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Le président bouteflika, les partis au pouvoir, l'administration et l'opposition (1ère partie)

par Chaïb Aïssa-Khaled *

Ne voulant pas se dépêtrer de l'archipel de l'appartenance à?, de la collusion, de la corruption même, de la décadence des mœurs dans la pratique du pouvoir qui leur est conféré, du manque de savoir-faire managérial et de celui du savoir être entrepreneurial, de la démagogie nourrie par la propagande qui fait office de discours politique ou administratif, du laisser-aller imbibé d'un autoritarisme qui affiche la seule image de marque du «Patron», des pans entiers de «politiques», de gestionnaires des institutions, (députés et leurs matrices politiques -partis-, walis, PDG, Gouverneurs de banques, cartel financier, directeurs, chefs de service, agents d'exécution), excellent à s'enraciner de mieux en mieux dans la spirale multisectorielle qu'ils ont par petites touches réussie.

Leur souci est de manœuvrer à leur guise. Les intérêts du pays ayant, de tout temps, été en annexe de leurs préoccupations. Ils ne s'inquiètent pas de la sclérose qui l'enfonce inlassablement dans les profondeurs des divers classements mondiaux. Le FMI et la Banque mondiale le guettent en brandissant des conditions qui emprisonnent ou, à la limite, altèrent sa souveraineté. Le virage socioéconomique entrepris pour tenter de rétablir l'équilibre défaillant du reste et qui, de type libéral, y est de surcroît des plus capitalistiques. L'inflation y est galopante. La paupérisation des classes moyennes y est érigée en hygiène de vie. La croissance économique n'y arrive pas à décoller. Le taux de chômage n'y est plus maîtrisable. La structure du marché du travail y est fortement bouleversée. La fiscalité s'impose aux petites bourses et épargne les grosses fortunes. La sécurité sociale y est absente. La couverture sanitaire n'y est pas conséquente. Le système éducatif y est des plus délétères. En prime, le cyclone de la mondialisation non maîtrisé y a aspiré l'ambition citoyenne, vivre et évoluer au rythme de l'international. Intrépides, ils font supporter le coût de leur gestion aux collectivités. Autrement dit, l'important est de maintenir l'équilibre de la structure des intérêts des rentiers, quand bien même il faut y assujettir les préoccupations de la société.

Cette spirale de la régression est aussi le produit de pans entiers de la société civile qui ont fini par s'en accommoder au point où, bien que le Président Abdelaziz Bouteflika se soit usé à veiller au grain, ils se sont déracinés de leur citoyenneté. Ils sont devenus une espèce mutante. Ils désolent. Ils sacralisent l'ignorance et les maux qu'elle engendre. Ils méprisent la réflexion. Ils diabolisent l'initiative. Ils ne se soucient de rien. Ils ont l'air d'avoir l'air d'être ivres de suffisance. Ils se disent tout savoir. Ils critiquent la relativité. Ils sont même imbus de grandeur. Ils ne sont jamais pressés. « Ils sont pressés de quitter la carlingue avant que le train ne touche le tarmac. Ils se disputent les bousculades. Ils s'agglutinent devant les guichets, à la mairie, à la poste et ailleurs. Ils s'amarrent à l'oisiveté. Ils sont là. Ils ne sont pas au travail. Ils sont payés quand même. Ils se disputent Messi et Ronaldo. Ils s'offrent de fausses griffes. Ils gominent leurs cheveux. Ils ne se gênent pas quand ils sortent des monstruosités de leurs bouches. Frondeurs, casseurs, ils ignorent ce qu'est une salle de cinéma, ce qu'est le théâtre. Ils confondent une librairie et une bibliothèque. Ils ne les connaissent pas. Ils n'y ont jamais mis un demi pied » -Le Quotidien d'Oran-. Ils ne lisent pas comme ceux qu'ils « élisent » sic ! au Parlement et aux mairies. D'ailleurs, ces derniers, sans culture pour la plupart mais riches, ils se précipitent à lever « les » mains pour acquiescer mais ils ne savent pas de quoi il s'agit, ou ils s'en moquent. Normal, tout est dans les normes, disent-ils !

Confondant le bien avec sa seule volonté, chaque citoyen est préoccupé par ses seules ambitions, ses seules aspirations, ses seules contraintes et ses seuls besoins. En dehors de ce contexte étroit, tout le reste lui est aléatoire. A titre d'illustration, il fait de l'esquive devant le travail et de la tricherie un moyen de survie, de l'arrivisme un paradigme social, de l'hypertrophie bureaucratique un moyen de gestion, de la fuite en avant un comportement. Autant de dynamiques négatives qui, s'autofécondant, se sont exacerbées jusqu'à atteindre leur paroxysme, jusqu'à générer des antagonismes et des conflits qui ont débouché sur une perversion tous azimuts au point où les valeureux sont devenus pauvres et les étêtés, opulents; au point où certaines consciences, bien qu'elles s'offusquent, bien qu'elles tentent de prendre leur destin à deux mains, elles n'y arrivent pas parce qu'elles n'ont plus de repères, au point où la passivité est devenue la seconde nature de ce citoyen réduit à un humanoïde coincé dans une forme humaine, à telle enseigne que « les détritus entassés devant, derrière et autour ne le dérangent pas, les odeurs puantes qui s'en dégagent et qui lui pénètrent les alvéoles, ne l'indisposent pas, les diptères, les rats, les souris, les recycleurs en tous genres qui se font concurrence, ne le gênent pas. Que les escaliers soient sales, que les forêts soient pleines de débris de verre, que les actions de bénévolats soient sporadiques, que les associations ne se suffisent pas du rôle pédagogique qui est le leur et qu'elles préfèrent se substituer aux organisations et services compétents, que l'eau potable se « raréfie », soit rationnée ou impropre, que le plasmodium falciparum lui rende visite, qu'Ebola ne soit pas loin ». -Le Quotidien d'Oran- Là est le benjamin de ses problèmes. L'important est d'imprimer « Allah akbar » sur l'emblème national comme l'ont fait les Irakiens, souhait auquel le président de la République, constatant que ses efforts sont tombés en désuétude, lui préfère le slogan populaire « Allah ghaleb ».

