendance à occulter tout indice de soulagement.

Cette pondération d'optimisme ne devrait nullement sous-estimer la gravité de la situation si le prix du pétrole ne se redressait pas davantage. Ce qui rend fortement obligatoire la poursuite de la mise sur pied de mesures appropriées de protection et de consolidation de ce pouvoir d'achat pendant et en dehors des turbulences actuelles du marché pétrolier, tenant compte des hypothèses les plus réalistes possibles.

5- Viennent s'ajouter aux mesures déjà préconisées, l'étalement, savamment étudié des paiements ou crédits de paiement (CP), un meilleur agencement des priorités tenant compte des impératifs susmentionnés, une rationalisation audacieuse des dépenses et des allocations des ressources, faisant fi des pesanteurs sélectives et catégorielles trop intéressées. Ceci afin d'éviter des coupes budgétaires qui compromettraient la mise en œuvre de la vision stratégique du développement économique et social de l'Algérie à long terme, telle que retracée, en mieux, en 1999. Le versus serait la consécration du traitement du plus pressé par la consommation de nos ressources à petites doses, sans possibilité de formulations combinatoires efficientes des facteurs de production, à même d'induire les synergies suffisantes. Ceci permettra d'atteindre le niveau de développement critique recherché depuis 1999 et que s'était assigné la reprise corrigée du modèle de développement engagé en 1967 et qui fut avorté en 1979. Nécessairement s'y impose l'introduction de correctifs aux plans de la vision, de la nature du capital (public, privé, étranger, combines à deux ou à trois), des modes de financement dont le BOT qu'autorise, désormais, la loi sur la monnaie et le crédit amendée, des choix technologiques et techniques, de l'organisation, de la mise en œuvre, du management requis et l'entame sérieuse des exportations vers les marchés des partenaires étrangers propriétaires des marques qui seront produites en partenariat avec des Algériens, en Algérie.

Naîtrait, inévitablement, une sous-traitance «d'intégration industrielle», domiciliée en Algérie, répondant à des besoins d'intégration localisés en Algérie en premier lieu. Elle serait, alors, productrice d'un enrichissement croissant et permanent de l'économie algérienne. A suivre

*Economiste, ancien ministre