Cela dit, face à la déroute délibérée de l'économie, à la «médiocratisation» affichée d'une administration oligarchique, à la clochardisation programmée de la société, à la dissipation des repères civilisationnels de celle-ci et de ses symboles ancestraux, au renversement impénitent de ses valeurs, au mépris affiché à l'endroit de la morale et du civisme, à l'outrage à la dignité citoyenne, à la corruption et à la malversation, face à toutes ses négations qui sont en phase de devenir l'expression d'une loi, le Président Abdelaziz Bouteflika n'abdiquera pas. Il œuvrera pour que le peuple algérien qui, bien que flagellé tantôt par l'espérance, tantôt par la désillusion, finisse par passer d'un peuple démobilisé et dont la conscience nationale s'est effilochée au gré de la manifestation accrue de l'instinct primaire devenu, malgré lui, l'expression d'une hygiène de vie, à ce peuple déterminé, engagé et solidaire qu'il fût, à ce peuple qui ne confondra plus liberté et servitude, équité et injustice, faiblesse et puissance, à ce peuple qui optera sérieusement pour son développement durable.

Pour le Président Abdelaziz Bouteflika et quoi qu'en pensent ses détracteurs qui ont voulu faire de l'aléatoire une conduite à tenir, ces politiciens rusés qui, aspirant mettre hors jeu le peuple en l'anesthésiant, ont fait dans l'agitation au lieu de lui parler juste et vrai et ces gestionnaires simplets, (parce qu'ils ne semblent pas altérés par la panne de pilotage de la chose publique qui les particularise), qui se disent résolus à jouer dans la cour des grands mais dont le défi a débouché sur des échecs magistralement réussis. La régression multiforme et multidimensionnelle qui affecte l'Algérie n'est donc pas une fatalité. Elle est la conséquence de cette funeste dynamique qui a envoûté les responsables à tous les niveaux. Il s'agit de l'accaparement coûte que coûte et par tous les moyens. Elle est aussi la conséquence d'énormes dérapages politiques qui se produisent et qui se conjuguent les uns dans les autres.

Constatant, cependant, qu'aucun contre-feu n'est venu barrer la route à ces dérapages, il le fera lui-même. Les dysfonctionnements générés par des choix et des comportements et qui s'étaient délibérément entremêlés dans tous les champs de la vie sociétale, (du politique à l'économique, de l'économique au social, du social à l'institutionnel), ne balafreront plus, désormais, l'ambition citoyenne, n'engendreront plus cette inexorable détérioration des espoirs, ne renforceront plus les doutes et ne favoriseront plus jamais l'émergence de la déconvenue et de la rancœur.

Désormais, les gestionnaires des institutions nationales qui, jusque-là et faute de stratégies bien réfléchies, n'ont su penser et à bon escient des réformes structurelles en matière d'éducation et de culture et en faire les axes nodaux du développement durable et en matière de santé publique, d'économie, d'administration, de logement, d'insertion des jeunes par l'entremise de la création d'emplois, de la diversification des offres sur le marché du travail et des loisirs. En somme, par la mise en place des conditions qui permettront aux Algériennes et aux Algériens de gérer le tumulte de la modernité, sans erreurs et sans illusions et d'évoluer au rythme de l'international, sans gêne et sans complexe. Désormais, ils cesseront de se fossiliser dans la matrice de l'appartenance à?, en se taillant, à chaque fois que c'est nécessaire, un habit institutionnel dissimulateur de leur logique de fonctionnement et de leurs propres enjeux au moyen duquel ils feront miroiter l'image du «tout fait», du «tout essayé», pour loger le cas échéant les raisons de leur échec en dehors du champ de leur gouvernance. Les fortunes tapies dans leurs ombres ne serviront plus d'habitacle à cette diversion. (A propos de ces fortunes. Elles n'ont participé ni à la productivité ni à la compétitivité de l'économie. Elles ont été, tout simplement, consécutives à la logique de leur reproduction).

Notons que ces gestionnaires ont de tout temps donné l'impression d'être faits pour ne pas changer mais pour perdurer aussi longtemps que les profits garantis par le rente durent. Pour contrer cette aspiration malsaine, la stratégie tactique du Chef de l'Etat serait de supprimer les ressorts de leur logique de reproduction fossilisés dans la dynamique de manipulation orchestrée par ceux qui les continuent, certains détenteurs de capitaux appelés corrupteurs. Il rompra, par ailleurs, la verticalité de cette logique qui a été conçue en réseaux pour faire dépendre d'elle toutes les réponses à donner aux demandes sociales et qui tente pour ce faire de discipliner les volontés et les enrôler dans le sens escompté. Il mettra ainsi fin à la logique du népotisme et du clientélisme qui a été élevée au rang de stratégie de domestication de l'énergie sociale et de laquelle se sont décousus des méandres qui ont fini par décrépir l'image de l'administration algérienne.

A suivre...

* Directeur de l'Education de wilaya - Professeur chercheur INRE